Oxygène

Mortal recall

« Ses congénères l’ont refroidie
Ses congénères crient au génie
Dans le doute ils se vantent
Réinventent la valériane »

Alain Bashung, 2043 in « Fantaisie militaire », 1998.

Au cinéma comme en peinture, le cadre se prête aux grands panoramas autant qu’à l’art du gros plan. Certains metteurs en scène investissent l’immensité des paysages, d’autres préfèrent les univers étroits, propices à des intrigues plus confinées. C’est le cas d’Alexandre Aja qui, après que ses crocodiles ont nagé le « Crawl » dans une maison de Floride, décide pour le compte de Netflix de lâcher des rats dans un caisson de congélation en compagnie de Mélanie Laurent, puis observe le résultat. Phobiques des rongeurs et claustrophobes de tout poil sont avertis : avant de pénétrer dans cet espace SF bas de plafond, mieux vaut prendre une grande respiration sous peine de manquer d’« Oxygène ». Lire la suite

The GRAND BUDAPEST HOTEL

Un Air de Panache

« On peut se sacrifier pour ses propres idées, mais pas pour la folie des autres. »

Stefan Zweig, La Contrainte, 1927.

Dans la famille très encombrée des Anderson qui occupent le premier plan du cinéma actuel (qui va de P.T. à P.W.S.), Wes est sans doute celui qui possède l’identité visuelle la plus remarquable. « The Grand Budapest Hotel » répond en effet à tous les critères de reconnaissance imposés par sa marque de fabrique : comédie à l’humour très cérébral, goût prononcé pour les décors miniatures et les looks surannés, couleurs criardes, scénario foisonnant trempé dans une loquacité sophistiquée doublé d’un sens très astucieux des mouvements d’appareil. C’est grosso modo autour de ces quelques termes que se définit le petit monde de Wes Anderson. Lire la suite

J’ACCUSE

L’honneur d’un capitaine

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« – En tous cas, si ce monsieur Dreyfus est innocent, interrompit la Duchesse, il ne le prouve guère. Quelles lettres idiotes, emphatiques, il écrit de son île ! Je ne sais pas si M. Esterhazy vaut mieux que lui, mais il a un autre chic dans la façon de tourner les phrases, une autre couleur. Cela ne doit pas faire plaisir aux partisans de M. Dreyfus. Quel Malheur pour eux qu’ils ne puissent pas changer d’innocent. »

Marcel Proust, la recherche du temps perdu, tome 3 « le côté de Guermantes », 1920-21.

Cette année, le cinéma n’en finit plus d’agiter l’opinion. Après le problématique « Joker » qui souffle sur les braises du malaise social ambiant, un autre lauréat de la Mostra vénitienne vient secouer le monde médiatique suite à de nouvelles révélations à charge. « J’accuse » clame le titre du film de Roman Polanski, comme une réplique, un pavé jeté dans la mare croupissante de l’antisémitisme latent qui éclabousse notre époque. Depuis, Venise est engloutie sous les eaux, les médias s’indignent, les ligues se déchaînent, le tribunal populaire rend sa justice, et Polanski en prend pour son grade. Mais qui sauvera l’honneur de son magistral réquisitoire ?

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Le GRAND BAIN

Avant de toucher le fond

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« Il faut avoir oublié le beaucoup, pour l’amour de l’important. »

Rainer Maria Rilke

Les ronds, c’est pas carré, ce n’est pas une découverte. Gilles Lellouche ne revendique d’ailleurs aucunement la paternité de cette observation lorsqu’il met les formes pour nous plonger dans « Le grand bain » avec sa sympathique troupe de nageurs non-professionnels. Le regard dissimulé derrière l’œilleton, il pousse tout son petit monde à l’eau histoire de voir si le principe d’Archimède a encore la force de repêcher les cabossés de la Terre. Lire la suite