FLANDRES

Terres brûlées

« Le bois dont l’homme est fait est si courbe qu’on ne peut rien y tailler de tout à fait droit. La nature ne nous impose que de nous rapprocher de cette idée. »

Emmanuel Kant, Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, VIème proposition, 1784.

On ne peut comprendre la raison d’être des hommes qu’à travers les paysages dans lesquels ils évoluent. De cela, Bruno Dumont en est résolument convaincu. Après sa tentation américaine à « Twentynine Palms », le voici de retour sur sa terre primitive, dans les austères « Flandres » qui furent son berceau, matrice de son inspiration cinématographique. « … Ces souvenirs chauffent mon sang, pénètrent mes moelles… » écrivait le poète Emile Verhaeren. Ils éclairent ici un nouveau chapitre de ses chroniques à l’état brut, pour assister à l’accouchement des sentiments à lueur des temps barbares. Lire la suite

SALVADOR

Profession reporter

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« Si vos photos ne sont pas assez bonnes c’est que vous n’êtes pas assez près. »

Endre Ernő Friedmann dit Robert Capa.

Pas un rayon de soleil vert, ni dentelles ni théières, pas une photo du bord de mer, le « Salvador » vu par Oliver Stone n’a pas grand-chose à voir avec celui d’Henri. Dans ce petit pays d’Amérique Centrale, coincé entre le Honduras et le Guatemala, ce serait plutôt junte militaire, exécutions sommaires et insurrection populaire dans le contexte troublé du début des années 80. Tandis que l’Oncle Sam tire les ficelles, le réalisateur, envoyé spécial, compte les points et ramasse les morts. Lire la suite

Le TOUBIB

Mauvais traitement

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« La mort est la seule chose au monde dont nous soyons sûrs. C’est une question de temps. »

Alain Delon, 2018.

En 1979, si on se rendait au cinéma pour y voir des hélicoptères fondre sur l’horizon, des soldats épuisés perdus en pleine cambrousse, des héros tourmentés qui s’interrogent sur le sens de la guerre et puis sentir du soir au matin le parfum brûlé des cadavres rôtis par un vent de napalm, deux choix se présentaient : on pouvait tenter le trip Viêt-Nam halluciné façon « Apocalypse Now », ou bien lui préférer carrément la Troisième Guerre Mondiale soignée par « le Toubib », prise en charge par Mister Pierre Granier-Deferre sous la houlette du Docteur Delon. Lire la suite

RAMBO : first blood

Medal of honor

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« Sur les routes, par des nuits d’hiver, sans gîte, sans habits, sans pain, une voix étreignait mon cœur gelé : faiblesse ou force : te voilà, c’est la force. Tu ne sais ni où tu vas, ni pourquoi tu vas, entre partout, réponds à tout. On ne te tuera pas plus que si tu étais cadavre. »

Arthur Rimbaud, mauvais sang, 1873

« Rambo. Compliqué, préoccupé, obsessionnel, trop souvent incompris. Si vous avez entendu parler de lui et que vous ne l’avez pas encore rencontré, il est sur le point de vous surprendre. »

David Morrell, Santa Fe, 2000.

Survivre à la guerre. La question s’est posée à tous ceux qui, harnachés, entraînés, équipés et armés, sont un jour partis en mission sur les points chauds de la planète. Combattre, échapper aux balles et aux explosions, déjouer les pièges de l’ennemi, s’infiltrer dans les tunnels, se faire prendre et tenir bon face à la torture, face aux plus atroces conditions de détention : tout ceci n’est qu’une partie de l’incroyable gageure relevée par les soldats envoyés au front. Tous ces périls, « Rambo » les a surmontés au Vietnam. Ce soldat d’exception, héros fictif né sous la plume de David Morrell, porté à l’écran par le canadien Ted Kotcheff, est devenu légende sous les traits de Sylvester Stallone. Pour lui, comme pour bien d’autres vétérans ayant versé le « Premier sang », le retour à la mère patrie n’est pas la garantie d’une éternelle reconnaissance.

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Le CHANT du LOUP

A la trace

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« Allo… Dimitri ? (…) Vous vous rappelez ce qu’on a dit en cas de problème avec la bombe ? La bombe, Dimitri. La bombe à hydrogène. »

Peter Sellers in « Doctor Strangelove », Stanley Kubrick, 1964

En surface, rien n’y paraît. Mais plusieurs dizaines de mètres sous les eaux, ça remue, ça vibre, ça résonne. C’est en-dessous, dissimulée dans les profondeurs océaniques, qu’est tapie notre force de dissuasion. Invisible et silencieuse, elle porte la mort. Antonin Baudry, qui a jadis navigué au sein du « Quai d’Orsay », s’y connaît en prédateurs sous-marins. Toujours à l’écoute du bruit du monde, cette fois il traque « le chant du loup ». Aidé de la fine fleur de la Marine Nationale, il filme en immersion ces soldats inconnus qui, pour que nous vivions heureux, vivent cachés.

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Les SENTIERS de la GLOIRE

Allons enfants…

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« Les lauriers de la victoire flottent à la pointe des baïonnettes ennemies. C’est là qu’il faut aller les prendre, les conquérir par une lutte corps à corps si on les veut. Se ruer, mais se ruer en nombre et en masse… Se jeter dans les rangs de l’adversaire et trancher la discussion à l’arme froide… Marcher vite, précédé de la grêle des balles… Une infanterie sur deux rangs fournit la puissance des feux et la facilité de la marche… »

Ferdinand Foch, De la conduite de la guerre, 1904.

« La Patrie, c’est le sang des autres » disait le critique et scénariste Henri Jeanson qui, au sortir de deux guerres plus meurtrières l’une que l’autre, avait développé une détestation certaine de la chose militaire. C’est assurément avec une même répulsion chevillée au corps que le jeune Stanley Kubrick s’attèle à l’adaptation de ce livre d’Humphrey Cobb découvert adolescent, « Les sentiers de la Gloire ». Les médaillés s’étranglent et la France jette l’anathème sur le brûlot. Mais on n’étouffe pas aussi aisément le cri des hommes qu’on assassine.

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Fahrenheit 9/11

… Et tu retourneras à la poussière.

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« Débris de gens du monde entier. United Colors of Babel. »

Frédéric Beigbeder, Windows on the World, 2003

C’était aussi un mardi. « 8h30. Le ciel est bleu mais personne n’en profite. » écrit encore Beigbeder. Et pour cause. Un point d’incandescence s’illumine sur la planète en cette année « 2001 » si redoutée par Herbert et Kubrick. L’anticipation rejoint la réalité lorsque deux avions de ligne détournés par des terroristes percutent les tours du World Trade Center. L’évènement inaugurait « l’ère la plus dangereuse que le monde ait connu » (selon les termes du grand prédicant Rumsfeld). Un nouveau siècle débute, placé sous le signe de la grande menace, l’avènement d’un Big Brother orwellien baptisé « Patriot act ». Mais c’est à un autre grand nom de la science-fiction, la plume éminente et éclairée de Ray Bradbury, que Michael Moore a choisi de porter la température de son fracassant documentaire « Fahrenheit 9/11 ». Lire la suite

Tu ne Tueras point

Sauve qui peut !

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Comme sorti du merveilleux « Silence » scorsesien, Andrew Garfield n’en finit plus d’interroger le ciel nippon, mais dans le bruit et la fureur de Celui qui lui intime « Tu ne tueras point », il s’égare. Par ce nouveau film plongeant sous le feu de la Guerre du Pacifique, le très pieux Mel Gibson n’entend pas nous rejouer le complet décalogue, mais une transposition de sa « Passion du Christ » pleine de compassion et d’hémoglobine. Lire la suite

AMERICAN SNIPER

 

Unforgiven

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Après les lourdeurs pachydermiques d’un biopic politique, et une petite récréation musicale finalement pas désagréable, Clint Eastwood se replace dans la ligne de mire de la polémique avec « American sniper ». De fait, il réveille les vieux démons réactionnaires qui indignaient en leur temps le landerneau de la critique et se plaisaient à fasciser à outrance son « Inspecteur Harry ». Les mêmes ressortent ici l’artillerie lourde pour faire feu à volonté sur celui qui a osé honorer le parcours d’un tireur d’élite des Forces Spéciales (« J’ai péché tout au long de ma vie. Quand je serai auprès de Dieu, je devrai lui parler d’un tas de choses. Mais tuer ces gens n’en fera pas partie. » déclarait de son vivant le vétéran, ce qui donne une idée du personnage), engagé qui plus est sur un terrain des plus mal considérés (la guerre en Irak dénoncée par Moore dans « Fahrenheit 9/11 »). Lire la suite