MANK

Ars gratia artis

« Si l’on se demande comment se fait qu’Herman J. Mankiewicz, qui a écrit le film que beaucoup de gens pensent être le plus grand film qu’ils aient jamais vu, est presque inconnu, la réponse doit certainement être non seulement qu’il est mort trop tôt, mais qu’il s’est dupé lui-même. »

Pauline Kael, Raising Kane, New Yorker, février 1971.

Son nom est Orson Welles. Il est inscrit dans toutes les anthologies du cinéma pour être l’auteur du plus grand film de tous les temps, « Citizen Kane ». Pour avoir écrit le scénario de ce chef d’œuvre, il remporta la prestigieuse statuette dorée offerte par l’Academy of Motion Picture and Science, récompense qu’il partagea avec un certain Herman J. Mankiewicz, autrement connu sous le diminutif « Mank ». C’est à cet homme de l’ombre, ainsi qu’à son propre père, que David Fincher rend hommage en réalisant ce film, une traversée du miroir vers la face sombre du fastueux âge d’or hollywoodien. Lire la suite

The IRISHMAN

Confessions d’un homme dangereux

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« Quand on commence à vieillir, l’âge se fait sentir, on ne peut plus faire semblant de l’ignorer. Combien de temps a-t-on encore devant soi ? »

Martin Scorsese, Première n°500, octobre 2019.

On le pensait rangé des monastères, réduit au « Silence ». Que devient Martin Scorsese ? Il paraît qu’il repeint des maisons. C’est en tout cas ce que nous dit le film qu’il consacre à « the Irishman », tueur de la pègre frayant dans l’entourage de Jimmy Hoffa, le syndicaliste remuant effacé au mitan des seventies. Dans sa fresque ambitieuse de plus de trois heures et demie, il sort quelques icones de leur retraite, cherche à lutter contre l’Alzheimer du cinéphile, quitte à signer un pacte avec le diable de la vidéo à la demande. Lire la suite

ROMA

Et le ciel, et la Terre

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« I have been here before,
But when or how I cannot tell:
I know the grass beyond the door,
The sweet keen smell,
The sighing sound, the lights around the shore. »

Dante Gabriel Rossetti, Sudden light, 1863

« Rien ne dure sans fin ; nul souvenir, si intense soit-il, qui ne s’éteigne. »

Juan Rulfo, Pedro Páramo, 1955

Trouver le lien qui unit le ciel et la terre, ce fil invisible qui met l’homme en résonnance avec le cosmos, avec les forces invisibles de l’univers, telle semble être la quête métaphysique conduite par Alfonso Cuarón à travers son cinéma. Pour ce faire, il explore tous azimuts, tout droit vers « les grandes espérances » ou dans un futur sans perspective (« les fils de l’homme »), dans les arcanes d’un monde magique (« le prisonnier d’Azkaban »), se projète en orbite, aux frontières du néant (« Gravity »), avant de revenir en ce bas monde. Cuarón a fait le tour de la terre, et c’est désormais le cercle de l’intime qu’il referme, à l’aventure de ses souvenirs, au cœur des douleurs et des bonheurs passés. « Amarcord » disait Fellini, alors il se souvient de sa « Roma ». Lire la suite

ANNIHILATION

Les couleurs tombées du ciel

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« Cette vie future a commencé à notre insu, quand loin de notre corps, intouchables et transparents, nous apparaissons défigurés dans les rêves de nos proches ou dans les chambres inconnues. Nous entrons sans un bruit, et dans cette vie de l’autre côté du miroir (où sept ans de malheur ne durent pas plus que quelques secondes) nous sommes déjà des ombres, comme celles qui plus tard espaceront leurs visites avant de disparaître tout à fait ? »

Gérard Macé, Vies antérieures, 1991.

Qu’y a-t-il dans la Zone pour qu’elle reste à ce point un secret si bien gardé ? « I don’t know » répondrait Natalie Portman qui, telle le Stalker du bouquin des Strougatski, sera notre guide par-delà le rideau moiré de « Annihilation », film aux frontières fuyantes signé du britannique Alex Garland.
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