Ars gratia artis

« Si l’on se demande comment se fait qu’Herman J. Mankiewicz, qui a écrit le film que beaucoup de gens pensent être le plus grand film qu’ils aient jamais vu, est presque inconnu, la réponse doit certainement être non seulement qu’il est mort trop tôt, mais qu’il s’est dupé lui-même. »
Pauline Kael, Raising Kane, New Yorker, février 1971.
Son nom est Orson Welles. Il est inscrit dans toutes les anthologies du cinéma pour être l’auteur du plus grand film de tous les temps, « Citizen Kane ». Pour avoir écrit le scénario de ce chef d’œuvre, il remporta la prestigieuse statuette dorée offerte par l’Academy of Motion Picture and Science, récompense qu’il partagea avec un certain Herman J. Mankiewicz, autrement connu sous le diminutif « Mank ». C’est à cet homme de l’ombre, ainsi qu’à son propre père, que David Fincher rend hommage en réalisant ce film, une traversée du miroir vers la face sombre du fastueux âge d’or hollywoodien.
Qui est l’auteur d’un film ? La question revient sans cesse sur le tapis dès lors que l’on s’arrache la paternité d’une œuvre collective. La politique des auteurs érigée en dogme par les critiques des Cahiers ont mis le réalisateur à l’honneur, sur le piédestal de la création. Depuis, bien des critiques, comme Pauline Kael du New Yorker, sont revenus sur ce principe, mettant en lumière celui ou celle qui trime à l’arrière-plan, qui est aussi à la manœuvre. « Moi je vois les choses en termes de chromosomes, que le scénariste et le réalisateur se partagent » avance David Fincher sur France Inter. En ce qui concerne « Citizen Kane », celui qui se cache derrière est un personnage débranlé, un électron libre, un buveur compulsif et un joueur patenté, mais un génie spirituel qui s’était fait une place à la table ronde des intellectuels d’Hollywood, un bouffon éclairé dont on s’arrachait la compagnie pour égayer toutes les garden party. « Personne n’était plus grincheux, plus acerbe, … et plus amusant que Mank ! » expliquait Orson Welles à Peter Bogdanovich. Un esprit tellement brillant que ce grand triturateur d’images qu’est Fincher choisit de le filmer dans un Noir & Blanc numérique, dans un écrin de contrefaçon qui imite les imperfections de la pellicule au moment des changements de bobine.
Ce chatoiement suspect de l’image, impeccablement magnifié par le chef opérateur Erik Messerschmidt (dernier complice en date de Fincher depuis la série « Mindhunter »), donne aux décors l’aspect factice dont semble se gausser le personnage principal. Pour l’incarner, il fallait un interprète à la mesure de cette personnalité hors-norme. Fincher a la bonne idée d’engager Gary Oldman (Kevin Spacey, désormais grillé des listes, aurait été un choix tout aussi judicieux), acteur qui n’a plus peur de se colleter aux forts en gueule depuis son triomphe dans « les Heures Sombres » churchilliennes. Il incarne à la perfection ce « parangon d’auto-destruction » comme l’appelait Welles, un homme qu’il valait mieux avoir à ses côtés plutôt que parmi ses adversaires. Quant à son contre-point tout puissant, celui dont la réaction fut l’objet de toutes les attentions à la sortie de « Citizen Kane », il est naturellement confié à l’acteur britannique Charles Dance. Fort d’être acclimaté aux rôles d’aristocrate de haut rang (de Tywin Lannister dans « Game of Thrones » à Lord Mountbatten dans les dernières saisons de « the Crown »), il cultive en sus une ressemblance assez troublante avec le magnat tant redouté William Randolph Hearst. Du haut de son palais qui domine Hollywood, il est le monarque courtisé par la puissante MGM, ici représentée par Louis B Mayer, autre figure incontournable de cet échiquier. Au roi bien sûr s’ajoute la dame de compagnie, merveilleuse Amanda Seyfried, aux boucles blondes appropriées pour incarner l’actrice Marion Davies. Fichée sur son piquet, prisonnière des peaux-rouges, elle appelle les cow-boys à la rescousse sur un plateau de tournage en décor naturel. Mais c’est ce fou de Mank qui fera son entrée dans la profondeur de champ, son charme et son bagout légendaires feront le reste.
Les dialogues sont ici parfaitement ciselés, respectant à la lettre les traits d’esprit de cet expert de la plume qui faisait naguère l’admiration des Marx Brothers. Mais c’est à un autre admirateur que l’on doit le miracle de cette résurrection. Tout comme dans l’ombre de Welles il y avait Mank, dans celle de David Fincher il y a Jack. « La genèse de ce film remonte à la retraite de mon père. » explique le fils Fincher au magazine Première. Ex-journaliste pour Life Magazine, mais surtout spectateur passionné de cinéma classique, Jack Fincher s’était mis en tête de rédiger un script sur l’auteur du scénario de son film préféré, tandis que son fils David passait l’épreuve du premier blockbuster à Hollywood (sans doute l’expérience la plus pénible de sa jeune carrière de réalisateur). On devine alors à quel point ce script revêt une dimension intime et personnelle pour David Fincher. Il y a, dans les flashbacks tortueux de « Mank », le détail des magouilles et des coups tordus qui inspirèrent l’écriture du fameux chef d’œuvre de Welles : les coups de poignard dans le dos, les fake news à gogo qui serviront à abattre un dangereux opposant politique ; ces années trente vues par Fincher ont décidément des allures familières. Ce même parfum de désenchantement dût envahir l’esprit du réalisateur à ses débuts, une pénible épreuve qui finalement renforcera ses convictions d’auteur, affermira des choix qui le conduisirent à devenir aujourd’hui un cinéaste reconnu, voire glorifié.
Mais comme beaucoup de projets si longtemps maturés, « Mank » n’est pas le chef d’œuvre de Fincher. Cela tient peut-être à l’extrême déférence au script de feu son père, à la révérence appuyée au style de Welles (qui se voit quasiment iconisé à chaque apparition, comme l’avait fait avant lui Tim Burton dans son biopic sur « Ed Wood »), voire à une excessive empathie pour le personnage titre (attendri par la présence de la « pauvre Sara », son épouse dévouée confiée à Tuppence Middleton), mais il y a dans sa forme quelque chose de (papier) glacé qui peine à sublimer le sujet. Le film manque d’allant, s’écoute souvent parler, pas assez de nerfs, en met plein la vue sans pourtant marquer la rétine, et on se prend à rêver de ce qu’un Scorsese aurait fait d’un tel matériel. A Hearst, ce dernier préféra Hugues, l’« Aviator » de la RKO, autre magnat à qui l’on aurait pu comparer Kane. Scorsese avait transfiguré le Noir & Blanc des studios à l’émetteur dans un vertige de couleurs, Fincher choisit d’éteindre le flamboiement de la MGM dans une grisaille si bien léchée qu’elle en paraît douteuse. Le film semble s’adresser essentiellement aux initiés (Fincher semble assumer le reproche fait par Houseman dans le film : « vous exigez beaucoup du spectateur de cinéma »), et mieux vaut avoir révisé le who’s who des années trente pour se frayer un chemin dans la foule des ressuscités. « Mank » est un film qui se nourrit d’un autre. Il n’est donc pas le « Citizen Kane » de Fincher (il l’a déjà réalisé sous le titre « The Social Network »), mais il est assurément un film Netflix qui donne une folle envie de revoir le film de Welles.

Je te rejoins sur toute la ligne – ou dirons-nous, « toutes les lignes ». ^^ Un bon film, un écrin de contrefaçon comme tu le dis, un hommage au directeur de la photo de CITIZEN KANE. Les aventuriers de l’auteur perdu, celui qu’on oublie de célébrer parfois. Celui qu’on oublie avec le temps, souvent. Mais oui, il manque un petit quelque chose pour sublimer le tout. On est loin du meilleur Fincher, je te l’accorde. Et comme tu le dis, le film est tellement ultra référencé (à la fois sur l’époque en général, et Hollywood en particulier), qu’il vaut mieux connaître son sujet sur le bout des doigts au risque de se sentir abandonné assez tôt au bord du chemin – ce fut le sentiment de ma femme, par exemple.
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Je peux comprendre son ressenti.
« Write hard, aim low », c’est le conseil de Houseman en quittant la chambre où Mank est alité dans le film. On aurait effectivement souhaité quelque chose peut-être de plus enlevé, de plus palpitant pour sublimer le tout. Ce n’est pas le premier film sur Hollywood : j’ai cité Scorsese, j’aurais pu ajouter Allen, Altman, ou les Coen qui, avec « Ave Cesar » et « Barton Fink » en exploraient les sombres coulisses. Fincher joute sa touche, à travers la plume de son père. C’est tout à son honneur, mais ça ne fait pas un chef d’œuvre.
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D’ailleurs, j’ai revu THE AVIATOR dans la foulée. Mais je garde une préférence pour THE PLAYER, puisque tu cites Altman. Fincher, j’espère le revoir rapidement sur autre chose.
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« the Player » est supérieur à « Aviator », je te l’accorde. Mais il y a chez Scorsese cette effervescence, cette générosité et cette passion pour le microcosme hollywoodien qui aurait sans doute convenu à Mank.
Je me suis relancé dans la série « Mindhunter » à laquelle je n’avais tellement accroché. J’avoue être un davantage cueilli cette fois-ci.
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Tu as raison pour Scorsese.
Je suis un inconditionnel de MINDHUNTER. J’avoue avoir été abattu lorsque j’ai appris qu’il n’y aurait probablement pas de suite(s).
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Je crois que Fincher a sué sang et eau pour porter cette série de haute facture.
Parfois ce qui est court peut être meilleur. 😉
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Oui ce fut difficile de livrer une série d’une telle qualité. Et visiblement le public n’est pas (suffisamment) au rendez-vous. STRANGER THINGS marche mieux… Mais le souci, et tu t’en apercevras lorsque tu approcheras de la fin de la dernière saison, c’est que si ça se termine ici, ça laisse trop de choses en suspens… C’est frustrant.
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Ah oui dans ce cas c’est dommage.
Je vais me plonger dans ce monde de serial killers, je suis sur que cela va me donner des envies de Se7en et de Zodiac.
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Merci pour cette « review » qui tempère un peu mes attentes à ce film – Je le regarderai lors du 3e confinement ….. après les fêtes !
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De rien, ça te laisse le temps de réviser l’organigramme de la MGM. 😉
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Le casting me faisait envie, le sujet du film beaucoup moins. Peu importe les réalisateurs, j’ai vraiment du mal à entrer dans ces histoires magnifiant cet Hollywood « mythique ». Tu cernes très bien le problème pour celui-ci, et à mes yeux, par extension au genre de l’auto-congratulation hollywoodien. Du coup, j’ai terminé ce Fincher en ressentant un certain soulagement, après un profond ennui né en plein milieu du film. C’est bien triste.
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A travers Mank, et son regard fielleux sur le monde hollywoodien, on est assez loin loin de l’auto-congratulation je trouve. David Fincher raconte d’ailleurs que son père a ajouté à son script l’arc politique (la campagne Sinclair vs Merriam) après avoir vu un documentaire sur l’implication de la MGM (« la rolls des studios » de l’époque) dans une campagne de fake. On ne peut pas dire que ce soit tellement à la gloire d’Hollywood.
Je te rejoins sur l’aspect très pointu du film.
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Ton article est vraiment remarquable, mais ça je te le dis souvent. 😀 Si les ciné-débats dont je m’occupe existaient encore et à condition que le film soit sorti « au cinéma » je l’aurais programmé et…je crois que j’aurais eu tort.
Bien sûr dialogues brillants, mise en scène très bonne à mon avis mais je reste un amateur assez littéraire du Septième Art et me sens démuni pour une analyse ciné vraiment établie. Mais et là je retiens deux de tes phrases.
« Le film s’écoute parler » – Ah oui alors.
« Semble s’adresser aux initiés » Ah oui oui oui.
Les spectateurs des ciné-débats (paix à leur âme, l’âme des ciné-débats), souvent assez cinéphiles m’auraient probablement accusé de happyfewisme. Je l’ai vu avec mon fils à qui j’ai dû donner quelques précisions, que parfois j’étais moi-même incapable de fournir. Et on parle peu du film Kane lui-même, ce n’est pas un film sur le tournage ni sur Welles bien sûr.
En musique on dit un peu shoegazing, non? Cela dit Mank reste un film intéressant à mille coudées au dessus du tout venant. Revoir CK s’avère indispenable, c’est déjà ça. Et même le revoir avant de visionner attentivement Mank.
Merci l’ami pour ce que tu écris depuis longtemps.
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Merci beaucoup Claude pour ce très sympathique billet.
J’espère que les ciné-débats reprendront avec la réouverture du ciné-quai (il faudrait un jour que je fasse le déplacement).
J’ai visionné le film avec ma grande fille, et j’ai dû aussi (quand j’en étais capable) ajouter quelques compléments sur certains protagonistes. Mieux vaut avoir réviser son who’ who de Hollywood : on voir passer Ben Hecht, Irving Thalberg (j’avais totalement oublié sa mort prématurée), le frère Joe (pas encore l’homme de « Cléopâtre »), Selznick, on évoque Norma Shearer, tout un tas de gens qui ne disent plus grand chose aujourd’hui. Pas plus que Hearst et son « ranch » fastueux, et l’affrontement politique de l’époque (une découverte en ce qui me concerne). Fincher s’en tient au script de son père, un passionné, un expert de cette époque. Le film a le mérite d’exister, et force est de constater qu’il n’aurait jamais vu le jour, sous cette forme aussi somptueuse qui plus est, sans Netflix. Quand une plateforme nous fait regretter le temps des salles obscures…
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Bonne idée de présenter ce film. Je ne connaissais absolument pas Mank. cela donne envie de voir ce film dont la durée dépasse les 2 heures, ce qui me plaît assez.
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Merci.
Mais il n’aurait pas fallu qu’il dure plus longtemps. Deux heures douze, c’est bien.
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Pour moi Citizen Kane n’est pas le plus grand film du cinéma américain, ce n’est même pas le meilleur d’Orson Welles, mais je m’égare du sujet principal… Et puis, derrière chaque grand réalisateur se cache presque toujours un grand scénariste. Tout ça pour dire que j’irai un peu plus loin que toi, Mank n’est certainement pas le meilleur film de Fincher, mais c’est sans doute son plus mauvais. En dehors peut-être du suis triste remake « Millénium ». Je pense que pour ce film, il fallait un autre réalisateur. Enfin, je ne sais pas pourquoi, mais les réalisations cinématographiques Netflix sont quasiment toujours ratées…
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Chacun reçoit « Citizen Kane » de manière différente. Il est sans conteste meilleur que celui de Fincher.
« Citizen Kane » a été pourtant cité à de nombreuses reprises comme le plus grand film de l’histoire du cinéma, place qu’il dispute d’ailleurs avec le « Vertigo » d’Hitchcock.
Je pense que ma plus grosse claque sur Netflix fut « Roma ».
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« Roma », c’est justement l’exception qui confirme la règle. D’Orson Welles, j’ai toujours préféré La Soif du mal… Mais les goûts et les couleurs…
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Excellent aussi.
J’avoue un faible pour son Macbeth.
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C’est vrai, j’oubliais que moi aussi… 🙂
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Je trouve aussi que les films exclusifs à Netflix sont le plus souvent quelconques, ou tout simplement mauvais. Il y a deux jours, j’ai tenté le nouveau long de Clooney. Une véritable cata. Pour le cinéma, je préfère de très, très loin le catalogue d’Amazon Prime Japan – plein de vieux films, tous les nouveaux (même s’il faut payer un supplément pour la loc’), etc. Sur Netflix, toutefois, il y a quelques exceptions du côté des longs métrages (pas toujours produits, parfois seulement distribués par Netflix) : THE IRISHMAN, UNCUT GEMS, THE NIGHT COMES FOR US (film martial complètement dingue par un réal de qualité), EXTRACTION récemment (pas mal – pour un film d’action popcorn bourrin j’entends) et quelques autres mais oui, dans l’ensemble, ça ne vole pas haut. Un ami m’avait expliqué que des algorithmes étaient chargés de délimiter les grands traits des métrages produits par Netflix de A à Z. Ça ne m’étonnerait qu’à moitié.
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Pas d’algorithme à l’œuvre je pense pour le film de Fincher, mais néanmoins je te rejoins sur la qualité moyenne voire médiocre des films estampillés Netflix (tu me fais peur avec le Clooney). J’ai récemment été déçu par « DA 5 BLOODS » par exemple.
Il faut que je voie UNCUT GEMS.
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Je n’ai pas fait de recherches poussées, mais je pense qu’on peut quand même séparer les « films Netflix » en trois catégories. Les films seulement distribués par Netflix, les films produits par Netflix, et les films produits par Netflix mais portés par un réalisateur très costaud qui s’impose (Scorsese, Fincher…). C’est la deuxième catégorie qui doit souffrir le plus…
UNCUT GEMS vaut le détour. D’ailleurs, il n’est pas du tout produit par Netflix.
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Comme le Cuaron, le Coen (que je n’ai toujours pas vu) ou le Bong Joon-ho. Un gage de qualité donc.
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Je ne mets pas non plus Citizen Kane sur un piédestal (ce n’est pas mon film préféré de Welles). Et dans le débat ancien Welles-H. Mankiewicz sur sa « paternité », on oublie trop souvent de citer le génial chef-opérateur Gregg Toland, qui a conçu cette profondeur de champ qui a tant fait pour la légende du film. Mais merci pour ton article sur le Fincher que je n’ai pas encore vu. S’il donne envie de revoir le Welles, ce n’est déjà pas mal. Joyeuses fêtes !
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« Citizen Kane » est tout de même un film important, et surtout impressionnant, encore aujourd’hui. Le revoir montre également à quel point il est l’œuvre d’un collectif dont Mank faisait partie, mais dont le point commun reste et restera Orson Welles. Il suffit de le mettre en perspective avec ses autres films pour s’en rendre compte. Je viens de revoir « la splendeur des Amberson », film oh combien mutilé et incomplet, mais qui rayonne tout de même d’un talent incroyable et ce sans l’aide de Mankiewicz (Welles se charge seul d’adapter Tarkington) ou de Toland (Stanley Cortez se charge de la photo, mais Welles raconte que face à la lenteur de ce chef op’, il prenait lui-même les choses en main).
Tu cites à raison le grand chef op’ de « Citizen Kane », auquel j’ajoute le travail monumental accompli par le monteur Robert Wise, futur grand cinéaste de West Side Story, autant dire un expert de la cadence. C’est cette somme qui fait « Kane », et bat en brèche la thèse de Pauline Kael, contre laquelle s’était d’ailleurs insurgé en son temps Bogdanovich. Fincher en convient, en contradiction avec ce que pensait son père. De fait, son film est bien moins tourné vers la fabrication de « Citizen Kane » que sur les motivations et l’inspiration du scénario de Mank.
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J’adore La Splendeur des Amberson qui m’émeut beaucoup plus, même mutilé, que Citizen Kane ! Mais ce dernier reste évidemment un film très important. Mais je lui préfère plusieurs films de Welles, cinéaste que j’aime beaucoup.
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Et je n’aime pas tellement la critique Pauline Kael qui ne fait pas toujours dans la dentelle.
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C’est l’apanage des plus grands critiques, des plumes acérées avec lesquelles on aime être farouchement opposés mais qui touchent parfois juste.
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Sur Welles tout m’intéresse. A titre personnel j’ai une grande affection pour Falstaff et le plus grand scénariste de l’histoire, William Shakespeare. « Nous en avons vu des choses, Sir John, quand sonnaient les carillons de minuit. » Welles, de toute façon, c’est à voir et à revoir. A bientôt.
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J’ai beaucoup d’affection pour « Falstaff », qui contient une des plus mémorables batailles du cinéma (dont s’inspirent largement les films actuels). J’ai aussi énormément d’admiration pour les deux autres adaptations, l’impressionnant « Macbeth » et son « Othello » sous influence Eisenstein.
Shakespeare, grand scénariste. Mankiewicz n’aurait pas contredit. 😉
Très belle fin d’année Claude.
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Ah, je sens une légère déception de ta part, malgré la beauté général e de ta fabuleuse chronique ! Pour ma part, je tenterai sûrement, mais j’ai peur de manquer de références pour le coup…
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Merci beaucoup,
Ce genre de film est propice à une mise à jour sur l’époque, un petit retour sur cet âge d’or des grands studios d’Hollywood qui Oza tant de belles images. « Kansas en Noir & Blanc, Munchkinland en couleur » aurait dit Mank. On lui doit aussi ça.
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Très jolie chronique.
Mank est un film d’acteurs surtout et on y sent bien leur gourmandise d’avoir du beau texte à dire dans les différentes joutes.
Allez j’avoue, j’ai failli faire une dépression (non) quand Fincher a annoncé qu’il ne se sentait pas de lancer une saison 3 à Mindhunter ^^ Déjà qu’on ne nous a pas renouvelé The OA #ZutEtCrotte
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Salut Fred,
Je démarre seulement le « Mindhunter » et déjà je suis accroc. Pour le coup, je mets à jour question serial killers.
« Mank », c’est du beau texte, indéniablement. un Zoom Arrière sur tout une époque. 😉
Et quand on confie ces dialogues à un acteur de la trempe de Gary Oldman, forcément ça envoie.
Côté rythme, c’est plus problématique tout de même.
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Ha la la Tu te prépares une belle frustration à la fin de la saison 2
T’as fait d’accord sur le rythme. Le scénario aurait gagné à être plus resserré mais bon, quand Oldman part dans sa tirade, qui oserait lui fermer le clapet ?
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Par contre, si Netflix a des largesses que les producteurs n’ont plus, il lui manque toutefois 2/3 personnes à poigne car oui, les reals’ aussi ça se dirige (même si ça s’épaule aussi beaucoup)
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Bien d’accord avec toi. On aurait pu en dire autant pour Mister Scorsese.
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Je pouffe… C’est exactement et surtout à lui que je pensais en écrivant mon petit comm’
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Je reverrai le Citizen avant et tâcherai de me faire inviter chez quelqu’un qui a Netflix car malgré tes réticences j’ai très envie.
En plus Tywin et Gary : love.
Mais qui joue Welles ?
Social network le Citizen Kane de Fincher. J’ai bien ri. C’est mon cadeau d’anniversaire avec un jour d’avance mais je prends.
Et ça, c’est un régal : personnage débranlé. Je ne cherche pas, explique moi.
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Difficile de s’affranchir de l’image du tyran Lannister quand on voit Charles Dance, même si, en se concentrant, on repense aussi au toubib fébrile de la planète carcérale Fury 161, déjà sous la direction du jeune Fincher.
Le type qui joue Welles est un jeune acteur dont j’ai oublié le nom (la flemme de chercher). Ressemblant mais peu présent, entre deux portes (très occupé le « young Orson ») mais toujours auréolé de ce charme qu’on lui connaissait.
Dois-je comprendre que tu n’aimes pas The Social Network?
Je t’épargne la leçon de vocabulaire, je te laisse deviner l’image. 🥴
Et… meilleure année à toi aussi. 😉
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C’est pas que j’aime pas, mais le mettre au niveau du Citizen. Je trouve ce film (le Network) largement surestimé.
Débranlé : je n’ai trouvé que quitter un endroit… c’est décevant.
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En écrivant cela, je ne le mets pas au niveau de Citizen Kane, et David Fincher n’est pas Orson Welles, loin s’en faut. J’emploie cette tournure afin de placer haut « the Social Network » dans la filmo de Fincher, comme l’est « Citizen Kane » dans la filmo de Welles. La comparaison me semblait d’autant plus justifiée que tous deux utilisent un procédé de flashbacks afin de cerner la personnalité du sujet.
Quant à l’adjectif, inutile de perdre son temps.
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Et bien, je l’ai finalement vu et j’ai pas mal de réserves. Les mêmes que toi en ce qui concerne le côté laborieux du scénario. Mais j’ai aussi plus fondamentalement un problème de fond avec le sujet même du film qui reprend sans aucun recul une thèse de Pauline Kael sur Citizen Kane qui a été très contestée et n’est plus vraiment prise au sérieux aujourd’hui par les historiens du cinéma américain. Voir ma chronique du film sur Newstrum.
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J’ai vu que tu avais publié mais je n’ai pas pris encore le temps de lire (pour tout dire j’ai parcouru ton article en diagonale et je me suis dit qu’il fallait que je m’y arrête davantage).
La thèse de Kael est plus ou moins celle défendue par son père, Jack Fincher, en effet. David Fincher avance qu’il n’adhère pas totalement à ce point de vue, qu’il a voulu s’en détacher. La dispute pour le scénario fait tout de même l’objet d’une scène assez importante (pas la meilleure du film d’ailleurs), et du « divorce » définitif entre Welles et Mankiewicz. Mais cette partie de l’histoire semble pourtant très secondaire dans le corps du scénario, l’essentiel du contenu dramatique s’appuyant sur les divergences entre Mank et Hearst, aggravées par l’ingérence de la MGM dans la campagne électorale.
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Jack Fincher s’est appuyé sur l’article controversé de Kael pour écrire son scénario. La scène de dispute entre Mankiewicz et Welles où ce dernier jette la malle sur la glace n’est corroborée par aucune source et relève de la pure fiction. Elle est assez mauvaise en effet. La partie du film où Mank aurait eu des scrupules à cause des fausses actualités est également totalement fictive – surtout quand on sait que c’est Joseph Mankiewicz lui-même qui en a écrit certains scénarios… Mais reparlons-en chez moi quand tu auras lu mon texte !
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Je te rejoins dès que possible.
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Je suis globalement d’accord avec ton avis. C’est vrai qu’il manque un souffle malgré l’abattage des comédiens et un noir et blanc sublime. Gary Oldman porte le film sur ses épaules mais on se demande bien où il veut en venir. Dommage.
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De bonnes intentions et beaucoup de générosité cinématographique mais la sanction est là : aucune récompense aux Golden Globes. Symptomatique de ce Fincher en demi-teinte.
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