Le PARFUM VERT

Hitchcock en stock

« C’est un film que j’ai fait pour celui que j’étais à 10 ans. »

Nicolas Pariser

Ça sent le sapin du côté de chez Nicolas Pariser, les cadavres s’amoncellent. Abandonnant derrière lui Lyon, « Alice et le Maire », il monte à Paris emportant dans ses bagages Thomas Chabrol (et un peu de l’esprit de son père) et Léonie Simaga qui lui ouvre les portes du Théâtre-Français. Pris au piège dans les cases et les bulles de son enfance, il fait le pari d’un mélange « Hitchcocko-hergéen » qu’il nomme « le Parfum Vert », une fragrance aux vieux relents d’espionnage et de grand complot européen. Mais c’est là que les ennuis commencèrent…

Au musée Georges Pompidou, on trouve une toile de Kandinsky intitulée « Grüner Duft ». Le « Parfum Vert » dans l’œil du peintre russe est une géométrie complexe, traversée de pointillés, de triangles et de carrés, de droites ondulantes et d’autres rectilignes. Bref, une alchimie de signes qui semble receler une formule cachée mais dont il est bien difficile de démêler le sens. C’est un même sentiment d’égarement qu’éprouve Martin Rémi juste après avoir été capturé par une clique de malotrus. En revanche, il y a chez Martin Rémi, jeune et innocent acteur de théâtre, quelque chose de transparent dans son nom : un petit côté « journal de Tintin », avec dans le prénom un peu de Guy Lefranc (pugnacité et astuce dans les moments clefs), dans le nom de famille une bonne dose de petit reporter belge avec sa mèche dans le vent et son pantalon de golf. Ne manque que le chien pour galoper à ses côtés.

Car Martin n’a rien d’un petit aventurier lorsque le rideau se lève et qu’on le découvre côté cour, prêt à entrer en scène. Dès lors que son ami s’effondre en pleine représentation et lui glisse quelques mots à l’oreille, la mécanique hitchcockienne peut se mettre en branle : Mais qui a tué Vlad ? Martin devient instantanément l’homme qui en savait trop, mais son air à côté de la plaque aura le don de lui sauver la mise plus d’une fois. Il faut dire que Vincent Lacoste à la Comédie-Française, il y a déjà comme un hiatus (« j’ai toujours eu de la chance » justifie-t-il dans le film). Mais le meilleur tient au côté slapstick et doucement ridicule de son personnage, notamment lorsqu’il file en Vélib’ dans les rues parisiennes avec son tweed et son écharpe au vent, avant de chuter brutalement. Angoissé de nature, il affiche pourtant une sorte de détachement façon Buster Keaton qui convient bien à cet acteur au flegme naturel. Il a aussi cette faculté étonnante à se prendre les pieds dans une histoire extravagante où l’on croise une inconnue dans le Nord-Express pour Bruxelles (une fausse blonde au chignon vertigineux), de celles qui montent les « 39 marches » quatre à quatre et vont très vite lui attirer la mort aux trousses.

Afin de lui venir en aide, Pariser place sur son chemin une fille qui lui ressemble un peu, une ashkénaze à qui il manque sans doute une case pour le suivre si aveuglément dans une cavale aussi dangereuse. Sandrine Kiberlain, veste de Corto sur les épaules et bon pied bon œil, sera le Haddock de service (les jurons et la barbe en moins), autrice de BD qui l’accompagne sans sourciller jusqu’en Belgique où un certain Van Hamme est en danger de mort. On se dit alors qu’à tout moment peuvent débarquer Quick & Flupke ou Blake & Mortimer en route pour une chasse à l’Espadon. Faute d’Olrik ou de Rastapopoulos, Pariser convoque un sinistre nazi dont le rôle échoit naturellement à Rüdiger Vogler (ex-figure du National-Socialisme aux prises avec « OSS 117 : Rio ne répond plus »). Flanqué de sa clique de sbires d’extrême droite, il entend bien mener son plan à bien sans que deux Dupondt de la DGSE et leur cheffe Louise (confiée à la très sérieuse Léonie Simaga) ne soient à même de les contrecarrer.

Tout ça ressemble à un joyeux fatras de références empilées de bric et de Broca qui pourraient s’avérer très sympathique si Nicolas Pariser ne se prenait pas tant au sérieux. L’ex-critique fan des Hitchcock période british a bien l’intention de donner une couleur politique à son intrigue ludique en déterrant des réseaux complotistes qui nous renvoient aux sombres heures de l’entre-deux guerres. « Je pense que à partir du moment où on parle de la résurgence des nationalismes, de l’antisémitisme et des tendances autoritaires de certains pays, l’échelle européenne devient la bonne. » explique le réalisateur. Dans « le Parfum Vert », nos deux héros juifs s’enfoncent alors dans la nuit de l’Europe de l’Est à bord d’un train filant vers Budapest, sur une ligne fréquentée sans doute naguère par Miss Agatha Christie (option compartiment-couchettes et wagon-restaurant).

C’est là toutefois que la greffe prend moins bien, en intégrant une romance artificielle entre les personnages principaux, en cherchant à leur donner de l’épaisseur avec un background déconnecté : lui empêtré dans un divorce, elle en conflit avec sa famille, tout ça tombe très largement à plat. Les références permanentes liées à la culture juive sombrent même dans la caricature éculée (la mère possessive qui harcèle de coups de fil, on imagine déjà Marthe Villalonga au bout du fil), ce qui n’aide pas une Sandrine Kiberlain fort peu convaincante dans son rôle de délurée en échec sentimental, et encore moins quand elle simule une blessure par balle au mollet. Il manque surtout chez Pariser cette pointe de loufoquerie qui rendent les films de Pascal Thomas autrement plus irrésistibles dans un registre pas si éloigné.

Reste malgré tout une mise en scène bien ouvragée, aux éclairages soignés rappelant parfois les couleurs d’un album de Jacobs, prenant appui sur quelques décors bien trouvés comme lors de la séquence finale au théâtre, ou bien cette poursuite dans un espace moderne et labyrinthique bardé de passerelles et de rampes d’escaliers. De filatures en kidnappings, de noms de code mystérieux en traître à démasquer, sans oublier l’indispensable McGuffin made in China, « Le Parfum Vert » a la couleur des bonnes comédies policières mais tient parfois de l’illusion comique.

45 réflexions sur “Le PARFUM VERT

  1. Nous avons été davantage emballé que toit. Les critiques un peu tièdes que je lis ici ou là me font croire de plus en plus que le contexte particulier avec lequel ma petite famille et moi avons vu ce film lui a été à ce point favorable que nous l’aurions survalorisé.

    Pourtant, je ne voudrais pas gâcher mon plaisir pour autant. Ces références tous azimut et cet assemblage de bric et de broca (bravo pour le mot) m’ont plu et cette angoissante menace qui ne cesse de peser sur les personnages avec son parfum d’histoire nocive a achevé de me convaincre.

    Et puis, en trois films, Pariser construit un début de filmo, probablement pas tout à fait abouti, mais qui donne quand même pleinement envie de voir la suite.

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    • Pour te rassurer, je peux te dire que la petite famille qui m’accompagnait n’a pas boudé son plaisir devant cette tintinesque affaire tintinesque. Je n’en suis pas sorti mécontent, juste un peu frustré de n’avoir pas été plus emballé que ça, et de n’avoir pas tant ri à cette comédie sans doute trop intellectuelle à mon goût.
      Il faut reconnaître que l’alliage de la comédie et du thriller hitchcockien n’est pas aisé et ne réclame pas qu’une fine érudition du genre.
      Et tu as raison, Pariser est un réalisateur à surveiller de près, surtout fort du succès de ce « Parfum vert » qui, le jour où j’y suis allé, avait rempli la (petite) salle.

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  2. Un film qui ne me tente pas du tout, ayant déjà beaucoup de mal avec Vincent Lacoste dont le jeu et l’intonation vocal me rappel Jean Pierre Leaud. Concernant le style même du film, j’ai l’impression que le réalisateur marche sur les traces de Pascal Thomas et de sa trilogie « Prudence Berisford » avec Catherine Frot et André Dussolier.

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  3. Je n’irai pas jusqu’à dire que c’est complètement foireux mais effectivement le Pariser se prend très au sérieux et a mal exploité le côté barré que l’affiche laisser supposer. On s’ennuie pas mal non ?
    Heureusement, il y a Vincent qui méritait mieux mais il est absolument irrésistible. Décidément, ce garçon ne cesse de surprendre.

    C’est même sentiment d’égarement
    Mais le meilleur tient à au côté slapstick

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  4. Imaginer Sandrine Kiberlain en capitaine Haddock m’amuse pas mal… J’aime bien Vincent Lacoste et j’avais trouvé pas mal « Alice et le maire » de Pariser mais, pour autant, ce film ne me tente pas beaucoup. Ou peut-être quand il passera à la télévision… Merci Prince ! Belle fin d’année à toi !

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    • Vincent Lacoste s’en tire très bien dans ce film. Quant à Sandrine Kiberlain, le côté Haddock tient surtout à la veste de marin qu’elle porte une bonne partie du film (cf la photo au début de l’article). J’aurais peut-être aimé qu’elle vitupère davantage justement. Quitte à comparer, Pariser lorgne plus sur Hitchcock que sur Haddock. 😉
      Très elle fin d’année à toi également Marie-Anne.

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  5. BONNE JOURNÉE OU SOIRÉE

    Bonjour ou bonsoir
    Bonne journée ou soirée sous la douceur
    Demain sera la nouvelle année 2023
    Ce jour compte tes bonnes actions
    Chaque matin remplis ton esprit de pensées positives
    C’est un secret pour être heureux
    Le proverbe
    L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt
    Alors ne soit pas en retard pour les taches qui t’appartiennent
    Je suis juste là pour te dire bonjour ou bonsoir avec mon amitié
    Bonne heureuse Année 2023

    Bise amicale BERNARD

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