Françoise HARDY (1944 – 2024)

Tant de belles choses

« Et si je m’en vais avant toi
Dis-toi bien que je serai là
J’épouserai la pluie, le vent, le soleil et les éléments pour te caresser tout le temps »

Françoise Hardy, et si je m’en vais avant toi, 1972.

Elle nous y avait préparés de longue date, et pourtant l’annonce de sa mort fait l’effet d’une « balle au cœur ». Françoise Hardy est montée dans son « train spécial », a donc pris « le large », comme annoncé dans ce titre clipé par François Ozon, l’un de ses plus fervents admirateurs. Elle chantait ses rêves dans la langue de Fassbinder le temps d’une scène de « gouttes d’eau sur pierres brûlantes », puis accompagnera Isabelle, « Jeune et Jolie » Marine Vacth soufflant ses 17 bougies et la fin de l’innocence. Mais surtout, elle permettra à Isabelle Huppert de délivrer au piano un « Message Personnel » aux « Huit Femmes » réunies dans le même film. Quoiqu’il en soit, au bout du téléphone, il y avait sa voix, et les mots que je ne dirai pas, « Tous ces mots qui font peur quand ils ne font pas rire, qui sont dans trop de films, de chansons et de livres. » Mais si tu…

Comment dire adieu à Françoise Hardy, autrice d’une collection de chansons, de petites merveilles pop et de ballades mélancoliques, parmi les plus belles que la langue française nous ait offertes ? En repensant peut-être, d’abord à ce vieux Scopitone tourné sur une fête foraine par Claude Lelouch pour « tous les garçons et les filles ». On y lisait la tristesse d’une jeune fille se sentant différente, hors du coup, enviant le bonheur des jeunes gens de sa génération tout en traçant son chemin de solitude. Ses chansons évoquent la rupture, la mélancolie, le spleen sur un air désespéré, le temps qui assassine. « J’ai simplement l’isolement de l’introvertie, expliquait-elle encore dans le Monde en 1996. Sergio Leone, en comparant son œuvre avec celle de John Ford, disait : « Dans ses films, on ouvre les fenêtres. Dans les miens, on ferme la porte, et si on l’entrouvre, on risque de prendre une balle entre les deux yeux. » j’ai toujours vécu dans les tourments de la passion que je me suis moi-même créée. » « Ma jeunesse fout le camp » chantait-elle encore en pleine fleur de l’âge.

Mais Françoise Hardy, c’est aussi « le temps de l’amour, le temps des copains et de l’aventure », des paroles qui twistent façon yéyé et qui tomberont dans l’oreille d’un Wes Anderson, jamais sourd aux tendres mélodies. Dans « Moonrise Kingdom », la chanson fera danser Suzy et Sam sur une plage isolée dans une crique tranquille, inspirera un premier émoi conclu par un french kiss. Si elle fut l’idole de bien des B.O., Françoise Hardy se fit rare à l’écran : un petit rôle chez avec Vadim adaptant Sagan (« Château en Suède »), un autre plus important auprès de Sami Frey pour Jean-Daniel Pollet (« une balle au cœur »), et une apparition en officier d’état civil pour sceller l’union de Romy Schneider et Peter O’Toole dans « Quoi de neuf Pussycat ? » Quelques passages discrets à l’écran, des citations plus ou moins furtives, Françoise était du genre timide. Elle qui s’en remettait si souvent aux étoiles, s’éclipse en toute discrétion. « On est bien peu de choses » rappelait son amie la rose qui disait déjà avoir un pied dans la tombe.

33 réflexions sur “Françoise HARDY (1944 – 2024)

  1. Je me souviens bien de l’effet que faisait Tous les garçons et les filles de mon âge sur le gamin acnéique de 13 ans que j’étais. La chanson était partout…VoilàPartir quand même. 🎸

    A bientôt l’ami.

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  2. Tu lui rends un bien bel hommage Florent. Françoise Hardy🙏 était, à mes yeux aussi, une icône absolue des Yéyé et bien au delà. Musicalement, j’ai toujours aimé son univers mélancolique, cette voix fragile, cette poésie des mots.. L’annonce de sa disparition m’a ému. On a tous un souvenir lié à Françoise Hardy. Elle était très belle, David Bowie et Mick Jagger en étaient dingue. Il y a toujours eu une forme de noirceur chez elle, un franc parlé. Elle abordait la thématique de sa propre mort depuis de nombreuses années, elle qui souffrait tant de sa maladie. C’est une grande perte mais il reste son héritage musical qui va perdurer. Son statut d’artiste iconique est bien à part dans le milieu de la chanson. Tant de textes sublimes. Merci pour cet hommage !

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    • Merci Frédéric,
      Je te rejoins absolument sur l’héritage. Il suffit de voir et d’entendre la jeune génération de la scène française qui lui rendait hommage il y a peu.
      Et puis quelle figure française à l’international ! Elle côtoie l’aura d’un Gainsbourg, tant sur l’écriture des textes que du sens de la mélodie. Tu évoques Bowie, Jagger, on peut ajouter Damon Albarn de Blur, et beaucoup d’autres de la scène britannique. J’apprends à l’occasion des nécros qu’elle avait, au début des années 70, rencontré Nick Drake quelques mois avant sa mort, et avait assisté à l’enregistrement de certains de ses morceaux.
      Une figure essentielle de la scène artistique française.

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  3. C’est bien beau ce que tu écris de la belle dame qui se trouvait moche (comme la plupart des belles dames).
    Ma préférée est celle que tu as mis en lien. Tant de belles choses, écrite pour Thomas très fusionnel avec sa petite maman. Suivie de près par La maison où j’ai grandi. Mais il y en a tant et son univers convient tellement aux mélancoliques isolé(e)s..
    C’était délicat et douloureux.
    Belle émission de 20 à 22 h hier dans ma France Inter.
    J’ai toujours admiré sa voix, ses mélodies, ses textes, son élégance et aussi sa façon de toujours continuer à s’intéresser aux jeunes musicien-ne-s qui arrivaient.
    J’aimais beaucoup moins quand elle se prenait à parler politique…

    Mais l’amour est plus fort que la mort. C’est sûr.

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    • Effectivement, quand elle se donnait son avis sur la société, il valait mieux zapper.

      Pour le reste, c’est simplement du grand art. Autrice compositrice dans les sixties là où la plupart des autres attendaient qu’on leur écrive des chansons ou bien se contentaient de « franciser » celles des anglo-saxons, elle a su se démarquer et imposer sa singularité dans ce « temps des Copains ».

      J’ai commencé à écouter la spéciale de Manzoni (avec Philippe Katerine qui n’avait pas grand chose à dire). Il paraît que Clara Luciani était inconsolable le matin même sur cette antenne. Il y a visiblement aussi un très beau podcast en plusieurs épisodes.

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