VAMPIRES

Alive after death

« Au fond, tous les films fantastiques cherchent à exprimer les émotions humaines. Une créature venant de l’espace par exemple, symbolise la part de ce qu’est le mal en nous. Les vampires aussi sont les figures du mal humain. Il s’agit toujours de fabriquer des métaphores dans une forme plus populaire et divertissante. »

John Carpenter

Un soleil ardent, un désert à perte de vue, une végétation rare et une chaleur suffocante, les « Vampires » de John Carpenter n’ont visiblement pas choisi l’endroit le plus ombragé pour commettre leurs méfaits. On sait le réalisateur amateur de transgression, prompt à faire valser les codes, et il ne s’en privera pas dans cette adaptation du rugueux roman de John Steakley qui dépoussière le mythe en l’arrosant d’une bonne dose d’hémoglobine, d’alcool, de sexe et de « Bloody Sam ». La messe passe en mode western, et la chasse au mort-vivant promet des cris et de la terreur, mais surtout du sang et des armes. Lire la suite

The FOG

La baie des maudits

« Some of my best friends are ghosts. »
Dana Andrews dans « Rendez-vous avec la peur » de Jacques Tourneur, 1957.

« Hal Holbrook était un gentleman et un très bon acteur. J’ai profondément aimé le diriger, et partager une scène avec lui. Il va me manquer. »
John Carpenter, 3 février 2021.

« Vous pouvez revenir vers quatre heures, Bennett.
– Vous pouvez me payer, mon Père ?
– Revenez plutôt à six heures dans ce cas. »
Bennett, c’est John Carpenter. Il éteint une à une les lumières de l’église, à la fin du jour qui s’achève. Une époque est révolue. Dans cette scène, le Père Malone incarné par Hal Holbrook demande un peu de répit, encore un peu de temps pour régler ses dettes, avant de se fondre dans la nuit. Après une fort longue carrière qui l’a mené des « hommes du président » à la rencontre de « Lincoln », en passant par « Wall Street », « la Firme » et jusque « into the wild », le voici désormais emporté par les fantômes venus du large qui réclamaient leur dû il y a de cela plus de quarante ans maintenant. Et pour y voir un peu plus clair, minuit n’ayant pas sonné au clocher d’Antonio Bay, il est encore temps pour une dernière histoire. Il était un « Fog »… Lire la suite

The THING (1982)

A l’intérieur

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« Au moment où nous franchîmes la passe, les hautes régions du ciel étaient effectivement couvertes de vapeurs tourbillonnantes chargées de particules de glace, et il semble tout naturel qu’elles aient pu affecter d’étranges formes qui mirent en branle l’imagination enfiévrée de mon compagnon. »

H.P. Lovecraft, At the mountains of Madness, 1936.

« C’est le premier film qui m’a fait littéralement bondir hors de mon fauteuil. » Cette déclaration du réalisateur John Carpenter ne vaut pas pour sa version virale de « The Thing » mais bien pour « la Chose d’un autre monde », son modèle tant admiré signé Christian Nyby et son idole Howard Hawks. Il y a pourtant un océan qui sépare les patriotes du grand Nord repoussant la rouge invasion venue du ciel et les besogneux congelés dans leur base rudimentaire de l’Antarctique. La mutation opère, l’élève dépasse le maître, et le trouillomètre descend largement sous zéro.

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NEW YORK 1997

Borgne to be wild

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« Et garde-toi des bons et des justes ! Ils aiment à crucifier ceux qui s’inventent leur propre vertu, — ils haïssent le solitaire. »

Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, 1885.

« Snake Plissken symbolise surtout la liberté totale sans entrave, sans la moindre contrainte sociale. Il se fiche de tuer, de secourir des gens. Il est terriblement mauvais, terriblement innocent. Rien ne peut le changer, c’est un incorruptible. Tout ce qu’il désire, c’est vivre soixante secondes de plus. Il n’aime pas qu’on lui dise ce qu’il doit faire, ce qu’il doit considérer comme bien ou mal. »

John Carpenter in Mad Movies hors-série collection réalisateurs n°1, 2001.

Manhattan, vue sur la skyline, les tours jumelles du World Trade Center se dressent fièrement sur l’horizon. Soudain, un Boeing entre dans le champ de vision, fend le ciel au-dessus de l’Hudson River, à une si faible altitude qu’il ne peut que percuter les buildings qui lui font face. C’est alors que l’impensable se produit. John Carpenter a eu cette vision dans un chef d’œuvre crépusculaire. Il avait vingt ans d’avance. Pour lui, « New York 1997 » était un possible futur, pour nous c’est un traumatisme qui a bouleversé l’ordre du monde. 1997 c’est maintenant, et c’est pour toujours. Lire la suite

Halloween (2018)

Voici le temps de l’assassin

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– On est au cœur du Mal, mon commandant.
– On n’est pas là pour philosopher, Carpentier !

Bruno Dumont, P’tit Quinquin, 2014

Chaque année, à la même époque, lorsque les feuilles mortes se ramassent à la pelle et que les yeux des citrouilles s’allument au perron des chaumières, on ressort les mêmes épouvantails. Parmi ceux-ci, l’assassin masqué d’« Halloween » enfanté par John Carpenter s’impose comme la figure primordiale, dont le masque cryptique et livide est, au fil du temps, devenu objet d’étude, de frisson, de fascination, de vénération. H20 marquait le temps des retrouvailles en étreintes sanglantes, H40 sonne le glas des révélations tonitruantes. Balance ton masque Michael, on t’a reconnu. Fini d’aller tripoter les baby-sitters sous prétexte de friandises. Ni vu, ni connu, je t’embroche. Lire la suite

GHOSTS of MARS

Little Big John

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« C’est une planète brutale, c’est nous dans le futur. »

Alice Cooper

« Quand j’ai commencé à faire ce métier, c’était pour réaliser des westerns, c’est la raison principale pour laquelle je suis entré dans l’industrie du cinéma. » dit un jour John Carpenter. Et pourtant, pas un cavalier solitaire ne traverse les grands espaces au générique de « Halloween », pas un clairon de cavalerie ne sonne la charge à la rescousse de Snake Plissken. Il faudra que se réveillent les « Ghosts of Mars », aux confins de sa carrière, pour que Big John fasse la preuve qu’en vérité, il a toujours été à l’Ouest. Lire la suite

CHRISTINE

Pleins phares sur l’assassin

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Ma chérie conduit le dernier modèle de chez Cadillac
Ouais elle le fait !
Ma chérie conduit le dernier modèle de chez Cadillac
Elle m’a dit : « hey, ramène-toi, vieux !  »
« je ne reviendrais jamais !  »

Vince Taylor, Brand New Cadillac, 1959

La nouvelle avait fait grand bruit. Le 30 septembre 1955 à 17h59, James Dean succombait à ses blessures suite au crash de sa Porsche 550 à l’intersection de la 41 et de la 46 près de Cholame, Californie. Depuis, on ne compte plus les témoignages d’automobilistes ou de routiers qui, passant dans le coin, pensent avoir aperçu l’ombre de la voiture de sport les doublant par la gauche, ou avoir entendu le fracas de la collision porté par le vent. A ces légendes urbaines s’ajoute évidemment celle qui concerne l’épave de la « Little Bastard » numéro 130, dont les restes furent exposés au titre de la prévention routière et quelques pièces récupérées pour être greffées sur d’autres machines. Résultat des courses : deux jambes cassées pour George Barris qui en a racheté la carcasse, deux morts lors d’une compétition à Pomona sur des voitures utilisant ses reliques, un garage incendié, et pour couronner le tout, l’épave qui se volatilise alors que son propriétaire songeait à la broyer définitivement. A peu près au moment où la carcasse de la Porsche disparaît, sort flambant neuve des forges infernales de Detroit, une Plymouth Fury rouge pétant que l’écrivain Stephen King a décidé d’appeler « Christine ». Lire la suite

L’ANTRE de la FOLIE

Après moi le délire

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« La peur et l’horreur sont des émotions aveuglantes qui démantibulent nos échasses d’adultes et nous laissent dans le noir absolu, aussi désemparés que des enfants incapables de trouver l’interrupteur. »

Stephen King, Anatomie de l’horreur, chapitre 5.

« Do you read Sutter Cane ? » A cette question mieux vaut répondre par la négative sous peine de se retrouver le crâne fendu d’un coup de hache porté par un type en imperméable. Au mitan des années quatre-vingt-dix, John Carpenter a pris rendez-vous avec la peur, bien décidé à enfoncer les portes de la déraison. L’esprit aussi enfiévré que celui d’Howard Philip Lovecraft lors de son séjour à Brooklyn, il s’engouffre à corps et à cœur perdus dans « l’antre de la folie », vendant son âme au scénariste Michael DeLuca, accessoirement ponte de la firme New Line Cinema. Fini de jouer les hommes invisibles pour une relecture en demi-teinte du roman d’H.G. Wells, le réalisateur repart sur des chemins plus tortueux, retourne à des atmosphères plus sulfureuses. Moustache parfaitement affûtée et charge de guitares héroïques dès l’entame du générique, le voici bien décidé à titiller l’irrationnel à sa façon, à faire siennes ces contrées de l’épouvante écrites sur un plateau pour boucler ce qui ressemblera bientôt à un cycle apocalyptique entamé quinze ans plus tôt sous les glaces de l’Antarctique. Lire la suite