La Dernière Séance

Et le rideau sur l’écran est tombé

« Je suis dévasté. C’était un grand et merveilleux artiste. Je n’oublierai jamais la première de « La Dernière Séance ». Je me souviens qu’à la fin de la projection, le public s’est levé (…) pour applaudir pendant quinze minutes… Qu’il repose dans la joie pour l’éternité, en savourant le moment exaltant de nos applaudissements pour toujours. »

Francis Ford Coppola.

Après Bertrand Tavernier, c’est donc une autre mémoire du cinéma qui s’efface. Chantre d’une Nouvelle Vague à l’américaine, il était aussi la mémoire du vieil Hollywood. Peter Bogdanovich avait côtoyé les plus grands : Hitchcock, Hawks, Ford, Lang et surtout Orson Welles dont il était l’ami. Puis il s’était à son tour lancé dans la réalisation : « J’étais entré dans un drugstore pour acheter du dentifrice, et en jetant un œil au présentoir contenant les livres de poche j’en ai vu un dont le titre était « The Last Picture Show ». J’avais trouvé ce titre intéressant. Au dos du livre était écrit : « La vie de jeunes garçons au Texas ». Ça ne m’intéressait pas, aussi je l’ai reposé. » C’est l’acteur Sal Mineo qui finalement refila le bouquin à Bogdanovich lorsque ce dernier tapait l’incruste sur le tournage des « Cheyennes », et c’est Polly Platt, l’épouse du réalisateur qui le lut et convainquit son mari de le porter à l’écran. Peter Bogdanovich finit par adapter le livre. Pas de Monsieur Eddy pour nous inviter à « la Dernière Séance », mais un magistral Ben Johnson dans le rôle de Sam « the Lion ». Lire la suite

Sale temps à l’hôtel El Royale

Incidents de frontière

BAD TIMES AT THE EL ROYAL

« J’entendis la cloche de la Mission
Et je pensai au fond de moi,
« C’est le paradis ou l’enfer »
Elle alluma alors une chandelle et me guida
Je perçus des voix au fond du couloir, il me semblait qu’elles disaient…»

The Eagles, Hotel California, 1977

Bienvenue à l’Hôtel El Royale ! Idéalement situé à la lisière du Nevada et de la Californie, partagé entre le chaud soleil de la côte Ouest et l’espoir d’une aventure à l’Est, ce charmant lieu à la décoration vintage et au confort sixties vous accueille pour un séjour de quelques heures en compagnie d’une poignée de clients de passage. Boissons et en-cas sont en libre-service dans le hall de l’établissement, ainsi que le juke-box dernier cri entièrement automatique qui vous permettra d’ambiancer les lieux selon votre humeur du moment. Vous trouverez toujours de la place à l’hôtel El Royale, « such a lovely place » dirait la bande à Glenn Frey, le réalisateur Drew Goddard s’en est assuré. Mais plus le temps passe, plus les nuages s’amoncellent et nous préparent un « sale temps à l’Hôtel El Royale », comme on en a peu vus récemment en salles.

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COMANCHERIA

Seuls sont les indomptés

comancheria 1

– Comment que ça dit, Tom ?

– Ça dit : « Deux valent mieux qu’un, car ils sont mieux payés de leurs peines. Car s’ils tombent, l’un aidera l’autre à se relever. Mais malheur à qui est seul. S’il tombe, il n’a personne pour le relever. » En voilà un bout.

John Steinbeck, Les raisins de la Colère, 1939.

Le Sud sent le chaud. Le soleil rasant de la fin de journée vient brûler l’ocre de la poussière qui se reflète sur les parois blanchâtres des caravanes cradoques posées sur des étendues arides du Texas. Le western n’est jamais aussi beau que lorsqu’il revêt ses couleurs crépusculaires et règne sur cette « Comancheria » vue à travers les yeux d’un Anglais tout juste sorti de prison. David McKenzie tapait « les poings contre les murs » dans son précédent film, comme pour dénoncer l’injustice sociale qui avait conduit ses personnages à l’ombre. Curieux de voir si les perspectives sont plus radieuses de l’autre côté de l’Atlantique, il a donc gagné cet Ouest lointain, troquant les barreaux du pénitencier contre des barbelés déroulés « along the road ». Lire la suite