DOCTOR STRANGE in the Multiverse of Madness

« L’impétueuse furie de la rafale nous enleva presque du sol. C’était vraiment une nuit d’orage affreusement belle, une nuit unique et étrange dans son horreur et sa beauté. »

Edgar Alan Poe, La Chute de la Maison Usher, 1839 (traduction de Charles Baudelaire).

« Are you happy ? » La question se pose dans notre monde plus près que jamais du grand chaos. Plus notre monde se recroqueville, plus l’univers cinématique de la Marvel semble occuper le terrain de la poudre aux yeux. Une mission : divertir, détourner le regard de la morosité ambiante. Et avec le rapatriement de la totalité du catalogue de personnages autrefois dispersés aux quatre vents, la Maison de Idées peut enfin voguer au gré de ses envies, pourvu que les spectateurs suivent. Alors que l’on croyait venu le bout de la ligne narrative à l’occasion d’une fin de partie homérique, voici que se déploient d’autres possibles esquissés dans le « No way home » de Spider-Man. Mais à force de multiplier les cases, le risque est d’en perdre quelques-unes en route. Tandis que le monde chancelle sur son pied de réalité, on en appelle au « Docteur Strange in the Multiverse of Madness », et on met Sam Raimi sur le grill pour voir si le charme agit. Lire la suite

The POWER of the DOG

Par la peau du cuir

« Deliver my soul from the sword ; my darling from the power of the dog. »

Psaume 22:21, King James Bible, 1611.

A la lumière rasante d’une fin de journée, dans le relief accidenté d’un massif montagneux à l’heure où les troupeaux se rassemblent pour passer la nuit, parfois une forme apparaît. Les hommes qui s’installèrent à l’ombre des géants, dans les endroits reculés du sauvage Montana connaissent bien ce phénomène. L’écrivain John Savage également, mais il détestait cette région pour cette même raison. Il l’a d’abord traduit en mots, avant que la cinéaste Jane Campion ne le fasse en images. « The Power of the Dog » surgit parmi ces ombres vivantes, comme un aboiement sourd qui se fait entendre lorsque la caravane passe. Lire la suite

SPIDER-MAN : No Way Home

Watts the… ?

« Le temps, l’espace, la réalité : ces éléments ne sont pas linéaires. Ce sont des prismes reflétant une infinité de possibilités, dans lesquels un simple choix peut aboutir à d’innombrables réalités, créant autant de mondes alternatifs à ceux que vous connaissez. »

Monologue du Gardien dans la série « What if… ? », saison 1, 2021.

Tel l’Ulysse d’Homère, emporté par les courants contraires, Spider-Man n’en finit plus d’arpenter les chemins qui le ramèneront chez lui. Revenu d’une « Civil War », on l’a d’abord cru de retour au bercail dans « Homecoming », mais un mystérieux brouillard l’a finalement emporté « Far from home ». Toujours pris dans les rets du réalisateur Jon Watts, voici désormais « Spider-Man : No Way Home », aventure sans retour qui lui mettra, comme à tous les spectateurs, l’esprit sens dessus dessous. Lire la suite

Le HOBBIT : la bataille des cinq armées

Clash of clans

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– Quelles que soient tes volontés, je ne les suivrai en rien. Non, maintenant, je vais chevaucher jusqu’à ton repaire, et prendre pour moi le grand trésor de tes parents.
– Vas-y maintenant, alors, dit Fafnir, et tu trouveras assez d’or pour toute la durée de ta vie. Que cet or fasse ton malheur, et le malheur de tous ceux qui le posséderont un jour.

Völsunga saga, Cycle de Sigurðr, XIIIème siècle.

Nous y voici, enfin. « Ainsi vient la neige après le feu, et même les dragons ont une fin » nous dit Maître Sacquet dans le livre. Treize années après avoir usé, pour le pire et le meilleur, le rêve de millions de lecteurs admirateurs de l’œuvre de J.R.R. Tolkien, Il était grand temps pour Peter Jackson de jeter ses dernières forces dans la bataille. « The Hobbit : la bataille des cinq armées », dernier volet de ce qui aurait dû être une saga bipartite, se doit de combler les attentes en assurant un spectacle hors-norme, et apporter la preuve définitive qu’il fallait nécessairement allonger le métrage envisagé au départ. Mais pour autant, sortirons-nous grandis et rassasiés de cette orgie de batailles rangées ? Lire la suite

Le HOBBIT : La Désolation de Smaug

L’année du Dragon

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Dresse ta main contre lui,
et tu ne t’aviseras plus de l’attaquer.
Voici, on est trompé dans son attente ;
à son seul aspect n’est-on pas terrassé ?

Job 40:32-33

Bilbo, toujours un peu plus loin. « Le Hobbit » le plus célèbre de la Comté suit le chemin redessiné par le pinceau de Peter Jackson. Du côté des tolkiennistes purs et durs la vision de « la Désolation de Smaug » risque bien de faire encore grincer des dents, le barbu néo-zélandais n’hésitant plus désormais à mixer à sa guise des éléments prélevés aux quatre coins de l’œuvre de J.R.R. Tolkien, d’en perturber la cohérence en mélangeant quelques feuilles de « l’Histoire de la Terre du Milieu » avec des éléments chronologiques tirés des appendices du « Seigneur des Anneaux ». Être adapté, c’est accepter d’être trahi, et Tolkien n’est plus là pour s’élever contre pareille injure faite à son œuvre. Mais on ne peut pas dire que le réalisateur se simplifie particulièrement la tâche en tentant d’assombrir le voyage picaresque et fabuleux de « Bilbo le Hobbit ». Lire la suite

1917

Last man standing

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« (…) Ils jetèrent un regard en arrière et virent scintiller dans le lointain les lampes de Hobbitebourg dans la douce Vallée de l’Eau. Cette vue disparut soudain dans les plis du terrain obscurci, et elle fut suivie de celle de Lèzeau près de son étang gris. Quand la lumière de la dernière ferme fut loin derrière eux, perçant parmi les arbres, Frodon se retourna et agita la main en signe d’adieu.
– Je me demande si je contemplerai jamais de nouveau cette vallée, dit-il tranquillement. »

J.R.R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux, Tome 1, 1954.

Partir en guerre est un voyage au long cours, quoiqu’il arrive une aventure pour toujours. Nul ne sait s’il en reviendra. Entre 1914 et 1918, des milliers de jeunes Britanniques quittèrent leur île pour rejoindre le Nord de la France et la Belgique afin de faire barrage aux troupes allemandes, « vers la victoire ou le linceul ». Certains désormais reposent en paix dans les jardins de pierre de la Somme et des Flandres. D’autres en sont revenus avec de larges cicatrices sur le corps et des souvenirs purulents dans la tête. A son petit-fils Sam, l’écrivain Alfred H. Mendes qui était de ceux-là transmit en héritage ses peines et ses douleurs, des fragments d’histoires venus s’ajouter au grand mémorial officiel. Sam Mendes les mit bout à bout puis, comme emporté dans les remous d’un long fleuve intranquille, il en a fait un grand film trempé dans un jus noir. Le récit d’un triste jour d’avril en fleurs, un jour de guerre en « 1917 ». Lire la suite

AVENGERS : Endgame

Les héros meurent aussi

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« Fini, c’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir (un temps). Les grains s’ajoutent aux grains, un à un, et un jour, soudain, c’est un tas, un petit tas, l’impossible tas. »

Samuel Beckett, Fin de Partie, 1957.

« Zeus, donne-lui ton trône. Il y a un vrai patron parmi les dieux maintenant. »

Joann Sfar, hommage à Stan Lee

On les avait laissés vaincus, traumatisés, dissous aux quatre coins de la galaxie, dans la sidération la plus absolue face à ce terrifiant constat d’échec : les héros n’ont pas toujours gain de cause. A la fin d’« Avengers : Infinity War », un titan fou adepte du new deal universel, un dieu auto-proclamé aux pouvoirs infinis tenant le destin de la création au revers de son gant avait, en un claquement de doigts, remporté le match, obtenu satisfaction. C’était fait, plié, page tournée, ashes to ashes, « Avengers : Endgame », à moins qu’Anthony et Joe Russo n’aient trouvé un moyen de rejouer la partie. Lire la suite

AVENGERS : Infinity war

Mauvaises nouvelles des étoiles

Avengers-Infinity-War-Thanos

« Cependant, à d’innombrables années-lumière de là, aux marges de l’infini, une voix se fait entendre :
– ça va mal ! La Mort a un bien meilleur jeu que nous, Lord Chaos ! Nous devons lancer nos derniers atouts !
– Nous donneront-ils la victoire, Master Order ? Thanos n’a encore jamais eu un jeu aussi fort ! »

Jim Starlin, to duel a mad god, Marvel two-in-one annual #2, 23/08/1977.

Voilà dix ans maintenant que le Marvel Cinematic Universe a entamé sa grande saga, semant de film en film, de cycle en cycle, les petits et gros cailloux qui conduisent au grand ramdam débarquant sur les écrans : « Avengers : infinity war ». Première mi-temps d’un affrontement cataclysmique dont l’enjeu n’est ni plus ni moins que la survie de l’univers, il ne fallait pas moins de deux réalisateurs pour mettre en ordre de bataille cette monumentale fresque composite faite d’éléments épars. Reste à savoir qui de Anthony ou Joe Russo saura le mieux recoller les morceaux. Lire la suite

DOCTEUR STRANGE

 

Magical Mystery Tour

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Mais d’où sort-il celui-là ? Il faut dire qu’au sein de la galaxie Marvel, le « Docteur Strange » (sorte de Mandrake mixé avec Dracula mâtiné d’un peu d’Harry Potter avant l’heure) ne bénéficie pas de la même notoriété que, par exemple, les 4 Fantastiques ou encore « Spider-man ». Après avoir largué son tapis de blockbusters à tête nucléaire, rasé New York à coup d’« Avengers », la Maison des Idées doit racler les fonds de tiroir pour trouver de nouveaux héros à ajouter à sa collection de figurines. S’il n’est assurément pas le plus célèbre d’entre tous, le Docteur Strange est tout de même un des préférés du grand gourou Stan Lee, vieux gardien du temple qui, du haut de ses quatre-vingt-treize balais, semble encore beaucoup s’amuser à voir tous ses personnages s’agiter sur les écrans du monde entier. Lire la suite