SPIDER-MAN 3

L’araignée était en noir

« J’ai pu faire les films que je voulais avec « Spider-man » et « Spider-man 2 ». Il y a eu cependant des divergences d’opinions pendant la production de « Spider-man 3 ». »

Sam Raimi

Jamais deux sans trois, dit-on. Après le succès public grandissant et la côte en hausse chez les critiques, il fallait bien que l’araignée reprenne du service pour un troisième volet encore plus prometteur. Bien décidés à imposer leur toile sur les plus hautes cimes du blockbuster, à régner sans partage sur l’univers des héros costumés, Sam Raimi et son équipe finissent par perdre des couleurs dans « Spider-Man 3 », assombrissant leur histoire au point de se laisser piéger dans les ténèbres de la dark web.

« Tout ce que je peux dire, c’est que la personne qui était là pendant les dernières sessions de travail n’était pas Sam. Je ne sais pas qui c’était, mais ce n’était pas Sam. J’avais l’impression d’être dans « Invasion of the Body Snatchers ». Voir un être humain changer de façon aussi négative m’a presque poussé à arrêter mon métier. » Ainsi s’exprimait le compositeur Danny Elfman au sortir de sa pénible expérience sur « Spider-Man 2 ». Sam Raimi aurait-il vendu son âme au Satan des studios ? Si Peter Parker a évolué, il semble que son réalisateur aussi. Et on sait depuis le début à quel point les deux sont fusionnels, Raimi trouvant dans la personnalité de Parker bien des ressemblances avec sa propre expérience de jeunesse ainsi qu’avec son parcours professionnel. Dans les deux précédents épisodes, il avait imaginé ses adversaires comme des hommes dépassés par leur génie intérieur, deux brillants savants qu’un accident de parcours avait détourné du droit chemin, basculant du côté obscur de leur être.

Il semble qu’un même phénomène fut à l’œuvre dans l’élaboration de ce troisième épisode englué dans ses nombreuses pistes de réflexion, piégé par une multitude de personnages tous très intéressants mais qui vont conduire le scénario jusqu’à son point de rupture. L’Alvin Sargent du deuxième volet toujours à ses côté, Sam Raimi s’est cette fois attaqué lui-même au scénario, qu’il écrit avec le renfort de son frère Ivan. « Spider-Man 3 » se change alors en concept schizophrène, tiraillé par des envies diverses autant que centré sur lui-même, à l’instar de Peter Parker dans le film. Les deux précédents avaient élevé un héros au rang de superstar, une étoile était née au-dessus de New York, au détriment de certains.

Retrouvant Kirsten Dunst tout juste découronnée dans « Marie-Antoinette », Raimi fait de Mary Jane une aspirante Lisa Minelli dont les ambitions vocales se voient cisaillées par des critiques incendiaires. La presse s’est choisie une autre vedette à célébrer, leurs Unes n’ayant d’yeux que pour le justicier entoilé. Spider-Man voit son étoile briller dans le regard des enfants, adulé par les plus belles filles de New York, et plus encore quand il se sent envahir par le démon de la danse. Une véritable bête de scène ce Parker, qui n’hésite pas à détourner son arachnide kiss au profit de sa notoriété. Décidément, il y a trop de gens qui l’aiment, et de moins en moins de place pour l’élue de son cœur. Ce parfum de mélodrame sera souillé par le goudron qui rampe secrètement le long d’un fil narratif mêlant vengeance et jalousie, égarements et remords, trahison et rédemption.

L’ascension glorieuse du héros sera entachée par une matière flasque tombée du ciel, une créature issue de l’obstination venimeuse du producteur Avi Arad. A l’écriture du film, les frères Raimi avaient misé sur deux antagonistes pour bousculer l’ordinaire du tisseur : l’Homme-Sable d’une part, qui trouvera finalement sa place sous les traits effrités de Thomas Haden-Church, et le Vautour d’autre part, qui attendra finalement le « Homecoming » pour enfin décoller. « Spider-Man 3 » doit donc composer avec un intrus encombrant, un envahisseur venu de nulle part qui, pourtant, s’accorde bien avec l’humeur du film. L’Araignée marche à l’ombre, le friendly neighborhood Spidey se change en vicieuse tarentule.

Après Osborn et Octavius, c’est Peter Parker lui-même qui se sent possédé, sous l’emprise d’un symbiote extraterrestre, montrant « sa vraie couleur » comme l’affirme en pleine page le Daily Bugle. Le ton badin se fait désormais plus mordant, quand il n’est pas nettement plus sombre, et c’est Christopher Young qui se charge de maquiller les thèmes d’Elfman aux couleurs de « Hellraiser ». L’humour pique du nez, Tobey Maguire a la mèche grasse, et même J. Jonah Jameson perd ses moyens devant une gamine (Heureusement, le caméo de Bruce Campbell sauve la mise dans un numéro Funèsien irrésistible). Voilà qui coupe court aux ambitions vengeresses du fils Osborn toujours confié à James Franco.

Aux trousses de Peter Parker dès le début du film, le New Goblin (au look de skateur maléfique pas plus convainquant que celui de son père) finit par être tout bonnement oblitéré après un combat certes renversant, un long tunnel d’amnésie qui tombe à point nommé pour nous emmener vers une autre histoire. Ce conflit de famille et d’amitié sera même définitivement soldé par les aveux d’un majordome sorti du chapeau (voire d’une Batcave concurrente) et une dernière visite au cimetière en guise de classement sans suite. L’arc narratif mûri sur les deux films précédents se voit donc galvaudé par de nouvelles intrigues, qui seront à leur tour bradées au fil des révélations.

Le beau personnage de l’Homme-Sable n’aura en effet pas un sort plus enviable : ce voyou en cavale né sous une mauvaise étoile est un père de famille qui aurait eu sa place chez Ken Loach, voulant sauver sa fille malade quitte à user de méthodes criminelles. Pour aggraver encore son cas, une douteuse manipulation de script en fera même le véritable assassin de l’oncle Ben. C’est beaucoup pour un seul homme qui finit par se désagréger dans les courants d’air provoqués par les errances de ce nouveau Spider-Man vêtu de noir.

« Where do all these guys come from ? » lâche Peter Parker, aussi déboussolé que le sera son futur homologue de « No way home ». Il ne sait plus où donner de la tête entre ces multiples adversaires et ses problèmes de cœur qui oscillent entre la rousse Mary Jane et la blonde atomique Gwen Stacy. Un à un, les fils narratifs vont céder dans la titanesque bagarre finale, sous les coups d’un King Kong de sable, déchirés par les crocs acrimonieux d’un Venom déchaîné, pulvérisés par les grenades incendiaires de cet Osborn qui passe hélas pour un Bouffon.

« Ce pourrait être la fin de Spider-Man » dit alors un journaliste dépité qui commente l’affrontement en direct. Il ne croit pas si bien dire puisque cela sera confirmé par Tobey Maguire lui-même au cours de la promo du film : « Pour moi, nous avons fait une trilogie, ce qui signifie qu’il s’agit de la fin. » Mais… c’était sans compter l’imagination fertile en dollars des magnats de la maison Marvel, qui ont toujours plus d’un amazing tour dans leur sac de toile.

29 réflexions sur “SPIDER-MAN 3

  1. Oui tu as raison, l’Homme-Sable est un beau personnage tragique. Mais trop d’adversaires dans un même film nuit au récit. On est passé de multi-adversaires au multivers. Une théorie bien pratique pour faire fructifier sans fin la poule aux oeufs d’or Marvel. Et ne pas trop s’encombrer de rigueur dans l’écriture des scénarios (tel acte n’est pas logique par rapport à tel épisode ? pas grave, nous sommes dans des univers parallèles…).

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    • Je te l’accorde, cette histoire de Multivers est à la fois une solution de facilité et un « truc » qui tombe à point nommé pour jouer sur la fibre nostalgique. Si c’est amusant à petite dose, il faudra que la Marvel n’en abuse pas trop. Ce qui ne semble pas être parti pour au regard de la bande-annonce du « Dr Strange 2 » par Sam Raimi.
      Sam Raimi, justement, qui à cette époque est déjà tiraillé par de multiples pistes pour prolonger le fil de son Araignée. Dans la BD, il n’était pas rare de voir notre archnide du voisinage pris pour cible par plusieurs antagonistes qui finissait parfois par s’associer contre lui. Ça peut donner de belles passe d’arme et des dilemmes passionnants.
      L’homme-sable est un beau personnage, sa création dans le silo est une des plus belles séquences en numérique qu’on ait jamais vu. Mais le symbiote est encore plus emblématique des obsessions de Raimi. Je trouve que cette histoire de « possession » du corps et de l’esprit qui traverse les trois films s’incarne à merveille dans cet être. Lié à la « starification » du personnage, j’aime toute l’ironie mordante avec laquelle Raimi va tenter de jouer les équilibristes.
      Quant à l’arc de rivalité avec Osborn, il fallait bien y mettre un terme. Pas facile d’accorder tout ça dans un seul film, dont le scénario tiré à hue et à dia, mais qui reste assez jubilatoire et spectaculaire à bien des endroits.

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  2. Je l’aime bien moi aussi, ce film. Pas le meilleur de la trilogie, soit. Mais un super divertissement, et si beaucoup ont critiqué la profusion de super-vilains, eh bien moi ça ne m’a pas dérangé. Venom, c’est pas mal, l’Homme Sable est excellent (sous-exploité ?) et Osborn comme tu le dis il fallait bien terminer cet arc, et j’étais content de revoir Franco. Non, vraiment, j’adore cette trilogie.

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    • En ayant revu les trois dans la continuité, je trouve qu’elle tient sacrément bien la route (la toile ?). Et même si cet épisode est en dessous (il en faut bien un), cela reste quand passionnant par son éclairage sur la condition de héros, son rapport à l’image, la notoriété et des pouvoirs qui lui sont conférés. Et chaque ennemi ici présent vient éclairer ces problématiques à sa façon : l’aspect tragédie sociale pour l’homme-sable, la jalousie et l’ambition chez Venom, l’amitié trahie avec Osborn, les turbulences de l’amour avec Mary Jane.

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  3. Et bien, c’est du cassage en règle. Est-ce que tu aurais l’araignée du matin chagrine ?
    Je n’ai aucun souvenir de tout ce que tu racontes pourtant j’ai vu tous les spider.
    J’aimais beaucoup Tobey et sa ptite bouille d’ado.
    Bon, tu le sais je me console avec Tomichou et son t-shirt mouillé…
    Mais il devient quoi Tobey ?

    régner sans partager 

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    • Tobey, en dehors du costume d’araignée, pas grand chose je crois. Il a visiblement gardé la tenue dans un coin, prêt à l’enfiler si Marvel lui fait signe.
      Je ne suis pas si féroce avec ce mal-aimé de la trilogie. Il n’est pas aussi mémorable que les deux autres, mais il ne manque pas de qualités. Un peu trop bancal sans doute.
      Tomichou est très bien aussi.

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  4. Coucou
    Les deux premiers films, je les i vu, mais le troisième pas encore. J’ai hâte de le voir malgré les critiques négatives que j’ai lu en commentaires ici.
    J’ai sur tu out apprécié le premier que le deuxième par-dis.
    Merci pour ce super partage.
    Bisous

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    • Merci Anita.
      Attention à ne pas confondre ce « Spider-Man 3 » et le film qui est encore en salle, sorti au moment des fêtes de fin d’année. Il faut dire qu’on finit pas s’y perdre avec toutes ces toiles d’araignée qui se mélangent. 😄

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  5. I am very much at odds with this film. On the one hand I appreciate his ideas (I like the sand man very much) but partly I did not appreciate all that mixture of characters inserted in the story in such an unnatural way. In this case I also know that the production studio gave Raimi less freedom, forcing him to include some characters like Venom. Honestly it’s a limp film, full of flaws, yet I can still see something of Raimi. I’m only sorry for what could have been.

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  6. A l’image d’X Men 3 (en un peu moins pire tout de même), Spider-man 3 n’est pas la conclusion rêvée qu’annonçait le cliffhanger du film précédent. Comme tu le dis, le nouveau Bouffon vert est vite évincé pour n’alimenter que des crises de jalousie. Reste le final de l’histoire entre Peter et Harry qui s’avère touchant. Le majordome c’est collector également. La justification de la haine de Peter pour l’Homme sable est ridicule, comme sortie du chapeau et surtout le personnage n’avait pas besoin de ça au vue du reste de sa caractérisation. Gwen Stacy est un gâchis complet. La partie Venom est globalement un désastre, à l’image de cette mèche rebelle, d’un Eddie Brock sans personnalité, d’un rendu visuel banal (celui de Tom Hardy est à chier aussi qu’on se le dise) et de pas de danse sur du James Brown à faire tomber la première emo venue. Puis il y a ce plan honteux où Spidey débarque devant un énorme drapeau américain, que l’on croirait une blague de mauvais goût. Alors il reste des choses ici et là. Des scènes d’action spectaculaires. Les effets spéciaux dans l’ensemble (même si un peu plus voyants je trouve). La musique de Young qui tient bien la route. Mary Jane dont le traitement est une descente aux enfers terrible (le regard triste de Kirsten Dunst ne ment pas et il en fera autant sur les années à venir). Bruce Campbell parfait en restaurateur français. JK Simmons en feu avec sa boîte de pilules. Et au final il a fallu attendre 2018 pour avoir enfin une sorte de conclusion au mythe Parker / Raimi. Mais par des autres. Parce que clairement le Parker du début d’Into the spiderverse est littéralement celui de Raimi.

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    • « X-Men 3 », tu y vas fort. Pour moi, le film de Raimi, même raté, est quand même cent coudées au-dessus de la purge absolue de Brett Ratner (d’ailleurs quand on s’en prend au MCU, on devrait revoir ce film, ainsi que « X-Men origins : Wolverine » et quelques FF pour se rappeler ce que sont de très mauvais films de super-héros).
      Et tu as raison de mettre en avant la très belle part réservée à la relation Mary Jane/Peter, qui se voit corrompue d’ailleurs par la présence du symbiote (élément que j’ai trouvé plus intéressant cette fois, et clairement dans l’esprit de Raimi). Ainsi que d’autres points que j’ai détaillé dans l’article et sur lesquels je ne reviens pas.

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      • Pour moi c’est le même problème. Une suite faites dans la précipitation et mal écrite. Alors oui c’est visuellement bien (oui même le X Men 3 ne se tient pas trop mal avec le temps), mais le reste ne suit pas.
        Honnêtement ce n’est pas parce que ces purges existent que le mcu en est exempté. Parce que quand je vois des machins comme Iron man 2 avec l’autre qui pisse dans son armure, Thor et ses dutch angles à foison, Civil war et Age of Ultron et leur interventionnisme puant, Captain Marvel et sa nullité crasseuse ou encore Endgame le truc dont tu retiens 1h à tout casser, ils n’ont rien à envier aux purges de notre jeunesse. C’est même pire car ils n’ont rien appris des erreurs du passé, en plus d’être souvent d’une laideur à faire peur.

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  7. Oui, quand je l’avais vu au ciné, j’avais été très déçu, j’avais d’ailleurs incendié le film. Maintenant je suis un peu plus clément, mais force est de constater que beaucoup de choses ne vont pas. Trop d’intrigues, trop de personnages, trop de méchants, trop de passages maladroits aussi. Alors oui, niveau grand spectacle, ça se pose là, c’est hyper rythmé et généreux, mais bon, voilà voilà. On se souvient surtout de ce troisième opus pour ses écarts et la danse de Peter 😉

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    • En le revoyant, j’ai vu surtout les très bonnes idées. Avec le temps, je trouve que la multiplication des méchants n’est pas l’élément le plus rédhibitoire du scénario, car chacun trouve sa justification ans le film, vient éclairer d’un lueur particulière la personnalité de Peter Parker. Le plus difficile aura été de les nouer tous dans un script fluide et homogène. Là, force est de constater que ce n’est pas une franche réussite. A côté de cela, il y a, avec le symbiote, l’idée intéressante d’un héros grisé par son statut, sa célébrité, envenimé par le pouvoir, qui finit par perdre l’esprit (jusque dans cette danse diabolique que le réalisateur facétieux maquille en épisode comique). Une idée qui rejoint pas mal de films de Raimi (de « Evil Dead » à « Un plan simple »).

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      • Oui je sais bien dans le fond qu’il y a beaucoup de bonnes idées, mais même plus de 10 ans après, voilà, j’ai toujours du mal. Sans doute que si de base, j’aimais un peu plus le personnage, j’y trouverais mon compte, des angles intéressants. Tu me donnes envie par contre de revoir l’excellent UN PLAN SIMPLE 😉

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  8. Pour ma part, je suis loin de considérer ce troisième épisode comme une purge ou un mauvais film. Le film n’est pas parfait, mais, on y trouve beaucoup de bonnes choses et j’aime la conclusion. En plus, Venom version Raimi est bien plus réussi que la version avec Tom Hardy. Et, si je compare Spider Man 3 à The Amazing Spider Man 2 (ou Harry est également présent), ma préférence va clairement au film de Sam Raimi.

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    • Je suis bien du même avis ! Ce n’est évidemment pas le plus réussi des trois signés Raimi, mais il propose de passionnantes évolutions du personnage, notamment avec l’introduction du symbiote. Pas vu les nouveaux Venom avec Hardy, mais ça ne semblait pas être très passionnant.

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