SENSO

L’amant diabolique

« Il n’y a guère que le sadisme qui donne un fondement dans la vie à l’esthétique du mélodrame. »

Marcel Proust

1866, la terre tremble en Italie. Le peuple se réveille, se soulève contre l’occupant autrichien. Une nation trop longtemps morcelée, dominée, renaît peu à peu de ses cendres, prend les armes pour conduire son destin. Au cœur du tumulte, une aristocrate vénitienne, la Comtesse Livia Sarpieri, confie dans son journal les feux de la passion qui la brûlent, déchirée entre sa fibre nationaliste et une obsession sans issue pour un jeune officier ennemi. La symphonie du mélodrame sur fond historique chante jusqu’aux oreilles de Luchino Visconti, encore sous le charme des arias de la Callas qu’il avait admirée peu auparavant depuis sa loge de la Scala. Le cinéma devient alors pour lui le parfait médium pour exalter la grâce, la puissance et la gloire du spectacle total, celui de la vie (« la vie est un champ de bataille » disait-il), de ses drames intimes et de ses tragédies grandioses. Ce fut l’avènement de « Senso », première grande fresque en costume signée du Prince de Modrone dont les immenses tableaux en couleur se consument avec toujours autant de violence et de passion. Lire la suite

Le Troisième Homme

Qui a tué Harry ?

« Oui, j’ai aimé travailler avec Carol Reed pour « le Troisième Homme ». Il appartient à l’espèce la plus rare des metteurs en scène : ceux qui aiment la caméra et faire jouer les acteurs. Très peu de réalisateurs sont capables d’autant d’enthousiasme. »

Orson Welles in Positif n°54-55, juillet-août 1963.

Il faut vivre, et laisser mourir. C’est tout au moins ce que prétend un roman de Ian Fleming mis en images par Guy Hamilton. Celui-ci en sait quelque chose, lui qui fut assistant de Carol Reed sur le tournage du « Troisième Homme ». Une bien sombre affaire en vérité, qui nous renvoie dans les décombres d’une Vienne en ruine, un de ces secrets que le célèbre agent aurait sans doute eu à cœur de percer : des funérailles inattendues, un odieux trafic de médicaments, une inquiétante galerie de complices, un machiavélique maestro qui tire les ficelles et un cadavre qui ressuscite. Mais attention, « on ne vit que deux fois ! » aurait pu dire le double zéro. Lire la suite

LISA et le DIABLE

Les visiteurs du soir

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« En devisant de la sorte, les trois amis suivaient cette voie bordée de sépulcres qui, dans nos sentiments modernes, serait une lugubre avenue pour une ville, mais qui n’offrait pas les mêmes significations tristes pour les anciens, dont les tombeaux, au lieu d’un cadavre horrible, ne contenaient qu’une pincée de cendres, idée abstraite de la mort. L’art embellissait ces dernières demeures, et, comme dit Gœthe, le païen décorait des images de la vie les sarcophages et les urnes. »

Théophile Gautier, Arria Marcella, 1897

Qui n’a jamais rêvé se perdre dans une ville inconnue à la faveur d’une déambulation touristique ? L’ivresse de se laisser porter par ses pas, de se laisser conduire par le hasard, de suivre son instinct pour partir à l’aventure dans un lieu étranger, au risque d’y faire quelque étrange rencontre. C’est l’infortune qui guette l’héroïne du film de Mario Bava, sobrement intitulé « Lisa et le Diable », avant qu’un malfaisant producteur ne lui jette un sort pour l’éternité. Lire la suite