JOKER

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« — Ce que je viens faire ici ? Je viens être terrible. Je suis un monstre, dites-vous. Non, je suis le peuple. Je suis une exception ? Non, je suis tout le monde. L’exception, c’est vous. Vous êtes la chimère, et je suis la réalité. Je suis l’Homme. Je suis l’effrayant Homme qui Rit. Qui rit de quoi ? De vous. De lui. De tout. Qu’est-ce que son rire ? Votre crime, et son supplice. Ce crime, il vous le jette à la face ; ce supplice, il vous le crache au visage. Je ris, cela veut dire : Je pleure. »

Victor Hugo, L’homme qui rit, Livre Huitième « le Capitole et son voisinage », 1869.

On a souvent tendance à croire que sous le maquillage d’un clown se dissimule un type qui ne manque pas d’air, un gars hilarant. La bonne blague. C’est en général le contraire. Le rire est une libération qui explose parfois de manière agressive, l’expression cathartique d’une époque qui n’est pas franchement à la rigolade. Comique, Todd Phillips l’a été, de « Very bad trip » en « Starsky & Hutch ». Comme parvenu à « Date Limite », son rire s’étrangle soudain dans celui du « Joker », célèbre fanfaron du crime des BD de Batman changé ici en sociopathe beaucoup moins drôle.

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Les frères SISTERS

Notre Père

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« Alors aujourd’hui, un western, c’est quoi ? Pour simplifier, on peut distinguer deux tendances. D’un côté un versant néo-classique – Appaloosa, Open Range – des films qui ont pour principe de réactiver une mythologie, avec une certaine révérence envers les archétypes, les paysages etc. Et de l’autre, l’approche d’un Tarantino : ironie, ultra-violence, application des codes de violence du cinéma contemporain sur le western. Nous sommes allés vers une troisième voie, il me semble : le western apaisé. »

Jacques Audiard

Depuis que chevaux et chapeaux sillonnent les vastes plaines du western américain, on en aura croisé des bandes de tueurs sanguinaires, des hordes sauvages assoiffées d’or et de sang. Au Far-West, la liberté se laisse conquérir plus aisément lorsqu’on la chasse à plusieurs. Aux tribus indiennes préexistantes se substitue peu à peu l’autorité clanique du colonisateur. Qu’ils s’appellent James, Earp, ou « les Frères Sisters » du film de Jacques Audiard, leur réputation fait immédiatement frémir celui qui essaierait tant bien que mal de leur barrer la route. Lire la suite

Inherent Vice

Docteur Strange Love

INHERENT VICE

« Je crois que je vais entasser mes affaires et acheter un pick-up
Descendre jusqu’à L. A.
Trouver un endroit qui soit chez moi et essayer de me remettre.
Commencer une toute nouvelle journée. »

Neil Young, out on the weekend, in « Harvest », 1972

Décidément peu adepte des modes de son temps, Paul Thomas Anderson s’autorise parfois un trip vers le passé, une taffe revigorante dans les glorieuses seventies, hippies et enfumées. Dix-sept ans après avoir narré les exploits filmiques d’un acteur bien membré dans « Boogie nights », le voici, dans la même décennie, aux basques d’un privé bizarrement luné pour « Inherent Vice ». Lire la suite

A Beautiful Day

A la masse

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« Je m’arrache de la fenêtre et parcours la chambre en chancelant ; je m’englue au miroir, je me regarde, je me dégoûte : encore une éternité. Finalement, j’échappe à mon image et je vais m’abattre sur mon lit. Je regarde le plafond, je voudrais dormir. »

Jean-Paul Sartre, La Nausée, 1938

« Hey Joe ! Où est-ce que tu vas avec ce marteau dans la main ? » Allez donc héler, tel Hendrix martyrisant sa Strato, cet ogre à la barbe hirsute, silhouette massive et encapuchonnée qui marche d’un pas décidé au-devant de ses ennemis. Il vous répondrait : « Je m’en vais fracasser le crâne d’une clique de gros dégueulasses qui aiment un peu trop la compagnie des petites filles », juste avant de vous souhaiter « A Beautiful Day ». C’est en tout cas ce que voudrait nous faire croire le titre « français » du nouveau film de Lynne Ramsay. Lire la suite

The IMMIGRANT

A nous la liberté

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« Vivre sans espoir, c’est cesser de vivre. » Fiodor Dostoïevski.

« Dans la douceur de la nuit, mon attitude se modifia et je commençai à comprendre l’Amérique : les gratte-ciels, les lumières gaies et étincelantes, les extraordinaires enseignes lumineuses m’emplirent soudain d’espoir et d’un sens de l’aventure. Voilà, me dis-je, c’est ici qu’est ma place. »

Charles Spencer Chaplin, histoire de ma vie, 1964.

L’histoire des mouvements de population est vieille comme le monde. Alors qu’ils sont aujourd’hui encore des milliers à naviguer vers l’espoir d’un avenir meilleur, quittant la terre qui les a vu naître pour une autre pas toujours prête à les adopter, ils n’étaient pas moins nombreux à se presser comme du bétail à l’entrée du port de New York dans les années 20, comme en témoignent les reconstitutions superbes que James Gray a composées pour « The Immigrant ». Lire la suite