Le PORT de la DROGUE

L’affaire est dans le sac

« Fuller était le plus franc des contrebandiers des fifties, aucune idéologie n’échappait aux mailles de son filet. L’hypocrisie des Etats-Unis constituait sa cible permanente et ses héros étaient souvent difficiles à distinguer des méchants. »

Martin Scorsese, A Personal Journey with Martin Scorsese Through American Movies, 1995.

Si comme Jean-Paul Belmondo dans « Pierrot le fou » vous avez « toujours voulu savoir ce que c’était exactement qu’le cinéma », il suffit de demander à Samuel Fuller qui vous répondra en quelques mots improvisés : « l’amour, la haine, l’action, la violence et la mort. » On trouvera tout cela dans « le port de la drogue », ou bien « Pick up on South Street » selon que vous soyez plutôt schnouf ou microfilm. Pas une seule ligne de coke pourtant dans le scénario d’origine, mais une clique de cocos qui transpirent à grosses gouttes dans l’Amérique de McCarthy. Ce qui ne change pas en revanche, c’est qu’il y a de l’argent à se faire et dans ces moments-là, Richard Widmark n’est jamais loin. Lire la suite

Les FORBANS de la NUIT

Panique dans la rue

« Ce film a beaucoup compté pour moi en ce qui concerne le contexte et l’ambiance de « Mean Streets ». Il contient une bonne charge de violence émotive. Richard Widmark est en proie à ses obsessions, c’est un arnaqueur qui court toute la nuit, paniqué, désespéré – comme Charlie dans « Mean Streets ». Et il se retrouve ruiné, comme Charlie, sa perte inscrite sur le visage. »

Martin Scorsese, Martin Scorsese’s guilty pleasures in Film Comment, septembre/octobre 1978.

« Tout m’afflige et me nuit et conspire à me nuire. »

Jean Racine, Phèdre, Acte I, scène 3, 1677.

Dans la carrière de certains cinéastes américains, il y eut le temps de faire, et il y eut le temps de fuir. Pour Losey, Berry et d’autres parmi lesquels Jules Dassin, l’étau s’est resserré sous l’ère MacCarthy. Les portes se fermèrent, et les amis trahirent. A l’ouverture de la chasse, Dassin sent monter le rififi. A Londres, un film l’attend, « ce sera peut-être le dernier » dit l’oracle Zanuck. Il n’en sera rien, fort heureusement. Mais « les Forbans de la Nuit » est assurément son ultime film pour la Fox. Un film exilé, tragique et sombre, désespérément magnifique. Lire la suite

PANIQUE dans la RUE

Le port de l’angoisse

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« – Naturellement, vous savez ce que c’est, Rieux ?
– J’attends le résultat des analyses.
– Moi, je le sais. Et je n’ai pas besoin d’analyses. J’ai fait une partie de ma carrière en Chine, et j’ai vu quelques cas à Paris, il y a une vingtaine d’années. Seulement, on n’a pas osé leur donner un nom, sur le moment… Et puis, comme disait un confrère :  » C’est impossible, tout le monde sait qu’elle a disparu de l’Occident. » Oui, tout le monde le savait, sauf les morts. Allons, Rieux, vous savez aussi bien que moi ce que c’est…
– Oui, Castel, dit-il, c’est à peine croyable. Mais il semble bien que ce soit la peste. »

Albert Camus, La Peste, 1947.

Aujourd’hui comme hier, il peut être compliqué pour un acteur de varier les plaisirs. Afin de rompre avec les rôles de truand croisés au « Carrefour de la Mort », c’est auprès d’Elia Kazan que Richard Widmark est allé chercher secours. « C’est le meilleur directeur d’acteurs qui existe » confiait-il à Ciment et Tavernier dans les colonnes de Positif. Les deux hommes se connaissent bien pour avoir foulé ensemble les planches du théâtre, et c’est en faisant de lui un honorable père de famille, au bras de Barbara Bel Geddes, portant fièrement l’uniforme d’un officier responsable du service sanitaire du port de la Nouvelle Orléans, que Kazan entend profondément modifier son image. Fini le délire fiévreux du tueur à demi-psychopathe, voici Widmark rhabillé pour sauver l’humanité et, tel Brad Pitt en pleine « World War Z », il tente de mettre la main sur le patient zéro pour éviter la « Contagion », et la « Panique dans la Rue ». Lire la suite