SHOWING UP

Du bout des doigts

« Pour que la matière ait tant de pouvoir, il faut qu’elle contienne un esprit. »

Gustave Flaubert, 1874.

Depuis trente ans maintenant, la cinéaste Kelly Reichardt cherche sa voie. Elle a arpenté l’Oregon à la rencontre des marginaux, remonté des rivières herbeuses depuis la Floride, traversé des déserts, exploré des forêts, franchi un barrage et même remonté le temps pour retrouver le goût du lait à l’américaine. Voici venu le temps pour elle de se poser dans un atelier, de contempler son œuvre accomplie. « Cinéaste ou céramiste, on met sa création au feu, sans savoir ce qui va sortir du four. » explique-t-elle sur France Culture. Sans crainte des jugements acides et des projections de soupe, elle (s’)expose dans « Showing up », queue de comète du Festival de Cannes 2022 qui mérite plus qu’un simple coup d’œil. Lire la suite

REIMS POLAR jour 5 : Borderline + les Complices + Palmarès

Gardés à vue

« Mon père dit qu’un homme est la somme de ses propres malheurs. On pourrait penser que le malheur finirait un jour par se lasser, mais alors, c’est le temps qui devient votre malheur, dit papa. »

William Faulkner, Le Bruit et la Fureur, 1929.

Samedi, c’est jour de récompenses. Après s’être gobergés cinq jours durant d’images, de sons et de flûtes de champagne, les jurés des diverses sélections ont enfin rendu leur verdict devant une salle comble et un public en effervescence. Avant que le couperet ne tombe, il faudra ramasser les morceaux d’un Olivier Marchal ému aux larmes pour présenter son coup de cœur pour « Borderline », puis subir les facéties des « Complices » de Cécilia Rouaud profitant d’un public captif pour tenter de nous dérider un peu. Lire la suite

Mon CRIME

Jusqu’où iront-elles ?

« C’est ignoble de tuer… mais ça fait vivre tellement de monde. »

Dans « La Poison » de Sacha Guitry, 1951.

François Ozon est un cinéaste qui peut être difficile à suivre. Tous les genres lui conviennent, il aime brouiller les pistes. Passant le plus naturellement du monde d’un grave sujet de société à une revisite de Fassbinder, d’un mélodrame de sortie de guerre en Noir et Blanc à un psychodrame paranoïaque en couleur, d’une ode musicale à la gloire des grandes comédiennes à un thriller romanesque autour d’une piscine, bien malin celui ou celle qui saura cerner ce qui se cache sous le sable de ses désirs. Ce qui fait évidence toutefois, c’est bien son amour inconditionnel du cinéma, une passion parfois sulfureuse qui ne lui aura pas attiré que des faveurs. Alors que la fine fleur des actrices s’accorde avec la crème des acteurs pour lui renouveler leur confiance, voici qu’il revendique « Mon Crime », et s’en remet une fois encore au verdict du public. Lire la suite

La FAMILLE ASADA

Tu veux sa photo ?

« Photographier c’est mettre sur la même ligne de mire la tête, l’œil et le cœur. »

Henri Cartier-Bresson

On dit parfois que le cinéma est une grande famille, voilà peut-être pourquoi certaines familles ont du succès sur les écrans. En France, on a connu les atypiques « Bélier », éleveurs muets dotés d’une fille chanteuse. Au Japon, il y a désormais « La famille Asada », dont le petit dernier a un tout autre talent : celui de redonner le sourire avec des images. Son parcours étonnant a tapé dans l’œil de Ryōta Nakano qui s’est chargé de mettre sa vie en boîte avec une joie communicative. Lire la suite

Les BANSHEES d’INISHERIN

Comme les doigts de la main

« You remember that foul evening when you heard the banshees howl »

Shane McGohan, The Sick Bed of Cúchulainn, 1985.

Êtes-vous déjà allé sur l’île d’Inisherin ? Sans doute jamais, car ce petit morceau d’Irlande battu par les flots de l’océan Atlantique n’existe que dans la tête de Martin McDonagh. Ce sont sûrement les fées locales aux effluves de Guinness amère qui lui ont soufflé cette idée dans l’oreille. Là-bas, on les appelle « Les Banshees d’Inisherin », mais personne ne saura vous dire à quoi elles ressemblent vraiment. Ce qui est certain, c’est qu’elles rient bien de ces hommes pas si tranquilles qui se pensent tous plus malins qu’ils ne le sont. Lire la suite

Le PARFUM VERT

Hitchcock en stock

« C’est un film que j’ai fait pour celui que j’étais à 10 ans. »

Nicolas Pariser

Ça sent le sapin du côté de chez Nicolas Pariser, les cadavres s’amoncellent. Abandonnant derrière lui Lyon, « Alice et le Maire », il monte à Paris emportant dans ses bagages Thomas Chabrol (et un peu de l’esprit de son père) et Léonie Simaga qui lui ouvre les portes du Théâtre-Français. Pris au piège dans les cases et les bulles de son enfance, il fait le pari d’un mélange « Hitchcocko-hergéen » qu’il nomme « le Parfum Vert », une fragrance aux vieux relents d’espionnage et de grand complot européen. Mais c’est là que les ennuis commencèrent… Lire la suite

La VIE est BELLE

Et si tu n’existais pas ?

« Ils perdirent l’Etoile un soir. Pourquoi perd-on
L’Etoile ? Pour l’avoir parfois trop regardée… »

Edmond Rostand, les Rois Mages, 1922

Noël autorise tous les miracles. Celui d’un monde soudainement apaisé, rendu calme et serein par l’opération du saint esprit. Il suffit d’un instant de grâce pour que « les Bonnes Etoiles » de Kore-eda nous soufflent à l’oreille « Merci à toi d’être né » et redonne alors de l’importance à un idéal que l’on a cru vain. Il suffit qu’un ange passe, et puis « la Vie est Belle ». Elle l’est surtout grâce à Franck Capra qui, au sortir de la guerre, inscrit ce chef d’œuvre qu’il serait blâmable d’ignorer en période de fête, et même criminel d’oublier le restant de l’année. Lire la suite

Les BONNES ETOILES

Baby blues

« Petit baigneur
Fait des longueurs à longueur d’odyssée
Brasse petit verni
A bras raccourcis
Brasse petit gabarit »

Alain Bashung, ode à la vie, 1998.

Il est né le divin enfant. Et ils sont nombreux à se pencher sur son berceau. En guise de rois mages, le cinéaste japonais Kore-eda Hirokazu lui a dégoté trois pieds nickelés qui vont le balader à travers le pays. Après avoir clamé sa « Vérité » chez les Français, il a suivi « les Bonnes Etoiles » qui l’ont mené vers les rives des Matins Calmes. Il y a recruté une belle poignée de stars made in Korea car, lorsqu’il est question de famille et d’aventures, plus on est de fous et moins la vie est dure. Lire la suite

FUMER fait TOUSSER

Wrong clopes

« Injures un jour se dissiperont comme volutes Gitane. »

Serge Gainsbourg, « aéroplanes » in L’homme à tête de chou, 1976.

Ammoniaque, Benzène, Nicotine, Méthanol, Mercure sont les charmantes petites substances qui viennent tapisser les poumons à chaque bouffée tirée d’une cigarette allumée. Quentin Dupieux (dont on se demande s’il n’a fumé que tu tabac) décide d’en faire les figures principales d’une équipe de « justiciers » costumés et livre, « Incroyable mais vrai », sa seconde cartouche de l’année : « Fumer fait tousser ». Un titre en forme d’évidence qui promet une bonne tranche de comédie « déréglée », mais qui ne doit pas nous faire oublier que, pendant que la cigarette brûle, nous regardons ailleurs. Lire la suite

INCROYABLE mais VRAI

It’s all trou

« Curiosité n’est que vanité. Le plus souvent on ne veut savoir que pour en parler. »

Blaise Pascal, Pensées, 1670.

Les multivers of madness de Quentin Dupieux se suivent à un rythme soutenu et se ressemblent parfois. Après la série animalière peuplée de « Daim » et de mouche à « Mandibules », il décide de se pencher sur une autre espèce assez curieuse : l’être humain. Pour ce faire, le tandem d’hurluberlus laisse place au vieux couple : il déménage avec Alain Chabat et Léa Drucker dans un pavillon pas banal. Pas question de voler dans le sens du vent quand on a une cervelle d’Oizo, dans le monde à l’envers du réalisateur, il faut s’attendre à assister à plus d’un phénomène « Incroyable mais vrai ». Lire la suite