La Femme Infidèle

« Les rois devraient être immortels »

« La mort ne surprend point le sage ;
Il est toujours prêt à partir,
S’étant su lui-même avertir
Du temps où l’on se doit résoudre à ce passage. »

Jean de la Fontaine, La Mort et le Mourant, livre VIII, 1678.

Ces vers qu’il prononçait de sa voix vieillissante, usée, étouffée, il ne les dira plus. On disait de Michel Bouquet qu’il avait le « sens du silence », un silence qui en imposait assurément et qui, lorsqu’il est parti, a envahi les planches, les coulisses, et les plateaux de tournage. Dans le souvenir de ceux qui l’ont vu, et plus encore dans celui de ceux qui l’ont connu, cette « voix de cerveau » (selon les mots de Denis Podalydès) résonnera à jamais, à travers « Nuit et Brouillard ». Elle continue de servir ses auteurs préférés, les Ionesco et les Pinter, les Anouilh et les Beckett, et puis Molière évidemment. Elle ne perdra jamais rien de son charme discret dans l’incarnation de la bourgeoisie rance qui faisait le miel des films de son grand ami Claude Chabrol. Avant de finir saucé par le « Poulet au Vinaigre », il fut d’abord son Charles, le mari trompé de « la Femme infidèle », le regard rempli d’amour pour les beaux yeux gris de Stéphane Audran, à propos de laquelle il disait noblement : « je ne tourne pas avec la femme du metteur en scène, je tourne avec une actrice remarquable ». Lire la suite

La PISCINE

Vers le bleu

« Je décide de demander à Jean-Claude Carrière, le scénariste de Pierre Etaix, de Bunüel, de Louis Malle, d’écrire le script. Qui peut mieux que lui, me semble-t-il, traduire l’ambiguïté des personnages dans ce huis-clos. Il me donnera plus : je découvre, très vite, un merveilleux complice. »

Jacques Deray, J’ai connu une belle époque, 2003.

Avant de n’être que le brave artisan chargé de façonner quelques véhicules de gloire pour les vedettes du cinéma français, Jacques Deray réalisait « la piscine ». C’est à cette occasion qu’il fit la connaissance de Jean-Claude Carrière, un « conteur » immensément talentueux qui deviendra son partenaire durant cinq films. « C’est un homme de style » disait le scénariste à propos du metteur en scène, témoignant d’une amitié sincère qui les liera sur des projets communs près d’une décennie durant : « Borsalino », « Le Gang », « un homme est mort », « un papillon sur l’épaule », sans compter bien sûr ce grand rectangle bleu arrosé de soleil. Lire la suite

PLEIN SOLEIL

Reflets dans un œil d’or

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« Là où nous sommes, il y a des poignards dans les sourires des hommes.»

William Shakespeare, Macbeth, 1623.

Si le cinéma paraît à bien des égards comme une folle aventure, la vie réserve aussi parfois d’étranges destinations. Maïténa Douménach se préparait à entrer dans les ordres quand, à la faveur d’un concours de circonstance, elle devint actrice sous le nom de Laforêt (je vous salue Marie). C’est Louis Malle qui d’abord l’a priée, mais ce seront finalement deux mâles qui lui mettront le grappin dessus, deux fauves parmi les plus racés de ceux qui peuplaient alors la jungle du cinéma français. La voilà enfin exhibée, en « Plein Soleil », sous l’objectif de René Clément, coincée entre Ronet et Delon qui se livrent un duel de regards couleur Méditerranée. Lire la suite