Tube et dragon
– Tu connais la constante de Planck ?
– Tu sais que la Terre est ronde ?
– Je sais qu’elle commence avec deux six et ensuite… c’est quoi ?
– Si je comprends bien je n’ai pas de nouvelles depuis une semaine, et tu me demandes une équation mathématique que tu dois connaître pour que tu…sauves le monde ?
– Suzie-chou, je te promets que je me rachèterai dès que possible.
– Rachète-toi maintenant.
– Quoi ?
– Je veux l’entendre…Dialogue entre Suzie et Dustin, Stanger Things, saison 3, épisode 8, 2019.
Dans le coffre à souvenirs des années 80, on trouve un drôle de dragon rose et velu, un géant de pierre qui fait du tricycle et un chevaucheur d’escargot. On se remémore avoir traversé des vallées cristallines, un marécage mélancolique, des déserts de sable et de neige menant à un palais de gemmes où l’épopée prétend ne jamais vouloir finir. « Die unendliche Geschichte » c’est un livre né des rêves de Michael Ende, devenu « L’Histoire sans fin » d’un film de Wolfgang Petersen. Mais c’est aussi un tube entêtant qui tourne en boucle dans le juke-box des rengaines nostalgiques, la bande-son d’un âge qui n’entend pas s’effacer pour de bon.
Porté par la voix d’un chanteur sorti de la Kajagoogoo (le british Limahl en duet avec la ricaine Beth Anderson), on s’envole sur un air disco-teutonique signé Moroder vers des cieux fumigènes en rêvant de mondes et merveilles poético-fantasmagoriques, histoire d’échapper aux agressions quotidiennes et aux contrôles de maths. C’est en tout cas ce que fait le petit Bastien quand il s’enferme dans le grenier du collège pour se plonger dans le grand ouvrage « emprunté » chez le vieux bouquiniste du quartier (car ils sont toujours vieux ces rats de librairies). Fort du succès de ses aventures sous-marines, l’Allemand Petersen se voit offrir un pactole pour tourner outre-Rhin l’adaptation d’un best-seller de la littérature jeunesse locale, un peu de Fantasy nouvelle par-delà la ligne Siegfried. Tandis que la jeunesse célèbre gentils « E.T. », « Dark Crystal » et « le Retour du Jedi », le script propose une entrée Amblin qui conduit un ado orphelin de mère réfugié dans les livres (donc forcément brimé par ses camarades) à prendre une revanche sur l’existence.
Passé l’exposition assez brève qui brosse le portrait du lecteur (et fait la morale aux gamers), le scénario nous invite à plonger dans l’univers fantastique de la « Neverending Story » où se côtoient créatures à diverses échelles, où les plus gros spécimens ne sont pas nécessairement les plus vilains. A première vue, il n’y a rien de bien neuf sous le soleil des contes de fées, on croise toujours les mêmes espèces de monstres à physionomies variables : trolls poilus et gnomes du fond des mines, princesse en péril et loup enragé, cette Fantasia nous renvoie à un imaginaire référencé et confortable. Mais Petersen a su s’entourer des meilleurs artisans de plateau, à commencer par le britannique Brian Johnson débauché de la Team George Lucas, ayant baroudé de « l’Empire contre-attaque » au « Dragon du Lac de Feu ».
A ses côtés la lumière et les décors ne sont pas en reste puisque le réalisateur peut compter sur ses fidèles équipiers de « Das Boot » : Jost Vacano à la lumière (il poursuivra aux US en éclairant la plupart des films de Verhoeven) et Rolf Zehetbauer aux décors que Petersen retrouvera sur le splendide « Enemy mine » son film suivant. De leurs superbes matte paintings et de leurs monstres en animatronics, il ressort un goût suranné qui peut faire sourire mais qui, vu d’aujourd’hui, renvoie à une culture plus ancienne de la représentation féérique au cinéma. Lorsque l’on voit le dragon Falkor, figure emblématique du film (qui se retrouve en VF avec la voix de Dark Vador !), plonger dans l’océan au milieu des poissons en surimpression visible, on peut penser aux joyaux du muets, aux panneaux bricolés de Méliès, aux aventures de Faibanks en « voleur de Bagdad », et pourquoi pas à l’âge d’or de la UFA quand Fritz Lang recréait les Nibelungen.
Petersen ajoute la couleur, scintillements de rouge et éblouissements bleutés qui contrastent sous une céleste voûte noir d’encre propice aux rêves éveillés. On se croirait presque chez Bava, ou autre série B, mais hélas le palpitant des péripéties manque cruellement d’antagoniste à la hauteur, on espérait une menace plus ardente. Abordée comme une pirouette finale, la réflexion sur l’influence de l’imaginaire du lecteur dans l’univers où il se projette aurait mérité d’être plus aboutie. Quelques temps forts font néanmoins relever la tête, comme l’engloutissement du fidèle Artax dans la boue d’un marais fumant, le périlleux passage des Sphynx ou bien la rencontre avec une tortue-colline assoupie et apathique. Manque aussi un supplément de charisme chez ce jeune héros trop propret prénommé Atreyu, un enfant guerrier sapé comme Winnetou, bien brave et bien pugnace mais dont la quête vouée à l’échec semble bien ingrate. Noah Hathaway en tirera tout de même un statut d’idole en pays germain, mais tombera dans l’oubli suite à ce moment de gloire éphémère. L’année suivante, Ridley Scott éblouira davantage en alimentant la « Legend » kitsch de Tom Cruise. Quant à Wolfgang Petersen, il faudra attendre son « Enemy mine» pour le voir réunir la forme avec le fond.
Je me rappelle bien de la musique de ce film par le chanteur de Kajagoogoo, ce fût un tube. Le film, il faudrait que je le regarde de nouveau.
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On se souvient en général davantage de la chanson signée Moroder (un tube au top 50 a l’époque) que de cette Histoire qui ne marqua pas les mémoires.
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C »est certain. Et quand on est jeune, la musique associée aux films, les groupes de rock, reggae ou autres musiques électronique revêtent une grande importance. Ce fut mon cas. 😊
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Film largement en dessous du livre qui était enchanteur…. c’était mieux que Harry le potter….
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Le film n’adapte d’ailleurs que la moitié du livre si je ne m’abuse. Et Michael Ende n’a pas souhaité avoir son nom au générique, insatisfait du résultat.
Visuellement, c’est assez joli, un peu désuet, mais ça garde un certain charme niais augmenté de la ritournelle devenue culte.
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En effet !
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Le film aura tout de même deux suites (que je n’ai pas vues).
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J’avais vu le film quand j’étais petite et j’avais même acheté le 45 Tours. Je rêvais d’être coiffée comme Limahl 😀
Merci Prince Ecran Noir pour ce moment nostalgique !
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La coiffure est restée dans les mémoires.
Too shy le Limahl 😉
Bonne journée.
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Bonne journée 🙂
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L’air disco-teutonique ! 🙂 Amusant que tu parles de Wolfgang. A part ça tu es infatigable ! Bon, je suis un peu passé à côté de ce film, mais c’est vrai qu’il reflète le charme d’une époque. Lequel de Ridley parles-tu ? Bonne soirée.
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Je parle de « Legend », une féerie d’une autre envergure à mes yeux, même si son aspect kitsch et pailletée n’emporte pas tous les suffrages.
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ok, en effet tu le cites, mais c’est que j’en ai vraiment jamais entendu parlé…
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Un film avec Tom Cruise, des licornes et des elfes, et surtout un formidable Tim Curry en diable rouge nommé Darkness.
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Une belle chronique pour un joli film qui a été rediffusé récemment. La musique, les effets spéciaux, le tout ne manque pas d’un certain charme suranné. Nostalgie quand tu nous tiens 😉 Je n’ai pas lu le livre par contre. Passe une excellente soirée 😊
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Il faut, je crois, une bonne dose de nostalgie pour apprécier le film à sa juste valeur. 😉
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oui totalement. Je le suis nostalgique de cette période des années 1980-90 😉
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Merci Princecranoir pour cette ballade en amnésie !
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Article spécial pour mémoires capricieuses. 😉
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Tu me donnerais presque envie de regarder en entier ce film que je n’ai jamais réussi à finir étant petite…
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Merci 😊
Le film a des défauts mais visuellement son charme croît.
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Je me souviens bien de ce film que j’avais vu à sa sortie. J’en garde un bon souvenir, avec en tête les quelques facilités du film. Et puis la chanson est entêtante. J’étais certes alors un spectateur moins exigeant qu’aujourd’hui.
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Pas sûr que sans le tube de Limahl le film aurait acquis un tel statut. D’ailleurs le Legend de Ridley Scott ne peut s’enorgueillir du même outil promotionnel, ce qui explique peut-être sa relative mise à l’écart parmi les fleurons du genre.
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N’est pas Amblin (ou Sir Ridley) qui veut !
De Wolfgang Petersen, mieux vaut se placer dans sa ligne de mire, monter à bord de son bateau ou combattre à la guerre de Troie (en version director’s cut ou je déserte)… Du monsieur, je préfère même son naïf mais sympa, Enemy (voire même ce thriller très 90’s avec la très belle Greta Scacchi : Troubles).
Reste la chouette chanson du film (« Never ending storyyyyy… ahahahah… »).
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« Enemy » c’est gros cran au-dessus, on est d’accord. Je te rejoins aussi pour les autres, à « Troie » ou « dans la ligne de mire » dont était très fan le grand leader Kim Jong-il.
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Artaaaaax 😥 Je m’en allais toujours lors de cette scène quand je voyais le film étant gamine. Mon frère : « mais il va revenir ».
J’adore ce film aussi pour Bastien dans lequel je me retrouvais.
Enemy mine est un très bon film en effet.
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LE moment tragique du film en effet, qui renonce à une issue heureuse. Le pauvre Artax est tout de même bien oublié par la suite.
Bastien dans son grenier poussiéreux qui réagit à chaque rebondissement, c’est à se demander s’il existait un endroit pareil dans notre bahut à l’époque. 😉 Il y a presque un côté Goonies, on ne serait pas surpris de trouver au fond d’un placard la carte au trésor de Willy le Borgne.
« Enemy » pourrait bien faire partie de ma sélection « à revoir » cet été. 😉
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Jamais vu. Je suis allée écouter la BO. Effectivement je connais la rengaine mais j’avais pas imprimé la tête impayable de Limahl.
Je trouve l’image et les personnages assez laids.
Il est passé dans le poste récemment.
Je l’ai encore loupé dis donc. Il devait y avoir Angélique la marquise sur une autre chaîne 🙂
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Passé sur notre belle chaîne franco-allemande tout de même !
Qui aurait pu passer à côté de ce tube (et de ce clip !) ? A regarder avec les (petits) enfants. Certains personnages sont laids, je te confirme, mais le bestioles et les décors ne manquent pas de charme.
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L’espèce de gros chien blanc est particulièrement moche.
Pas envie de leur infliger ça.
J’essaie plutôt de les orienter vers l’Aventure des Marguerite actually.
P.S. : on m’offre un bon d’achat de 10 € pour 80 € d’achat à Intermarché sur ce blog clignotant. Je me tâte !
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Falkor n’est pas blanc, il est rose.
Te laisse pas avoir. Je n’y gagne rien. 😉
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En fait le gros chien encore plus moche s’il est rose, c’est pas tant qu’il est moche (enfin si, il est moche) mais quil a l’air con. Non, TRÈS con.
Et s’il s’appelle Falkor alors là on touche le fond.
Avec son air idiot, ce doit être un gentil.
Ce soir il y a Arac attack dans le poste. Tu me le conseilles ?
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Comment tu juges sur le physique…
« Arac attack », je ne n’ai jamais tenté, sans doute à cause de mon arachnophobie. Mais avec un titre pareil, ça ne peut être que jouissif. 😉
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je lui préfère l’attaque de la Moussaka géante, un chef d’œuvre !
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Ah, je l’ai vu celui-ci. Il y a bien longtemps. Une curiosité dans son genre.
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Oui, le physique c’est ce qu’on voit en premier et j’ai toujours un avis là-dessus 🙂
Le blême c’est que je trouve David Arquette plus moche qu’un troupeau d’arachnées. Ça me gêne.
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Ah, la question du physique, une autre neverending story…
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Bon, plus con que ce film, j’ai rarement vu.
Heureusement que j’avais du repassage 🙂
Le shérif est une femme (mère de Scarlett qui se fait vomir dessus par une araignée) qui dit à ses concitoyens : prenez tous vos armes et rdv au centre commercial !
Humour bas de plafond, répétitif, pas drôle.
« Il faut trouver le générateur ».
Personnages bas de gamme dont un qui craint de se faire poser une sonde anale (j’ai pas compté mais il a dû le répéter 10 fois).
Les araignées font des bruits bizarres et sont sauteuses en plus d’avoir grave la dalle.
David Arquette est M.O.C.H.E. et pousse des hurlements stridents pire que Dakota Fanning dans La guerre des mondes.
Rien à sauver.
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Pas dans ma toile de la soirée.
J’ai préféré redescendre dans le subconscient de Leo en attendant Tenet. 😉
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Mon Dieu, comme ça me fait plaisir de lire ton avis sur ce film et surtout, gros coup de nostalgie pour moi 😍 J’ai grandit avec, ils m’ont fait rêver, c’était mes premiers pas dans le fantastique et ça ne m’a jamais quitté depuis ! En plus, mon petit frère s’appelle Bastien, alors évidemment, à l’époque c’était important pour moi 😉
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Je vois que tu as lien particulier avec ce film !
Je suis ravi d’avoir pu, grâce à ce texte, réveiller le goût de cette madeleine de jeunesse. 😉
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J’ai toujours trouvé ce film pour enfants absolument magnifique. Il m’a accompagné durant ma jeunesse, mais pas seulement : j’aime le redécouvrir régulièrement. Une histoire qui se mange sans faim.
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Pas du goût de tout le monde, mais c’est vrai que cette Fantasia aux mélodies rose bonbon en a marqué plus d’un. Une madeleine qui se mange sans faim, c’est juste.
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Je me souviens quand j’étais petit j’avais offert le DVD à une copine alors que je ne l’avais moi-même jamais regardé, j’ai plus grandi avec le deuxième film qui passait sur RTL9 et le dessin-animé de Canal J. Ce n’est que plus tard que je me suis rendu compte qu’il y avait effectivement un épisode 1. Par contre faut oublier le 3e qui est une bouse infâme. Ce serais sympa qu’ils en fassent un remake moderne avec une participation clin d’œil de Barret Oliver et Noah Hataway.
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Je n’ai jamais vu le deuxième volet. J’imagine qu’il clôt la partie manquante du livre. Pas vu non plus le dessin animé, juste quelques bribes avec mes enfants. Je suis plus de la génération du film original, celle qui est dépeinte dans stranger things (moi aussi je jouais à Donjons et Dragons 😉).
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Effectivement il adapte librement la seconde partie du livre, mais ils ont quand même pas mal édulcorer les passage ou Bastien souffre et perd la mémoire. Puis la gamine qui joue l’impératrice ressemble à une poupée en plastique, ce qui est assez flippant.
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Je tenterai ma chance en Fantasia à nouveau si j’en ai l’occasion.
Il n’y a plus Petersen aux commandes je crois ?
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Non c’est un mec qui s’appelle Georges Miller, mais rien a voir avec le réal de Mad Max. J’ai longtemps confondus les deux avant de me rendre compte qu’ils avait juste le même homonyme. Ce Miller là n’a rien de fait de vraiment mémorable, juste un bon technicien au service des studios.
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Un film d’enfance que j’ai revu et qui reste agréable à bien des égards, notamment un côté sombre prégnant pour un film pour enfants. Et bravo pour le titre 🙂
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Merci beaucoup.
Vu aujourd’hui, le film obtient néanmoins l’indulgence nostalgique. Certes il cultive un aspect sombre mais terriblement maladroit, qui empêche de s’émerveiller totalement, ou de se laisser porter.
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This is a film that is part of my childhood and that I have always loved very much. An incredible film with well-curated settings and photography. I was pleased with the comparison you made with Bava’s films, looking at it now and with a certain maturity you can actually see that type of lighting and photography.
It is also based on a novel that I read with great love. The book is truly wonderful and it is thanks to that book that I adore Michael Ende. Sure, thanks to that book but also to another book called Momo. That too has become one of my favorite novels that I am fond of. In Italy we made an animated film almost twenty years ago, « Momo alla conquista del tempo ». One of my favorite Italian animated films. If you are interested here is the review: https://mymadreams.com/2019/03/08/momo-alla-conquista-del-tempo/
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In France, the movie (and the song !) is more popular than the book.
I don’t know this « Momo » but I’ll discover it with great pleasure through your words. I go read it.
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