SENSO

L’amant diabolique

« Il n’y a guère que le sadisme qui donne un fondement dans la vie à l’esthétique du mélodrame. »

Marcel Proust

1866, la terre tremble en Italie. Le peuple se réveille, se soulève contre l’occupant autrichien. Une nation trop longtemps morcelée, dominée, renaît peu à peu de ses cendres, prend les armes pour conduire son destin. Au cœur du tumulte, une aristocrate vénitienne, la Comtesse Livia Sarpieri, confie dans son journal les feux de la passion qui la brûlent, déchirée entre sa fibre nationaliste et une obsession sans issue pour un jeune officier ennemi. La symphonie du mélodrame sur fond historique chante jusqu’aux oreilles de Luchino Visconti, encore sous le charme des arias de la Callas qu’il avait admirée peu auparavant depuis sa loge de la Scala. Le cinéma devient alors pour lui le parfait médium pour exalter la grâce, la puissance et la gloire du spectacle total, celui de la vie (« la vie est un champ de bataille » disait-il), de ses drames intimes et de ses tragédies grandioses. Ce fut l’avènement de « Senso », première grande fresque en costume signée du Prince de Modrone dont les immenses tableaux en couleur se consument avec toujours autant de violence et de passion. Lire la suite

LUDWIG ou le crépuscule des dieux

Elle et Louis

« J’étais cette nuit un empereur
En rêve seulement, certes,
Et en plus, un empereur sage
Comme il y en a sans doute peu »

Elisabeth de Wittelsbach dite Sissi, Poèmes, 1887.

« Ah non, pas Sissi ! » Romy Schneider était sortie froissée d’une interview par un journaliste français qui l’avait un jour ramenée à ce rôle de jeunesse. En venant en France, elle pensait pourtant avoir laissée l’impératrice derrière elle, poignardée pour de bon. Puis, grâce à Delon, elle rencontra Luchino Visconti qui lui remit finalement le pied à l’étrier. C’est en cavalière vêtue de noir, comme portant le deuil de son immense célébrité, que réapparait Elisabeth d’Autriche, une valkyrie moderne, impressionnante et indépendante, qui mettra son cousin « Ludwig » face à son destin. Lire la suite

MORT à VENISE

Dernier soupir

« Je veux tout affronter avec passion, car il faut toujours brûler de passion quand on affronte quelque chose. C’est pour ça que nous sommes ici-bas. Pour brûler jusqu’à ce que la mort, le dernier acte de la vie, vienne compléter cette œuvre et nous transformer en cendres. »

Luchino Visconti

Luchino Gastel, neveu et filleul de Visconti, se souvient du cérémonial qui présida aux derniers instants du réalisateur. Il raconte que, sur son lit de mort, alors qu’il sentait ses dernières forces l’abandonner, celui-ci demanda à entendre la troisième symphonie de Brahms, œuvre qu’il aimait par-dessus tout. Ainsi la beauté et la grâce accompagnèrent son entrée dans l’au-delà. Luchino Visconti n’est donc pas « Mort à Venise », sur une plage, comme dans le texte de Thomas Mann qu’il a brillamment adapté mais, jusqu’à son dernier souffle, il aura mis en scène sa vie, aussi magnifiquement qu’il avait su mettre scène ce roman. Lire la suite