Détours de cochon
« Ma petite fille, souviens-toi que dans la vie, la seule chose qui compte, c’est l’argent. »
Marcel Aymé, Uranus, 1948.
« Ah ben ça ! C’est pas ordinaire ! Et Gabin alors, ils ne lui ont rien donné à Gabin ? » Ce sont paraît-il les mots prononcés par Bourvil lorsqu’il apprit que le jury de la Mostra (composé entre autres de Visconti, Ushihara et André Bazin) avait décidé de lui remettre la coupe Volpi pour le rôle de Marcel Martin dans « La Traversée de Paris ». L’acteur jusqu’ici réduit à l’image d’amuseur de cabaret, voire de paysan benêt (mais « Pas si bête ») changeait de statut, montrait un autre visage, celui d’une France peu glorieuse en cette période d’après-guerre. Ce Martin n’est pas un petit gars sympathique, pas plus qu’il ne l’est dans la nouvelle de Marcel Aymé que Claude Autant-Lara adapte à l’écran. Il est un échantillon de la majorité silencieuse française qui met son mouchoir sur sa morale, qui étouffe ses valeurs sous l’oreiller des nécessités pour espérer traverser sans trop de dégâts quatre longues années de nuit et d’Occupation. Lire la suite