Le PARFUM VERT

Hitchcock en stock

« C’est un film que j’ai fait pour celui que j’étais à 10 ans. »

Nicolas Pariser

Ça sent le sapin du côté de chez Nicolas Pariser, les cadavres s’amoncellent. Abandonnant derrière lui Lyon, « Alice et le Maire », il monte à Paris emportant dans ses bagages Thomas Chabrol (et un peu de l’esprit de son père) et Léonie Simaga qui lui ouvre les portes du Théâtre-Français. Pris au piège dans les cases et les bulles de son enfance, il fait le pari d’un mélange « Hitchcocko-hergéen » qu’il nomme « le Parfum Vert », une fragrance aux vieux relents d’espionnage et de grand complot européen. Mais c’est là que les ennuis commencèrent… Lire la suite

FURIA à BAHIA pour OSS 117

Sacrée Mylène !

« Au fond, quand on se donne la peine de réfléchir un peu, il n’y a que l’amour qui compte dans la vie… le reste n’est que vanité. »

Mylène Demongeot, Tiroirs secrets, 2001.

Et dire qu’on l’a longtemps prise pour une belle écervelée. Son côté blonde sans doute, que beaucoup assimilaient à une sous-Bardot car elle n’avait pas eu le nez de se laisser porter par la Nouvelle Vague. Tout de même, Mylène Demongeot a tourné sous l’œil du grand Otto Preminger, de Jacques Tourneur, d’André de Toth ! On l’a même vue sur le tard nommée aux Césars pour son rôle dramatique et bouleversant au « 36 » d’Olivier Marchal. Passionnante et jamais avare d’une anecdote, elle s’épanchait volontiers sur sa passion pour Gérard Philipe, pour James Dean, pour le cinéma américain en général. Dans ses mémoires, elle savait tout autant remettre les pendules à l’heure, fustigeant l’attitude « dégueulasse » du couple Montand/Signoret sur « les Sorcières de Salem », mais prompte à encenser les numéros irrésistibles de Funès dans les trois « Fantômas ». C’est sans doute la première image qui nous revient en tête maintenant qu’elle est partie. La faute à André Hunebelle qui l’entraîna ensuite sur les traces d’OSS 117, pour une « Furia à Bahia » qui n’a pas laissé la même impression. Lire la suite

CASINO ROYALE (2006)

Vesper in the dark

« Bond dans le roman est une silhouette. Daniel lui a donné de la profondeur et une vie intérieure. Nous recherchions un héros du 21ème siècle et c’est ce qu’il nous a donné. Il saigne, il pleure, il est de son temps. »

Barbara Broccoli in Variety, 2007.

Un bon agent se doit d’avoir plusieurs identités. Grand professionnel, James Bond aura affiché lui-aussi bien des visages. Lorsque Daniel Craig enfile le smoking, 007 en est à sa sixième incarnation, tout cela sans montrer le moindre signe de fatigue. Les droits d’adaptation du premier roman de Fleming enfin revenus dans l’escarcelle d’EON production, les décideurs font table rase du passé, préfèrent miser sur une version plus moderne de la franchise. Ils laissent le soin à Martin Campbell de jouer les croupiers à la table du « Casino Royale ». A lui de changer la donne et de mettre le paquet. Exit le vieux titre parodique des années 60, le Bond nouveau sera musclé, impitoyable et froid mais non sans faiblesses, une inclination notoire pour le beau sexe qui lui vaut quelques cicatrices, superficielles ou plus profondes. Lire la suite

OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire

L’espion qui s’aimait

« Un personnage comique est généralement comique dans l’exacte mesure où il s’ignore lui-même. Le comique est inconscient. […] Il se rend invisible à lui-même en devenant visible à tout le monde. »

Henri Bergson, Le rire : essai sur la signification du comique, 1900.

On se demandait si on le reverrait un jour se beurrer la biscotte. Que tous les admirateurs de l’espion le plus idiot des services secrets français soient rassurés, Jean Dujardin remet le costume pour « OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire », et il aime toujours autant se battre. Michel Hazanavicius, peu convaincu par le nouveau scénario a laissé les clefs de la Gordini à un Nicolas Bedos gonflé à bloc pour partir à la rescousse de l’homme de Bruce, attention aux secousses ! Lire la suite

Le PORT de la DROGUE

L’affaire est dans le sac

« Fuller était le plus franc des contrebandiers des fifties, aucune idéologie n’échappait aux mailles de son filet. L’hypocrisie des Etats-Unis constituait sa cible permanente et ses héros étaient souvent difficiles à distinguer des méchants. »

Martin Scorsese, A Personal Journey with Martin Scorsese Through American Movies, 1995.

Si comme Jean-Paul Belmondo dans « Pierrot le fou » vous avez « toujours voulu savoir ce que c’était exactement qu’le cinéma », il suffit de demander à Samuel Fuller qui vous répondra en quelques mots improvisés : « l’amour, la haine, l’action, la violence et la mort. » On trouvera tout cela dans « le port de la drogue », ou bien « Pick up on South Street » selon que vous soyez plutôt schnouf ou microfilm. Pas une seule ligne de coke pourtant dans le scénario d’origine, mais une clique de cocos qui transpirent à grosses gouttes dans l’Amérique de McCarthy. Ce qui ne change pas en revanche, c’est qu’il y a de l’argent à se faire et dans ces moments-là, Richard Widmark n’est jamais loin. Lire la suite

La fantastique histoire vraie d’EDDIE CHAPMAN

X Man

« The devil is more interesting than God. »

    Christopher Plummer (1929-2021)

Quelle incroyable carrière ! Le shakespearien Christopher Plummer a croisé les plus grands : d’Anthony Mann à Spike Lee, de Robert Wise à Ridley Scott, en passant par John Huston et Nicholas Ray. « Des maîtres hollywoodiens, je n’ai vu que l’ombre » disait-il pourtant. Il s’est glissé dans celle des géants, côtoyant la crème de la crème, voyageant sur tous les continents durant presque soixante-dix ans de carrière. Il disait avoir puisé sa vocation dans la lecture d’une biographie de John Barrymore, de quoi largement enchanter tout un univers. C’est justement « la mélodie du bonheur » qui l’emporta vers un premier succès, une sérénade qui finit par lui casser les oreilles à longueur d’interview. Était-ce alors pour conjurer ce rôle lénifiant d’officier autrichien qu’il accepta de jouer si souvent les salauds ? L’année suivante, il devenait illico l’espion qui trahissait en narrant « la fantastique histoire vraie d’Eddie Chapman ». Lire la suite

L’ESPION qui venait du FROID

Traîtres sur commande

« Même si les gouvernements pouvaient se passer d’un service d’espionnage, ils s’en garderaient bien. Ils adorent ça. A supposer qu’un jour nous n’ayons plus un seul ennemi au monde, les gouvernements nous en inventeraient. »

John Le Carré (1931-2020)

En espionnage, en temps de Guerre Froide, il y a deux écoles : celle de Ian Flemming, tout en fantasme, en exubérance, improbable, et puis il y a celle de David Cornwell, dit John Le Carré, tout en grisaille, en réalisme, en austérité glaciale. Si les deux hommes ont œuvré au Service de Sa Majesté, ils n’en ont pas retenu les mêmes emblèmes, proposant des visions du métier radicalement opposées. Cependant, tous deux furent attaqués : l’un pour ses outrances, l’autre pour son obsession des complots masqués et des trahisons larvées. L’expérience berlinoise de Le Carré a largement alimenté son premier succès littéraire, « l’espion qui venait du froid », adapté pour l’écran dans une veine grave par Martin Ritt, une histoire comme sait les écrire l’ex du MI6, anti-spectaculaire et toute en tension. Ici les espions sont sur le pont, tout prêts à basculer. Lire la suite

Au Service Secret de Sa Majesté

Lady Diana

« Mesurer la distance entre vous et le rôle, et remplissez cette distance, remplissez-la par la vérité. »

Diana Rigg (1938-2020)

Peel, Emma Peel. Voilà une femme qui ne s’en laissait pas conter. « Ce ne sera pas trop dur pour vous Madame Peel ? » lui demandait le flegmatique homme au chapeau melon. « Rien n’est jamais trop dur pour moi. » répliquait-elle, sûre de son fait. Elégante et redoutable, Diana Rigg s’est forgée une carrière, à la force du caractère, du petit au grand écran. A jamais, elle sera la side-kick la plus dangereusement vôtre, Avengers en bottes de cuir. Suivant les pas d’Honor Blackman, elle sera à son tour engagée « Au Service de Sa Majesté », sous la conduite du réalisateur Peter Hunt, sous la houlette d’un agent qu’on ne vit qu’une fois. Lire la suite

TENET

Quantique of solace

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« In girum imus nocte et consumimur igni »
(Nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes dévorés par le feu)

Virgile

Dix films. Christopher Nolan avait jusqu’ici réalisé dix longs métrages. Singuliers mais solidaires, ils se raccordent à une œuvre commune, gravitent autour d’un même axe. L’étape suivante s’appelle « Tenet », une formule palindromique, un nom de code mystérieux pour une expérimentation narrative qui fait se rejoindre les dix films comme se croisent les dix doigts. De ce maillage naît un étourdissement des sens qui nous oblige à écarquiller les yeux, à gérer un afflux d’images qui dépasse parfois l’entendement. Lire la suite

Le PETIT SOLDAT

Ô Karina

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« On finit toujours par ressembler un peu à ses rôles, ou alors ce sont les rôles qui finissent par vous ressembler, ça se peut aussi… »

Anna Karina

Elle a été Valérie, Veronica, Odile, Natacha et bien sûr Anna : maintes fois réincarnée, « toujours mystérieuse » dit Pierrot le Fou. Hanne Karin Bayer, devenue Anna Karina par la volonté de la fée Coco Chanel, s’en est allée, on ne sait où. Rejoindre son père, capitaine au long cours ? Sous le soleil, sous le soleil ? Souhaitons-le-lui. Elle refusa un rôle dans « A bout de souffle », c’était reculer pour mieux sauter, prendre de l’élan pour attraper le bras de Godard qui fut, quelques années durant, son « Petit soldat ». Lire la suite