Avant de t’aimer

La vie en pente raide

« Croyez-moi, je me suis battue pour produire et pour diriger mes propres films. […] J’ai toujours nourri le désir de réaliser des films. »

Ida Lupino citée par Robert Ellis, in “Ida Lupino Brings New Hope to Hollywood”, Negro Digest, août 1950.

C’est presque un acte manqué. « Not Wanted » dit le titre du premier film réalisé par Ida Lupino. Au bout de trois jours de tournage, elle doit reprendre la caméra des mains d’Elmer Clifton victime d’une attaque cardiaque qui faillit réduire à néant les premiers balbutiements de la très jeune société The Filmakers qu’elle a fondée avec son mari Collier Young. On peut dès lors considérer ce film comme son premier « bébé », et ce même si c’est le nom du vieux Clifton qui s’affiche au poste de metteur en scène. Qu’importe la signature au bas du générique, « Avant de t’aimer » (puisque tel s’intitule le film sous nos contrées) est une œuvre déjà magnifique sur un grave fait de société, profondément empreinte de la personnalité d’Ida Lupino et portant en germe les motifs qui jalonneront sa carrière de réalisatrice. Lire la suite

Faire Face

La dame au gardénia

« Faire des films sur de pauvres êtres désemparés car c’est ce que nous sommes tous. »

Ida Lupino

Rester debout. La chose n’est pas si aisée lorsqu’on est une femme à Hollywood. Ida Lupino a passé sa carrière à tenter de lutter contre les injonctions, à ne pas se laisser imposer les lois du patriarcat des studios. Devenue indépendante en créant sa société de production, elle n’a pourtant jamais nourri la moindre rancœur envers les hommes comme le prouvent les films qu’elle a scénarisés et réalisés. Elle a toujours su « Faire Face », comme dans ce beau film qu’elle réalise pour la première fois sous son nom. Une réalisatrice à Hollywood, on n’avait pas vu cela depuis l’époque du muet, et on n’en reverra pas d’aussi talentueuse de sitôt. Lire la suite

BIGAMIE

La vie en double

« Je n’ai jamais rencontré Ida Lupino mais j’en ai toujours rêvé. »

Martin Scorsese, Mes plaisirs de Cinéphile, 1998.

Dans la myriade de personnages qui peuplent l’Ancien Testament, il en est un, plutôt méconnu, qui porte le nom d’Elkana. Connu avant tout pour être le père de Samuel, Elkana a l’étrange particularité d’être présenté comme bigame : il est marié à Anne qui est stérile, et en même temps à Peninnah qui lui donnera des enfants. Coïncidence (ou pas), c’est exactement la situation dans laquelle se trouve Harry, pris en flagrant délit de « Bigamie » dans un très beau film dirigé par Ida Lupino. Alors que la situation des plus embarrassantes aurait pu être tournée en dérision dans un vaudeville sans conséquence, la réalisatrice fait le choix de la traiter le plus sérieusement du monde, dans un mélodrame retenu, nappé des ombres du Film Noir. Lire la suite