ANTOINETTE dans les Cévennes

Seule two

« Qui voit les Cévennes, voit sa peine. »

Proverbe cévenol

En 1878, Robert Louis Stevenson, entreprit de traverser les Cévennes sous l’escorte de l’ânesse Modestine, histoire d’oublier un temps un vilain chagrin d’amour. Nombreux seront ensuite les aficionados de l’écrivain à chercher des îles aux trésors entre le Monastier et Sain-Jean-du-Gard, en mettant à leur tour leurs pas dans les siens, par admiration, par curiosité ou tout simplement par défi, qu’ils fussent eux-mêmes flanqués d’une mule ou bien porteur de sac à dos. Plus d’un siècle plus tard, c’est enfin Caroline Vignal, scénariste et réalisatrice, qui se décide à suivre livre en poche le même chemin, pour y trouver l’inspiration d’une comédie montagnarde qu’elle intitule « Antoinette dans les Cévennes ». Lire la suite

SIBYL

Au-dessous du volcan

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« Je sens qu’il faut toujours faire deux films avec une actrice, parce que pour le premier il y a une forme de pudeur liée à la rencontre. J’avais envie d’un autre film avec Virginie, où je pourrai lui demander beaucoup plus. »

Justine Triet in Les Cahiers du Cinéma n°755, mai 2019.

A l’origine, dans la Grèce antique, la sibylle est une femme qui lit dans l’avenir. En ôtant deux lettres à son prénom, Justine Triet la prive de ce pouvoir, ne l’autorisant à lire que dans l’esprit des autres. C’est son métier, « Sibyl » est psy. Mais à force de recueillir ces confessions sur canapé, se fend peu à peu la paroi qui sépare sa vie de celle des autres, pénétrant un territoire mental fascinant mais hautement sulfureux, qui entre en éruption dans un film sous influence. Lire la suite

Mademoiselle de Joncquières

Ô Marquis, si tu savais…

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Contre l’amour, voulez-vous vous défendre ?
Empêchez-vous de voir et d’entendre
Gens dont le cœur s’explique avec esprit,
Il en est peu de ce genre maudit,
Mais trop encore pour mettre un cœur en cendres,
Il en est peu de ce genre maudit.

Madame Deshoulières, Contre l’amour, XVIIème siècle

Il est de bien jolies fleurs qui ne se laissent aisément saisir, car elles sont en premier lieu destinées au simple plaisir des yeux. Mais le désir de certains hommes ne souffre qu’elles demeurent hors d’atteinte. Gare alors à l’épine invisible qui pourrait endolorir le hardi cueilleur. C’est peu ou prou de cette belle manière qu’illustre avec une infinie élégance Emmanuel Mouret lorsqu’il s’éprend de « Mademoiselle de Joncquières », une de ces belles dames du temps jadis, pièce centrale d’un échiquier autour duquel ne gravitent pas toujours les meilleures intentions. Le petit théâtre costumé est prêt à entrer en scène, que la fête commence ! Lire la suite

AVA

Les yeux noirs

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« Qu’est-ce donc que cette joie du premier soleil ? Pourquoi cette lumière tombée sur la terre nous emplit-elle ainsi du bonheur de vivre ? Le ciel est tout bleu, la campagne toute verte, les maisons toutes blanches ; et nos yeux ravis boivent ces couleurs vives dont ils font de l’allégresse pour nos âmes. Et il nous vient des envies de danser, des envies de courir, des envies de chanter, une légèreté heureuse de la pensée, une sorte de tendresse élargie, on voudrait embrasser le soleil. »

Guy de Maupassant, L’aveugle, 1882

Plonger dans le noir. Fermeture à l’iris, l’obscurité envahit l’écran, sans espoir de retour. Perdre la vue, c’est sans doute le cauchemar de tout cinéaste pour qui ce sens est, plus que tout autre, primordial. Dans une comédie pleine d’autodérision, Woody Allen s’en amusait follement, mais Léa Mysius, pour son entrée en long métrage, choisit une voie plus grave. Ce sera celle d’« Ava », héroïne indocile et ombrageuse qui, malgré sa cécité menaçante, n’a pas l’intention de nous faire verser une larme. Lire la suite