L’Armée des Ombres

Mauvais souvenirs, soyez pourtant les bienvenus

« Tu peux serrer dans ta main une abeille jusqu’à ce qu’elle étouffe. Elle n’étouffera pas sans t’avoir piqué. C’est peu de chose, dis-tu. Oui, c’est peu de chose. Mais si elle ne te piquait pas, il y a longtemps qu’il n’y aurait plus d’abeilles. »

Jean Paulhan, « l’abeille », Les Cahiers de la Libération, n°3, février 1944.

La France a connu bien des heures sombres. Le cinéma s’en souvient. Alors que les troupes d’Hitler défilent dans Paris, que le Maréchal Pétain accepte les conditions indignes d’un Armistice avec l’ennemi, avant de se voir octroyé les pleins pouvoirs par l’Assemblée Nationale, chez bon nombre de Français, l’espoir s’éteint. Des choix tragiques qui vont pousser certains à faire des choses dégueulasses. « Mauvais souvenirs, soyez pourtant les bienvenus… vous êtes ma jeunesse lointaine. » Cette phrase de Courteline, Jean-Pierre Melville choisit de la placer en exergue de son adaptation de « l’Armée des Ombres », un film immense porté par l’impérieuse nécessité de ne jamais oublier, de ne plus se taire sur la réalité de ce qui s’est fait ou ce qu’on a été contraint de faire. Lire la suite

100 000 dollars au soleil

Les copains d’à bord

« Mon regret, c’est de ne pas avoir dirigé John Wayne, Clark Gable ou Spencer Tracy, mais j’ai eu la chance de travailler avec Jean-Paul Belmondo, qui, à lui seul, les résume tous. »

Henri Verneuil

 « Rien ne l’arrête, c’est une Berliet ! »

Slogan publicitaire, 1924

La mort rôdait depuis un moment, attendait patiemment son heure et puis, hop ! un coup de vent, et Belmondo s’effondre, « à bout de souffle ». La poisse pour Poiccard, il est parti « l’As des as », « Qu’est-ce que c’est dégueulasse. » Il est parti le cascadeur, le Morfalou, « le Guignolo », « Le Magnifique », « L’Animal ». Belmondo, c’était pourtant un sacré « Professionnel », dans les airs, sur les mers, sur les routes de partout et d’ailleurs, il était tout-terrain le Jean-Paul. Sur la route de Ouarzazate, dans les années 60, c’est l’embouteillage des tournages : Des cavaliers de Sir Lawrence aux 40 voleurs d’Ali Baba, en passant par les chars de « Patton », le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on aura vu passer du monde. Henri Verneuil s’insère dans la circulation, avec ses trois poids lourds sur l’affiche : Blier, Lino et Bébel bien-sûr, en route pour déposer « Cent mille dollars au soleil ». Lire la suite

MARIE-OCTOBRE

Les 10 salopards

marie-octobre-1

« A la Libération, le Comité d’épuration me convoqua. Je rencontrai Decoin dans un couloir. Il m’embrassa et me demanda, très étonné, ce que je faisais là. Je répondis que je n’en avais pas la moindre idée. « Mais c’est idiot, tu n’as rien à te reprocher. Rentre chez toi. Je m’occupe de ton dossier, si tu en as un. » Je suis repartie et je n’ai plus jamais entendu parler de rien. »

Danielle Darrieux, Danielle Darrieux : filmographie commentée par elle-même, Ramsay, 2003.

Vienne la nuit, sonne l’heure. Sur la route qui rejoint le domaine de la Chênaie, le gong lointain de Radio Londres, et quelques accords du Chant des Partisans se  font entendre, encore, à la nuit tombée, dans le brouillard de l’après-guerre. Ils seront neuf survivants à se retrouver, répondant à l’appel de « Marie-Octobre » tandis que, dissimulé derrière le paravent du décor, Julien Duvivier place ses pions sur l’échiquier du psychodrame. Lire la suite