BOÎTE NOIRE

Ecoutez voir

« Yann est un grand cinéphile et j’adore ça : il a l’art d’utiliser ce qu’on aime tous dans le cinéma américain en le mettant au service d’une élégance très française. »

Pierre Niney

Le 24 mars 2015, le vol 4U9525 de la Germanwings s’écrase sans laisser le moindre survivant dans les Alpes françaises. L’annonce de l’origine de la catastrophe provoqua un choc au moins aussi brutal que le crash lui-même : le Bureau Enquête et Analyse (BEA) conclut en effet à un geste suicidaire du pilote, emportant dans sa dépression funeste 144 passagers et 6 membres d’équipe. La faille était donc humaine, l’avionneur respire. La tragédie n’a certainement pas échappé aux radars de Yann Gozlan qui, cinq ans après la tragédie, imagine un cas similaire en plongeant dans la « Boîte Noire » du vol EA024, pour une fiction qui nous emporte dans de formidables zones de turbulence. Lire la suite

La NUIT du 12

Fire walk with her

« Il est des crimes qui vous habitent ; des crimes qui vous font plus mal que les autres et vous ne savez pas toujours pourquoi. Vous êtes cueilli par surprise, au moment où vous vous y attendiez le moins, par un détail qui vous laissera le cœur en pièces. Ils se fichent en vous comme une écharde dans la chair et tout autour la plaie ne cesse plus de s’infecter. »

Pauline Guéna, 18.3 – une année à la PJ, 2020.

Vingt pour cent de crimes non résolus. La statistique est effrayante. Suffisamment pour en faire le terreau d’un polar dans lequel s’engouffre Dominik Moll. S’inspirant des écrits en immersion de Pauline Guéna, il remonte jusqu’à « la nuit du 12 », une nuit noire d’octobre dans la vallée de la Maurienne où fut commis un abominable féminicide, une histoire à rendre fou enquêteurs comme spectateurs. Lire la suite

L’Armée des Ombres

Mauvais souvenirs, soyez pourtant les bienvenus

« Tu peux serrer dans ta main une abeille jusqu’à ce qu’elle étouffe. Elle n’étouffera pas sans t’avoir piqué. C’est peu de chose, dis-tu. Oui, c’est peu de chose. Mais si elle ne te piquait pas, il y a longtemps qu’il n’y aurait plus d’abeilles. »

Jean Paulhan, « l’abeille », Les Cahiers de la Libération, n°3, février 1944.

La France a connu bien des heures sombres. Le cinéma s’en souvient. Alors que les troupes d’Hitler défilent dans Paris, que le Maréchal Pétain accepte les conditions indignes d’un Armistice avec l’ennemi, avant de se voir octroyé les pleins pouvoirs par l’Assemblée Nationale, chez bon nombre de Français, l’espoir s’éteint. Des choix tragiques qui vont pousser certains à faire des choses dégueulasses. « Mauvais souvenirs, soyez pourtant les bienvenus… vous êtes ma jeunesse lointaine. » Cette phrase de Courteline, Jean-Pierre Melville choisit de la placer en exergue de son adaptation de « l’Armée des Ombres », un film immense porté par l’impérieuse nécessité de ne jamais oublier, de ne plus se taire sur la réalité de ce qui s’est fait ou ce qu’on a été contraint de faire. Lire la suite

Le Monde d’Hier

Souvenirs d’un républicain

« Il faut vaincre ses préjugés. Ce que je vous demande là est presque impossible, car il faut vaincre notre histoire. Et pourtant, si on ne la vainc pas, il faut savoir qu’une règle s’imposera, Mesdames et Messieurs : le nationalisme, c’est la guerre ! La guerre, ce n’est pas seulement le passé, cela peut être notre avenir. C’est nous, c’est vous, Mesdames et Messieurs les députés, qui êtes désormais les gardiens de notre paix, de notre sécurité et de cet avenir. »

François Mitterrand, discours au Parlement européen, Strasbourg, 17 janvier 1995.

Moins d’un an après son discours à Strasbourg, après avoir mené son mandat à terme, François Mitterrand succombait du cancer qui le rongeait depuis des années. L’autre maladie qu’il redoutait tant s’est depuis étendue sur l’Europe, une menace bien plus insidieuse, un poison qui contamine les esprits, corrompt la vérité et entrave les libertés. Mitterrand avait senti monter le sentiment nationaliste en Europe, remugle encore vivace provenant des âges sombres de notre Histoire. Le cancer ne lui aura pas laissé le temps de le voir s’inviter au second tour de l’élection présidentielle en 2002, puis prendre ses aises dans les urnes, dans les sondages d’opinion, provoquant en duel la République à chaque nouveau scrutin. Le cinéaste et scénariste Diastème l’a vu, lui. Il en a tiré d’abord un film sur « un Français », premier coup de tête à la démocratie, premier avertissement. Huit ans plus tard, les choses ne semblant pas aller vers le mieux, il tente de nous faire comprendre que « le monde d’hier » décrit par Zweig est peut-être bien celui dans lequel nous vivons aujourd’hui. Lire la suite

Les VEDETTES

L’époque du micro d’argent

« J’me présente, je m’appelle Henri,
J’voudrais bien réussir ma vie, être aimé
Être beau, gagner de l’argent
Puis surtout être intelligent
Mais pour tout ça il faudrait que j’bosse à plein temps »

Daniel Balavoine, le chanteur, 1978

Tout le monde aura son quart d’heure avait prédit Andy. Mais peut-être pas tous pour les mêmes raisons. « Les Vedettes » pourrait être une marque de machine à laver, ou le nom d’un groupe de variétés, c’est en quelque sorte l’association des deux. Le nouveau film de Jonathan Barré réunit son Palmashow pour une satire sociale des temps modernes. David Marsais et Grégoire Ludig redeviennent les benêts de la télé, deux pigeons servis en farce sur des plateaux à l’heure du dîner, enrobés à la sauce aigre-douce d’un récit hilarante et fa si la chanter. Lire la suite

Arthur Rambo

Effarant historique

« Fuir, se fuir lui-même, se cacher à lui-même. Oui, c’était bien cela. Disons même plus. Non seulement notre héros cherchait de toutes ses forces à se fuir lui-même mais encore il aurait donné cher pour pouvoir s’anéantir d’une façon définitive, pour être, sur le champ, réduit en cendres. »

Fiodor Dostoïevski, Le Double, 1846.

« Ils m’ont baissé ma moyenne ! » Le jeune élève qui s’insurge ainsi face à la caméra de Laurent Cantet se nomme Rabah Naït Oufella. Un sentiment de persécution qui lui valut une Palme d’or, puis une carrière d’acteur. De retour à Cannes pour présenter « Grave », il aurait pu croiser dans les escaliers du palais Mehdi Meklat, jeune écrivain et coqueluche des médias, pas encore sous le feu de la polémique lorsqu’il accompagnait toute l’équipe de « Divines ». Le destin les réunira entre les murs de Laurent Cantet, sous le pseudo d’« Arthur Rambo », nom valise qui renferme des casseroles dont le vacarme tinte plus fort que jamais. Lire la suite

Que la fête commence…

L’homme qui ne voulait pas être roi

« – Monseigneur, dit l’homme qui était près de lui, il en coûte pour être un grand prince, et celui qui veut commander aux autres doit d’abord se vaincre lui-même. Soyez fort jusqu’au bout, monseigneur, et la postérité dira que vous avez été grand.
 – Oh jamais je ne vous pardonnerai, monsieur, dit le régent avec un soupir si profond qu’il ressemblait à un gémissement, car vous avez tué mon bonheur. »

Alexandre Dumas, Une fille du Régent, 1845.

Dans la galerie des grands qui ont dirigé ce monde, on a vu passer une palanquée d’énergumènes. Les écrits d’historiens sont truffés d’anecdotes plus ou moins croustillantes sur les mœurs légères des princes de sang. Ainsi le régent Philippe d’Orléans, mal aimé des chroniqueurs, aura marqué les mémoires davantage pour ses orgies décadentes que pour sa capacité à gouverner dignement. Dans son deuxième film, Bertrand Tavernier nous invitait à dépoussiérer le tableau, à regarder l’Histoire autrement, au-delà des vitrines du musée, en remontant le temps jusqu’à ce « Que la fête commence… » Lire la suite

CARAMBOLAGES

Ni vu, ni connu

« Je traitais tous les conflits en espérant que pour le public, il en sortirait une exaltation révolutionnaire. »

Marcel Bluwal (25.05.1925 – 23.10. 2021)

Il n’aura pas droit à des obsèques nationales. Peut-être tout juste quelques entrefilets dans les médias. Moins populaire qu’un Tchernia, moins exposé qu’un Bellemare, Marcel Bluwal fut pourtant un des grands artisans de la télévision de cette époque pionnière, celle des Santelli, des Barma, tous ces esprits en ébullition qui rêvaient une télé intelligente, cultivée et insoumise. Du petit au grand écran il n’y a parfois qu’un simple pallier à traverser, que Marcel Bluwal franchit sans hésitation, lui qui avait fait ses armes comme cadreur pour le cinéma. Cela donnera « le Monte-charge » d’après Frédéric Dard, et surtout cet étonnant « Carambolages » à la distribution détonante et à la charge critique savoureuse. Lire la suite

BAC Nord

Sacrifice de poulets

J’vais leur casser la tête fils
J’vais leur casser la tête fils
J’vais leur casser la tête fils
Y’a rien qui m’arrête
L’inspi vient de la barrette

Jul, La Bandite, 2019

« Le cancer qui ronge la ville, c’est la drogue ». Ainsi s’exprimait le président de la République en août dernier lors d’une opération reconquête des cités marseillaises. Comme un écho à ses propos, sortait sur les écrans du pays le film coup de crosse de Cédric Jimenez qui revient sur le scandale de la « BAC Nord », unité de choc borderline désavouée sous la précédente mandature. Sans chercher à redorer l’insigne, il dégaine des arguments qui frappent dans une guerre d’influence entre flics et truands qui montrent les dents. Lire la suite

OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire

L’espion qui s’aimait

« Un personnage comique est généralement comique dans l’exacte mesure où il s’ignore lui-même. Le comique est inconscient. […] Il se rend invisible à lui-même en devenant visible à tout le monde. »

Henri Bergson, Le rire : essai sur la signification du comique, 1900.

On se demandait si on le reverrait un jour se beurrer la biscotte. Que tous les admirateurs de l’espion le plus idiot des services secrets français soient rassurés, Jean Dujardin remet le costume pour « OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire », et il aime toujours autant se battre. Michel Hazanavicius, peu convaincu par le nouveau scénario a laissé les clefs de la Gordini à un Nicolas Bedos gonflé à bloc pour partir à la rescousse de l’homme de Bruce, attention aux secousses ! Lire la suite