Mon CRIME

Jusqu’où iront-elles ?

« C’est ignoble de tuer… mais ça fait vivre tellement de monde. »

Dans « La Poison » de Sacha Guitry, 1951.

François Ozon est un cinéaste qui peut être difficile à suivre. Tous les genres lui conviennent, il aime brouiller les pistes. Passant le plus naturellement du monde d’un grave sujet de société à une revisite de Fassbinder, d’un mélodrame de sortie de guerre en Noir et Blanc à un psychodrame paranoïaque en couleur, d’une ode musicale à la gloire des grandes comédiennes à un thriller romanesque autour d’une piscine, bien malin celui ou celle qui saura cerner ce qui se cache sous le sable de ses désirs. Ce qui fait évidence toutefois, c’est bien son amour inconditionnel du cinéma, une passion parfois sulfureuse qui ne lui aura pas attiré que des faveurs. Alors que la fine fleur des actrices s’accorde avec la crème des acteurs pour lui renouveler leur confiance, voici qu’il revendique « Mon Crime », et s’en remet une fois encore au verdict du public. Lire la suite

été 85

No blue sky

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« Voici que vient l’été, la saison violente
Et ma jeunesse est morte ainsi que le printemps
Ô Soleil c’est le temps de la raison ardente. »

Guillaume Apollinaire, la jolie Russe, 1917.

Cette année-là, les Cure chantaient « in-between days », la mer miroitait et les galets roulaient sur la plage du Tréport, l’été s’annonçait meurtrier à l’ombre des falaises de craie. Quelle année, cet été-là ! C’était l’« été 85 », et François Ozon s’en souvient comme si c’était hier. Il a retrouvé sa vieille caméra super 16 et sa pellicule à gros grain, quelques blousons vintage, un peigne à cran d’arrêt, et sur une étagère un coup de cœur littéraire signé Aidan Chambers. Are you ready to be heartbroken ? Lire la suite

GRÂCE à DIEU

Le servant écarlate

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« On lui amena aussi les petits enfants, afin qu’il les touchât. Mais les disciples, voyant cela, reprenaient ceux qui les amenaient. Et Jésus les appela, et dit : Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas ; car le royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent. »

Luc XVIII, 15-16

Depuis le haut de la colline, elle regarde la ville. La nuit, quand tout le quartier se fond dans le silence et l’obscurité, elle s’illumine, dominatrice et orgueilleuse. Mais aujourd’hui, Notre-Dame de Fourvière est sous les spotlights, et sa lumière fait tâche dans le regard des victimes d’un prêtre pédophile. Alors que Jean-Paul s’est toujours assis sur ces accusations, que Benoît a entamé le mea culpa, François entend faire le ménage, et Ozon se targue d’en faire un film. Il prend au mot son Primat des Gaules et, « Grâce à Dieu » les faits au cinéma ne sont pas encore prescrits. Lire la suite

L’AMANT DOUBLE

Mortel transfert

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« Bien sûr les jumeaux sont des cas dérangeants, fascinants et étranges – j’en ai connu à l’école – mais au cinéma ils ont le plus souvent été utilisés de façon dégradante, comme des monstres ou des saints. (…) La gémellité me paraît aussi une parfaite métaphore pour tous les rapports de couple, mari et femme, parent et enfant, qui sont intenses et claustrophobiques à la fois. »

David Cronenberg in Positif n°337, mars 1989.

François Ozon est un réalisateur qui aime donner de faux rendez-vous. Alors qu’il s’est fendu l’an dernier d’un remake d’un classique de Lubitsch en prenant des accents chabroliens, il renoue cette fois-ci avec son penchant provocateur et sème le trouble avec « l’Amant Double ». Lire la suite

FRANTZ

Vivons heureux en attendant la mort

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Je suis venu te dire…
Le plus pur est celui dont il ne reste rien !
Pas un cri, pas un mot, pas un marbre peut-être !
Le plus pur est celui qui veut bien disparaître,
Sans rien dire de lui au grand public humain !

Maurice Rostand, Les Insomnies, 1923

« Qu’est-ce que vous faites chez moi ? » demandait Charlotte Rampling à Ludivine Sagnier dans « Swimming pool ». Chez François Ozon, il y a souvent un intrus « dans la maison ». D’une certaine manière, c’est un peu le cas avec « Frantz », librement inspiré du magnifique mélodrame d’Ernst Lubitsch « Broken Lullaby », lui-même adapté d’une pièce de Maurice Rostand dont il faut absolument taire le titre. François Ozon serait-il lui-même l’intrus du cinéma français ?

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