The FOG

La baie des maudits

« Some of my best friends are ghosts. »
Dana Andrews dans « Rendez-vous avec la peur » de Jacques Tourneur, 1957.

« Hal Holbrook était un gentleman et un très bon acteur. J’ai profondément aimé le diriger, et partager une scène avec lui. Il va me manquer. »
John Carpenter, 3 février 2021.

« Vous pouvez revenir vers quatre heures, Bennett.
– Vous pouvez me payer, mon Père ?
– Revenez plutôt à six heures dans ce cas. »
Bennett, c’est John Carpenter. Il éteint une à une les lumières de l’église, à la fin du jour qui s’achève. Une époque est révolue. Dans cette scène, le Père Malone incarné par Hal Holbrook demande un peu de répit, encore un peu de temps pour régler ses dettes, avant de se fondre dans la nuit. Après une fort longue carrière qui l’a mené des « hommes du président » à la rencontre de « Lincoln », en passant par « Wall Street », « la Firme » et jusque « into the wild », le voici désormais emporté par les fantômes venus du large qui réclamaient leur dû il y a de cela plus de quarante ans maintenant. Et pour y voir un peu plus clair, minuit n’ayant pas sonné au clocher d’Antonio Bay, il est encore temps pour une dernière histoire. Il était un « Fog »… Lire la suite

L’AVARE

Le rapace

« Louis de Funès a d’instinct retrouvé un très ancien style de jeu qui passe par la Comedia dell’arte et les tréteaux du Pont-Neuf. Molière, comédien, devait jouer comme ça. »

Jean Anouilh

« Ne vous excusez pas ! C’est quand on est pauvre que l’on s’excuse. Quand on est riche, on est désagréable ! »

Louis de Funès/Don Salluste dans « La folie des Grandeurs », Gérard Oury, 1971.

Parvenu au soir de sa longue et tumultueuse carrière, quand on demandait à Louis de Funès s’il riait lorsqu’il se voyait à l’écran, il répondait : « pas beaucoup ». Voilà qui contraste avec l’image que le public se faisait de cet homme au comique vitupérant dont le plus grand désir était de faire rire petits et grands. Pour se convaincre de son pouvoir comique, il en appelle alors à son plus grand représentant national : Molière. De mots et d’esprit, le dramaturge n’était point économe, il ne renonça pourtant pas à être « l’Avare » de sa pièce du même nom. C’est précisément celle choisie par Louis de Funès qui, pour une adaptation à l’écran, est bien décidé à se dépenser sans compter. Lire la suite

PERMANENT VACATION

A la dérive

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« Fossoyeur, il est beau de contempler les ruines des cités ; mais, il est plus beau de contempler les ruines des humains ! »

Comte de Lautréamont, les chants de Maldoror, 1868-1869

C’était au temps où Tom se faisait appeler Verlaine et Amos portait le nom de Poe. A cette époque, New York était en proie aux créatures underground, aux poètes maudits du punk qui citent Baudelaire, Rimbaud et Jean-Luc Godard. En remontant des caves enfumées de Downtown, l’oreille interne étourdie par le sax plaintif des Lounge Lizards, le tout jeune Jim Jarmusch choisit de faire de ce terreau fertile son territoire d’expression, l’objet évident de son film de fin d’études. Vagabond dans l’âme et curieux de nature, le petit gars de l’Ohio à la toison pas encore blanchie, s’installe entre Bowery et Christie Street, tel un touriste en « Permanent Vacation », pour s’imprégner de l’humeur des lieux. Pellicule dans le chargeur et lunettes noires en position, il nous fait faire le tour du quartier. Lire la suite