BONE TOMAHAWK

Du sang dans la plaine

« Bettinger avala une cuillerée de soupe.
– Ouais.
– Vous mangez épicé ?
– ça me maintient éveillé.
– J’y ai mangé une fois. C’était très bon, mais mon trou de balle m’a dit « jamais plus ». »

S. Craig Zahler, Exécutions à Victory, 2014

Quand on erre dans le désert, depuis trop longtemps, on finit par se retrouver le ventre creux. Pas un animal à portée de Winchester, pas le moindre gibier de potence à se mettre sous la dent. Seul veille le chant des tribus ancestrales porté par le vent, celles qui peuplaient jadis cette terre avant d’être effacées par la civilisation. A moins qu’il ne s’agisse d’un cri de ralliement, celui d’un prédateur vorace qui s’apprête à passer à table. La caméra dans une main, le « Bone Tomahawk » dans l’autre, c’est S. Craig Zahler qui régale. Dans la Vallée des Affamés, le repas est servi. Lire la suite

The THING (1982)

A l’intérieur

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« Au moment où nous franchîmes la passe, les hautes régions du ciel étaient effectivement couvertes de vapeurs tourbillonnantes chargées de particules de glace, et il semble tout naturel qu’elles aient pu affecter d’étranges formes qui mirent en branle l’imagination enfiévrée de mon compagnon. »

H.P. Lovecraft, At the mountains of Madness, 1936.

« C’est le premier film qui m’a fait littéralement bondir hors de mon fauteuil. » Cette déclaration du réalisateur John Carpenter ne vaut pas pour sa version virale de « The Thing » mais bien pour « la Chose d’un autre monde », son modèle tant admiré signé Christian Nyby et son idole Howard Hawks. Il y a pourtant un océan qui sépare les patriotes du grand Nord repoussant la rouge invasion venue du ciel et les besogneux congelés dans leur base rudimentaire de l’Antarctique. La mutation opère, l’élève dépasse le maître, et le trouillomètre descend largement sous zéro.

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NEW YORK 1997

Borgne to be wild

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« Et garde-toi des bons et des justes ! Ils aiment à crucifier ceux qui s’inventent leur propre vertu, — ils haïssent le solitaire. »

Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, 1885.

« Snake Plissken symbolise surtout la liberté totale sans entrave, sans la moindre contrainte sociale. Il se fiche de tuer, de secourir des gens. Il est terriblement mauvais, terriblement innocent. Rien ne peut le changer, c’est un incorruptible. Tout ce qu’il désire, c’est vivre soixante secondes de plus. Il n’aime pas qu’on lui dise ce qu’il doit faire, ce qu’il doit considérer comme bien ou mal. »

John Carpenter in Mad Movies hors-série collection réalisateurs n°1, 2001.

Manhattan, vue sur la skyline, les tours jumelles du World Trade Center se dressent fièrement sur l’horizon. Soudain, un Boeing entre dans le champ de vision, fend le ciel au-dessus de l’Hudson River, à une si faible altitude qu’il ne peut que percuter les buildings qui lui font face. C’est alors que l’impensable se produit. John Carpenter a eu cette vision dans un chef d’œuvre crépusculaire. Il avait vingt ans d’avance. Pour lui, « New York 1997 » était un possible futur, pour nous c’est un traumatisme qui a bouleversé l’ordre du monde. 1997 c’est maintenant, et c’est pour toujours. Lire la suite

Les 8 SALOPARDS

Wanted : Dead or Evil

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« Tous les réalisateurs ont leur superbe. Ce qui différencie Quentin, c’est le plaisir dingue qu’il prend chaque jour à faire du cinéma. »

Kurt Russell

Ce qui est blanc ne le reste jamais bien longtemps. Quelques gouttes de sang ont vite fait de faire tâche, de vous ruiner un costume, ou de vous discréditer auprès d’un public qui ne vous attendait pas ainsi maculé. Quentin Tarantino, ce briseur de codes invétéré, retourne au western pour mieux le tremper dans le seau putride du film d’horreur. Après « Reservoir dogs » et ses braqueurs à cran en quête de traître, après « Inglourious Basterds » et ses faux Nazis qui jouaient aux devinettes, il convoque les « Hateful Eight » en vase clos, et ce pour mieux les shooter au 70 mm. Lire la suite