Your NAME

Le joyau dans le ciel

« Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom »

Paul Eluard

« Pourquoi ces larmes ? » Dès lors que Miyazaki et Takahata eurent décidé de mettre un terme à leur carrière artistique (Takahata disparaîtra deux ans plus tard, quant à Miyazaki, l’avenir laisse entrevoir de bonnes nouvelles), les fanas de la firme au Totoro avaient le moral dans la vallée du vent. Aucun des successeurs présumés des grands maîtres du studio Ghibli n’avait su se montrer à la hauteur de leurs spirituels modèles. Et puis un jour de la fin août 2016, le public nippon a vu débouler sur l’horizon de la Japanime une comète tout à fait inattendue. Elle laissa pleuvoir dans son sillage des débris incandescents, pareils aux étoiles qui filaient aux pieds de la Sophie du « Château ambulant » qui, apercevant son Hauru redevenu petit garçon donnant naissance à Calcifer, leur avait lancé : « Hauru ! Calcifer ! Attendez-moi, je vous promets de revenir. Attendez-moi dans le futur ! » Alors, le public nippon s’est dit que ce rendez-vous pris il y a plusieurs années allait enfin se concrétiser, prendre la forme d’un nouveau chef d’œuvre. En voyant ce bolide joliment peint fendre l’azur, et retomber en pluie d’étoiles arc-en-ciel sur un crépuscule en feu, les insulaires spectateurs se pressèrent devant l’écran pour lui demander son nom (« Your name » ?) Il répondit qu’il n’était ni Miyazaki, ni Takahata, mais Makoto Shinkai, et qu’il allait leur offrir ce moment de bonheur tant espéré. Lire la suite

TERRIFIER

Crazy clown time

« L’essence du cinéma gore et de l’horreur en général, c’est de tomber par hasard sur un film qui vous fait dresser les poils et lever de votre fauteuil. (…) Chaque jour, un nouveau fan décide de prendre une caméra pour réaliser ce qui pourrait bien être le prochain grand évènement du genre. »

Tom Savini, préface du hors-série de Mad Movies « Il était une fois la révolution Gore », juillet 2014.

Coulrophobie : peur excessive et irrationnelle des clowns. Le terme est récent mais le phénomène ne date pas d’aujourd’hui. Le personnage censé faire le bonheur des enfants a suscité une certaine méfiance dès lors quelques chroniqueurs du XIXème siècle ont mis au jour la nature perverse de quelques assassins dissimulés sous le fond de teint de l’amuseur de piste. Il y eut Tabarin et puis Paillasse dans un siècle désormais lointain, et surtout le sinistre clown Pogo dans les années 70 sous le masque duquel on découvrit l’abominable tueur en série John Wayne Gacy. Largement de quoi alimenter la machine à fantasmes d’un écrivain comme Stephen King, ou de réalisateurs adeptes de pitreries sanguinolentes. Le dernier en date se nomme Damien Leone, et il compte bien nous « Terrifier » en rouvrant le cirque des horreurs. Lire la suite

PREMIER CONTACT

Prendre langue

« Quand vous verrez ma véritable image,
Vous verrez la flamme d’une bougie,
Alors vous sentirez les échanges solitaires des étoiles.
Souvenez-vous ! Souvenez-vous ! Souvenez-vous ! »

Frank Herbert, Try to remember, 1961.

L’arrivée d’une civilisation extraterrestre sur Terre n’est pas toujours synonyme d’invasion. Dans un épisode anthologique de la « Twilight Zone », des visiteurs venus des tréfonds de la galaxie débarquaient, un livre sous le bras, en se demandant « comment servir l’homme ». Mais le risque, c’est une incompréhension dans les termes. Pour ce « Premier Contact » de Denis Villeneuve avec la science-fiction, la question se pose également. S’emparant d’une nouvelle de l’écrivain américain Ted Chiang, le Québécois déploie les motifs du genre tout en s’interrogeant sur la manière dont ce langage peut être réinventé. Lire la suite

The VVITCH

L’appel de la forêt

the witch-2

« Les sorciers, les possédés, les thaumaturges ont existé de tous temps ; l’Antiquité a eu ses sybilles, sa mythologie ; le Moyen-Age sa magie, sa sorcellerie. Les sorciers existent encore aujourd’hui, mais sous des dénominations différentes ; ils existeront probablement toujours. »

Charles Gomart, La sorcière de Ribémont, 1850.

« Ding dong, the witch is dead » chantaient les Munchkins du « Magicien d’Oz » croyant s’être débarrassés de la vilaine sorcière. Pas si sûr. Depuis que les jeunes curieux du « projet Blair Witch » sont allés fouiner dans les bois du Maryland, on se dit que certains sortilèges ont la vie dure. En la matière, le Massachussetts n’est pas en reste, il a aussi a vécu à l’heure des maléfices comme le rappelle « the VVitch », l’effrayant premier film de Robert Eggers, un natif du cru qui, bien avant d’allumer la lumière du « Phare », a sans doute vu de ses yeux vus des vieillardes s’enflammer pour le Diable et danser nues sous la pleine Lune.

Lire la suite

CAPTAIN FANTASTIC

Alter-héros

captain fantastic-1

« Que faut-il être et quelle route doit-on suivre pour traverser la vie de la meilleure façon possible ? »

Platon, La République, Livre II, IVème siècle avant JC

Ils sont une poignée. Ils vivent au milieu des bois, presque en autarcie. Ils escaladent les parois abruptes, chassent à main nue, entretiennent une condition physique exceptionnelle tout en s’abreuvant des immenses savoirs de notre monde. Ils ne sont ni mutants, ni irradiés, ni génétiquement modifiés, ne sont dépositaires d’aucun grand pouvoir et ne sont redevables d’aucunes responsabilités. Plus qu’un groupe, ils sont une famille, au besoin une équipe, et leur meneur s’appelle le « Captain Fantastic », titre dont s’honore Matt Ross, auteur et réalisateur du film. Lire la suite

CAPTAIN AMERICA : Civil War

Cap ou pas Cap ?

Captain-America--Civil-War-1

« Quelle que soit la cause de Captain America, je suis avec lui, car c’est la meilleure personne au cœur le plus pur sur toute la planète. »

Stan Lee

Jusqu’ici, on l’avait plutôt épargné. Il s’en était même plutôt bien sorti lors d’une deuxième salve impliquant « le soldat de l’hiver ». Mais voilà, « Captain America » est désormais rattrapé par le rouleau compresseur « Avengers », avalé dans une « Civil War » qui ne reconnaît plus les siens. Les frangins Joe et Anthony Russo avaient su choisir la voie de la guérilla dans les pas du super-soldat à peine décongelé, les voici désormais aux ordres des costumes cravates de la « maison aux idées », yes men obéissant au cahier des charges imposé par contrat. Lire la suite

COMANCHERIA

Seuls sont les indomptés

comancheria 1

– Comment que ça dit, Tom ?

– Ça dit : « Deux valent mieux qu’un, car ils sont mieux payés de leurs peines. Car s’ils tombent, l’un aidera l’autre à se relever. Mais malheur à qui est seul. S’il tombe, il n’a personne pour le relever. » En voilà un bout.

John Steinbeck, Les raisins de la Colère, 1939.

Le Sud sent le chaud. Le soleil rasant de la fin de journée vient brûler l’ocre de la poussière qui se reflète sur les parois blanchâtres des caravanes cradoques posées sur des étendues arides du Texas. Le western n’est jamais aussi beau que lorsqu’il revêt ses couleurs crépusculaires et règne sur cette « Comancheria » vue à travers les yeux d’un Anglais tout juste sorti de prison. David McKenzie tapait « les poings contre les murs » dans son précédent film, comme pour dénoncer l’injustice sociale qui avait conduit ses personnages à l’ombre. Curieux de voir si les perspectives sont plus radieuses de l’autre côté de l’Atlantique, il a donc gagné cet Ouest lointain, troquant les barreaux du pénitencier contre des barbelés déroulés « along the road ». Lire la suite

The REVENANT

L’âge de Glass

revenant-1

« Dans l’après-midi, on plaça un guetteur pour annoncer quand il arriverait. Tout le monde voulait être présent à ce moment-là. Mais il ne revint pas, bien qu’on l’ait attendu jusqu’à minuit. Il ne reparut pas davantage, ni le lendemain, ni le jour suivant. En fait, Red Cow ne revit jamais Marcus O’Brien ; on se perdit en conjectures sur ce qui avait pu lui arriver. Mais le mystère de sa disparition ne fut jamais vraiment éclairci. »

Jack London, La disparition de Marcus O’Brien

Il faut un certain courage à se faire violence sur des films exigeants, surtout lorsqu’on a, comme Leonardo DiCaprio, déjà derrière soi une carrière d’acteur accompli. Ayant acquis ses titres de gloire en se colletant à des rôles à forte intensité dramatique (du fougueux Jack Dawson sur le pont d’un célèbre transatlantique au monarque négrier de la plantation Candyland), il ne s’était encore jamais vraiment confronté aux caprices des éléments et aux vicissitudes des tournages dans les régions inhospitalières. Dans « The Revenant » du Mexicain Alejandro González Iñárritu, il se glisse sous la fourrure du trappeur Hugh Glass, explore son parcours hors du commun : laissé pour mort après une attaque de Grizzly, il serait parvenu à rejoindre seul le Fort Kiowa après une marche de trois cents kilomètres dans les froides étendues montagneuses du Dakota. Lire la suite

DERNIER TRAIN pour BUSAN

Ticket choc

derniertrain01

A en croire son cinéma, en Corée du Sud c’est la catastrophe permanente. S’y déplacer par exemple, n’est pas sans risque. On a vu récemment qu’un « Tunnel » flambant neuf pouvait tout à coup s’effondrer sur l’automobiliste pressé, et avant cela un père de famille et sa fille de 9 ans avaient eu bien des déboires en voyageant à bord du « Dernier train pour Busan » piloté par Yeon Sang-ho. Pour traverser le pays d’un bout à l’autre, il est vrai que le train reste malgré tout une des solutions les plus pratiques. Et puisque la petite Soo-ahn, en garde chez son papa à Séoul réclame de voir sa mère qui a refait sa vie à l’autre bout de la presqu’île, un billet aller en KTX (équivalent de notre TGV)  s’impose. Alors, qu’est-ce qu’on attend ? En voiture ! Lire la suite

Tu ne Tueras point

Sauve qui peut !

hacksaw-ridge-2

Comme sorti du merveilleux « Silence » scorsesien, Andrew Garfield n’en finit plus d’interroger le ciel nippon, mais dans le bruit et la fureur de Celui qui lui intime « Tu ne tueras point », il s’égare. Par ce nouveau film plongeant sous le feu de la Guerre du Pacifique, le très pieux Mel Gibson n’entend pas nous rejouer le complet décalogue, mais une transposition de sa « Passion du Christ » pleine de compassion et d’hémoglobine. Lire la suite