La CHAIR et le SANG

Le temps des croyants

« Personne ne punit avec rage et dégoût la brutalité, la sauvagerie, la barbarie, l’injustice. Nul demain ne s’avisera de trouver obscènes les bonnes gens qui viendront regarder mes tressautements dans les flammes. »

Marguerite Yourcenar, L’œuvre au noir, 1968.

En voyant les œuvres de Léonard, de Michel-Ange, on a tendance à croire que l’automne du Moyen-Âge annonçait une époque de lumière et un éveil radieux à la beauté. Mais à l’aube du XVIème siècle en Europe de l’Ouest, le règne ténébreux des guerres, des épidémies et de la superstition n’est pas révolu, la mort réclame sa dîme, elle se repaît de « la Chair et le Sang » sans distinction d’âge, de fortune ou de sexe. C’est ainsi que le cinéaste Paul Verhoeven dépeint ce temps traversé par la peste et par une fièvre mystique, dans un film qui, selon l’historien Johan Huizinga, « sent à la fois la rose et la merde ». Lire la suite

TOTAL RECALL

Better call Rekall

« Quand les autres gamins jouaient au ballon, je n’avais qu’une envie, c’était de leur prendre le ballon et de le jeter dans la rivière. C’était mon jeu à moi. Je trouvais ça drôle de perturber le jeu, de tout changer. »

Paul Verhoeven, cité dans « Paul Verhoeven » de Douglas Keesey et Paul Duncan, Taschen, 2005.

Dès 1966, Philip K. Dick avait des « souvenirs à vendre », mais personne pour les acheter. Je me souviens que Ron Shusett, quelques années plus tard, s’en est payé les droits pour une poignée de dollars. Je me souviens qu’un scénario signé Dan O’Bannon passa de main en main avant de finir dans celles de Mario Kassar et d’Arnold Schwarzenegger. Je me souviens que Paul Verhoeven en a tiré un film sous un titre éclatant : « Total Recall ». Que de souvenirs ! un véritable rêve de cinéma. Ou peut-être ne sont-ils que le souvenir d’un rêve… Mais qui rêve quoi exactement ? Lire la suite

SHOWGIRLS

La nouvelle Eve

« J’ai été éreinté tellement de fois dans ma vie qu’on ne peut plus vraiment me toucher avec ça. Naturellement, c’est toujours plus agréable de s’entendre dire qu’on est un génie et que tout ce qu’on fait est magnifique. Mais je suis sûr que, pour un artiste, il vaut sans doute mieux, au bout du compte, se trouver de l’autre côté. L’hostilité vous pousse dans des zones inexplorées de votre âme, beaucoup plus que si l’on vous dit que ce que vous faites est très bien. Finalement, je devrais remercier tous ceux qui disent que mes films sont nuls. »

Paul Verhoeven

Prenez une jeune femme blonde à la plastique séduisante, jetez-là nue dans le grand bain bouillant de la cité du péché, ajoutez les néons, l’ambition, la musique racoleuse et les chorégraphies obscènes, une poignée de mâles en rut qui se lèchent les babines et se vautrent dans l’excès, et vous obtenez une comédie musicale d’un genre nouveau, qui met l’Amérique à poil sans même qu’elle s’en rende compte. C’est tout le pari de « Showgirls », longtemps le plus mal-aimé des films de Paul Verhoeven, un de ceux qui en mettent plein la vue au point de vous piquer les yeux. Lire la suite

Le QUATRIEME HOMME

La sorcière rouge

« Les trois éléments les plus importants sur terre sont le sexe, la violence et la religion. On peut peut-être se demander d’ailleurs pourquoi on ne s’en inspire pas davantage. »

Paul Verhoeven

Saint Paul, dans ses épîtres, avait pour habitude de dire que les voies de Dieu sont impénétrables. Tout est question d’orientation. « Je ne sais pas comment Dieu fait arriver les choses, je sais seulement qu’il les accomplit à travers moi » dit d’ailleurs sœur « Benedetta » dans le film de Paul Verhoeven. A l’occasion d’un ultime virage serré en terre batave, le réalisateur hollandais s’intéressait déjà à ces manifestations mystiques dont est en proie le « Quatrième Homme », issu d’un roman signé Gerard Reve. Il changeait alors le thriller narquois en manifeste blasphématoire aux franges du fantastique, manipulait les images au gré d’obsessions qui ne le quitteront plus durant les années qui suivront : le sexe, la foi et la violence pris dans un même vertige d’ambiguïté. Lire la suite

BENEDETTA

La chair et le sein

« J’ai toujours été très intéressé par les comportements sexuels. Qui ne l’est pas ? »

Paul Verhoeven

Il en aura mis du temps. Tourné voilà maintenant près de trois ans, « Benedetta », le tant attendu film de Paul Verhoeven, monte enfin les marches du Palais des Festivals avec son cortège de souffrance, de violence, d’exaltation et de polémique en puissance. Ce véritable chemin de croix parcouru par le film et son réalisateur n’ont fait depuis qu’attiser les attentes, exciter les espérances d’un landerneau critique chauffé à blanc par une simple affiche. Alors, Verhoeven, touché par la grâce de Dieu ou lubrique manipulateur ? Lire la suite