A BOUT de SOUFFLE

Je vous salue Jean-Luc

« Pour moi, c’est le Bob Dylan du cinéma. »

Quentin Tarantino

Quand on évoque le nom de Jean-Luc Godard, même les béotiens du cinéma ont une idée de qui il s’agit. Pourtant, il va sans dire que ses films n’ont pas déplacé les foules et si trois titres phares trônent aujourd’hui au sommet de sa filmographie (« A bout de souffle », « le Mépris » et « Pierrot le fou »), ils ne représentent que la partie émergée de l’iceberg cinématographique que constitue sa carrière. « Je suis le plus connu des gens oubliés » a-t-il dit un jour. Connu pour avoir été un des ténors de la Nouvelle Vague, cette « bande à part », clique de gratte-papiers sortis des Cahiers qui a chamboulé totalement la manière de voir et de faire du cinéma en France. Le scénariste américain Phil Alden Robinson, à l’occasion de la remise d’un Oscar d’honneur en 2010, déclara que Godard avait « changé la façon d’écrire, de réaliser, de tourner, de monter. Il n’a pas seulement bouleversé les règles, il les a écrasées en voiture avant de repasser dessus en marche arrière pour être sûr qu’elles soient bien mortes. » Peut-on trouver plus belle définition du travail d’un cinéaste entré dans la légende son vivant, considéré de par le monde comme un authentique visionnaire. Réfugié derrière son masque de timidité, nul doute que Jean-Luc Godard accueillait ces louanges avec circonspection, lui qui n’a jamais cessé de penser le cinéma d’abord comme un concept abstrait (« les films on peut les voir, le cinéma on ne peut pas le voir » disait-il  au micro de Laure Adler sur France Culture). « Je ne sais pas écrire, je ne sais pas parler, tout ce que je sais c’est faire des films. Je ne sais rien faire d’autre. » Voici à quoi se résume l’insaisissable Jean-Luc Godard, cinéaste devenu immortel, et puis qui finit par mourir. Lire la suite

L’Armée des Ombres

Mauvais souvenirs, soyez pourtant les bienvenus

« Tu peux serrer dans ta main une abeille jusqu’à ce qu’elle étouffe. Elle n’étouffera pas sans t’avoir piqué. C’est peu de chose, dis-tu. Oui, c’est peu de chose. Mais si elle ne te piquait pas, il y a longtemps qu’il n’y aurait plus d’abeilles. »

Jean Paulhan, « l’abeille », Les Cahiers de la Libération, n°3, février 1944.

La France a connu bien des heures sombres. Le cinéma s’en souvient. Alors que les troupes d’Hitler défilent dans Paris, que le Maréchal Pétain accepte les conditions indignes d’un Armistice avec l’ennemi, avant de se voir octroyé les pleins pouvoirs par l’Assemblée Nationale, chez bon nombre de Français, l’espoir s’éteint. Des choix tragiques qui vont pousser certains à faire des choses dégueulasses. « Mauvais souvenirs, soyez pourtant les bienvenus… vous êtes ma jeunesse lointaine. » Cette phrase de Courteline, Jean-Pierre Melville choisit de la placer en exergue de son adaptation de « l’Armée des Ombres », un film immense porté par l’impérieuse nécessité de ne jamais oublier, de ne plus se taire sur la réalité de ce qui s’est fait ou ce qu’on a été contraint de faire. Lire la suite