La VIE est BELLE

Et si tu n’existais pas ?

« Ils perdirent l’Etoile un soir. Pourquoi perd-on
L’Etoile ? Pour l’avoir parfois trop regardée… »

Edmond Rostand, les Rois Mages, 1922

Noël autorise tous les miracles. Celui d’un monde soudainement apaisé, rendu calme et serein par l’opération du saint esprit. Il suffit d’un instant de grâce pour que « les Bonnes Etoiles » de Kore-eda nous soufflent à l’oreille « Merci à toi d’être né » et redonne alors de l’importance à un idéal que l’on a cru vain. Il suffit qu’un ange passe, et puis « la Vie est Belle ». Elle l’est surtout grâce à Franck Capra qui, au sortir de la guerre, inscrit ce chef d’œuvre qu’il serait blâmable d’ignorer en période de fête, et même criminel d’oublier le restant de l’année. Lire la suite

Les TUEURS

Assurance sur la mort

« En 1946, le malfrat ne représente plus la caricature de la réussite sociale à l’américaine, avec tout ce que cela peut comporter de secrète admiration pour le « rebelle prolétaire » ; il ne sert même plus à la revalorisation des « G-Men » et de l’ordre public suscitée par Hoover, ou à la reconstruction économique préconisée par Roosevelt. Appartenant à la couche moyenne, il n’a plus de justification en lui-même mais exprime directement la morbidité de cette couche. »

Hervé Dumont, Robert Siodmak, Le maître du film noir »,1981

« I did something wrong, once… » Tel sera l’ultime aveu de celui qui s’apprête à prendre huit balles dans la peau. Un destin perfide aura placé des chausse-trappes sur son chemin, l’invitant à faire le mauvais choix, à prendre la voie moins sûre, la plus périlleuse, celle qui conduit vers un piège sans échappatoire. Au carrefour de la mort, « les Tueurs » de Robert Siodmak donnent un diner aux réverbères qui vire au jeu de massacre dont la plupart des convives ne ressortiront pas indemnes. Lire la suite

La DOUBLE ENIGME

Sœur de sang

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« Je me suis mariée avant Olivia, j’ai remporté un Oscar avant elle et, si je meurs la première, elle sera sans aucun doute furieuse que je l’ai battue. »

Joan Fontaine

Après la disparition de Kirk Douglas, elle incarnait sans doute à elle seule la dernière preuve vivante de ce que fut l’âge d’or d’Hollywood. Maintenant qu’Olivia de Havilland n’est plus, cette dernière page illustre nous est arrachée définitivement, emportée par le vent. Souvent réduite à ses rôles de faire-valoir emblématiques, dans « Gone with the wind », « Robin des Bois » et autre flibusteries cavalières dans les bras d’Errol Flynn, elle s’était montrée aussi femme de caractère, n’hésitant pas à défier la Warner pour affirmer ses droits. Enfin libérée de ses chaînes contractuelles, elle devenait « la Double énigme » de Robert Siodmak, telle un reflet aux deux visages lui permettant de se dévoiler sous un autre jour et de régler ses comptes avec une sœur qui ne manquait pas une occasion de lui faire de l’ombre.

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GILDA

Et Dieu créa la Vamp…

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« Most men fell in love with Gilda… and wakened with me. »

Rita Hayworth

Rita Hayworth était une arme de séduction massive. En même temps qu’un congrès de physiciens se remuait les méninges à Los Alamos pour mettre au point la plus terrible des bombes jamais conçues sur cette Terre, Harry Cohn, le patron de la Columbia, opérait les ultimes retouches de mensurations et s’en remettait aux bons soins du réalisateur Charles Vidor afin de fabriquer de toutes pièces une « déesse de l’amour » parfaitement profilée pour exploser sur les écrans du pays. En février 1946, « Gilda » est prête à être lâchée en public. Comme prévu, elle fera des ravages. Lire la suite

PAÏSA

Ciao Bella

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« Naples était comme une prostituée après avoir été rossée par une brute : les dents brisées, les yeux au beurre noir, le nez écrasé, puant la crasse et le vomi. Le savon était introuvable, même les jambes des filles étaient sales. Les cigarettes étaient la monnaie d’échange : avec un paquet, on pouvait obtenir n’importe quoi. Des gamins proposaient leurs sœurs, leur mère. La nuit, pendant le « black-out », les rats sortaient par milliers et vous regardaient, immobiles, leurs petits yeux rouges luisant dans l’obscurité. Des puanteurs montaient des ruelles, où s’ouvraient des boîtes louches présentant des tableaux vivants pornos avec participation d’enfants et d’animaux. Les hommes et les femmes, à Naples, démunis, affamés, désespérés, étaient prêts à tout pour survivre. L’âme de ce peuple avait été violée. C’était vraiment une cité maudite. »

John Huston in Huston par Huston.

Ce souvenir d’Italie qu’a couché le cinéaste John Huston dans ses mémoires, immortalisé également sur pellicule dans ce formidable document que constitue « la bataille de San Pietro », est peu ou prou celui que l’on retrouve face caméra dans le « Païsa » de Roberto Rossellini. Le segment consacré à Naples nous montre que les enfants ont pris le pouvoir dans la ville, ramassant les mégots abandonnés dans les décombres, dépouillant des ivrognes en uniforme US dès que la police militaire a le dos tourné. Leur proie est un sergent noir, vendu au plus offrant comme le furent sans doute ses ancêtres sur un marché aux esclaves. La botte fasciste a laissé l’empreinte du chaos, livré les restes du pays à des veuves affamées et à des orphelins à la dérive, toute une génération qui devra rebâtir une nation sur les ruines de la précédente. Lire la suite