JEANNE du BARRY

Sa reine

« – (…) Il était donc une fois une pauvre jeune fille qui, à cette époque, n’avait ni pages, ni voiture, ni nègre, ni perruche, ni sapajou.
– Ni roi, dit Louis XV.
– Oh ! Sire. »

Alexandre Dumas et Auguste Maquet, Joseph Balsamo, 1853.

Elle disait qu’elle aimait la vie, on la lui ôta d’un coup de lame. Coupez ! comme on dit au ciné. De Jeanne Vaubernier (ou Bécu selon les sources) à la Comtesse du Barry, tout le cinéma lui est passé dessus, de long en large et à travers. Après Theda Bara, Pola Negri, Dolores del Rio, et bien sûr Martine Carol, voici que Maïwen, fascinée, s’identifie à « Jeanne du Barry », devant et derrière la caméra. Elle fait de sa distribution royale et exotique une attraction en costumes qui tire davantage sur le conte que sur la comtesse. Lire la suite

Les TROIS MOUSQUETAIRES : D’Artagnan

Cardinal, nous voilà !

« Il est permis de violer l’Histoire à condition de lui faire de beaux enfants. »

Alexandre Dumas

Voilà plus d’un siècle et demi qu’ils ferraillent de par le monde, qu’ils éclairent le siècle de Louis XIII et même les supermarchés de leur fameux slogan solidaire. On ne compte plus le nombre de mousquetaires qui ont chevauché sur les écrans de tous les pays, la liste des Milady qui ont fomenté dans l’ombre de bien fourbes complots. « Qu’est-ce que ça veut dire faire « Les Trois Mousquetaires » en 2022 ? » s’interroge le réalisateur Martin Bourboulon. La réponse tient en un diptyque ambitieux dont le premier volet, « Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan », vient pétarader dans le box-office pour sauver l’honneur de la couronne et du cinéma populaire français. Lire la suite

SENSO

L’amant diabolique

« Il n’y a guère que le sadisme qui donne un fondement dans la vie à l’esthétique du mélodrame. »

Marcel Proust

1866, la terre tremble en Italie. Le peuple se réveille, se soulève contre l’occupant autrichien. Une nation trop longtemps morcelée, dominée, renaît peu à peu de ses cendres, prend les armes pour conduire son destin. Au cœur du tumulte, une aristocrate vénitienne, la Comtesse Livia Sarpieri, confie dans son journal les feux de la passion qui la brûlent, déchirée entre sa fibre nationaliste et une obsession sans issue pour un jeune officier ennemi. La symphonie du mélodrame sur fond historique chante jusqu’aux oreilles de Luchino Visconti, encore sous le charme des arias de la Callas qu’il avait admirée peu auparavant depuis sa loge de la Scala. Le cinéma devient alors pour lui le parfait médium pour exalter la grâce, la puissance et la gloire du spectacle total, celui de la vie (« la vie est un champ de bataille » disait-il), de ses drames intimes et de ses tragédies grandioses. Ce fut l’avènement de « Senso », première grande fresque en costume signée du Prince de Modrone dont les immenses tableaux en couleur se consument avec toujours autant de violence et de passion. Lire la suite

LUDWIG ou le crépuscule des dieux

Elle et Louis

« J’étais cette nuit un empereur
En rêve seulement, certes,
Et en plus, un empereur sage
Comme il y en a sans doute peu »

Elisabeth de Wittelsbach dite Sissi, Poèmes, 1887.

« Ah non, pas Sissi ! » Romy Schneider était sortie froissée d’une interview par un journaliste français qui l’avait un jour ramenée à ce rôle de jeunesse. En venant en France, elle pensait pourtant avoir laissée l’impératrice derrière elle, poignardée pour de bon. Puis, grâce à Delon, elle rencontra Luchino Visconti qui lui remit finalement le pied à l’étrier. C’est en cavalière vêtue de noir, comme portant le deuil de son immense célébrité, que réapparait Elisabeth d’Autriche, une valkyrie moderne, impressionnante et indépendante, qui mettra son cousin « Ludwig » face à son destin. Lire la suite

The NORTHMAN

Hel fest

« Regardez comme il me dévisage. S’il n’a pas été enfanté par un noir bélier pendant la pleine lune, mon nom n’est pas Ragnar. »

Ragnar dans « Les Vikings » de Richard Fleischer, 1958.

Sonnez l’alarme, et faites résonner le cor, les Vikings sont de retour et ils ont bien l’intention d’écumer les salles obscures. On les a d’abord vu accoster nos écrans dans une série canadienne signée Michael Hirst. Pendant ce même temps, des dieux Asgardiens autrement plus bling-bling jouaient les foudres de guerre dans l’univers cinématique de la Marvel. Robert Eggers les a vus lui-aussi, perché sur son « Lighthouse » de sinistre mémoire. Né d’une vision éthylique ou fruit d’une étrange réalité archéologique, « The Northman » déterre la hache de la vengeance, il ne sera pas tendre avec les têtes de bois. Lire la suite

Que la fête commence…

L’homme qui ne voulait pas être roi

« – Monseigneur, dit l’homme qui était près de lui, il en coûte pour être un grand prince, et celui qui veut commander aux autres doit d’abord se vaincre lui-même. Soyez fort jusqu’au bout, monseigneur, et la postérité dira que vous avez été grand.
 – Oh jamais je ne vous pardonnerai, monsieur, dit le régent avec un soupir si profond qu’il ressemblait à un gémissement, car vous avez tué mon bonheur. »

Alexandre Dumas, Une fille du Régent, 1845.

Dans la galerie des grands qui ont dirigé ce monde, on a vu passer une palanquée d’énergumènes. Les écrits d’historiens sont truffés d’anecdotes plus ou moins croustillantes sur les mœurs légères des princes de sang. Ainsi le régent Philippe d’Orléans, mal aimé des chroniqueurs, aura marqué les mémoires davantage pour ses orgies décadentes que pour sa capacité à gouverner dignement. Dans son deuxième film, Bertrand Tavernier nous invitait à dépoussiérer le tableau, à regarder l’Histoire autrement, au-delà des vitrines du musée, en remontant le temps jusqu’à ce « Que la fête commence… » Lire la suite

ILLUSIONS PERDUES

Les masques et la griffe

« Les belles âmes arrivent difficilement à croire au mal, à l’ingratitude, il leur faut de rudes leçons avant de reconnaître l’étendue de la corruption humaine. »

Honoré de Balzac

De quoi Balzac est-il le nom ? Voilà bien une question qui taraude Xavier Giannoli, lui qui a laissé mûrir depuis de nombreuses années ce projet d’adapter « Illusions perdues ». La réponse s’est construite au fil des films qu’il a tournés, qui sont autant de pierres à l’édifice de la comédie humaine, comme autant d’arrêts sur image édifiants. Du ringard de bastringue à la diva discordante, de l’inconnu célébré à l’imposteur bâtisseur, tous mentaient ou se mentaient, piquant droit vers Rubempré et sa poésie florale joliment dépouillée par le tumulte d’une farandole à l’effrayante cruauté. Lire la suite

Le DERNIER DUEL

Balance ton heaume

« 1. « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. » Dieu a voulu l’espèce humaine bisexuée et l’union de ces deux sexes.
2. Mais il a créé ces sexes inégaux : « Il faut que je lui fasse une aide (adjuditorium) qui lui ressemble (simili sibi).  » L’homme a précédé ; il conserve la préséance. Lui-même est image de Dieu. De cette image, la femme n’est qu’un reflet, second. « Chair de la chair d’Adam », le corps d’Eve fut formé latéralement. Ce qui le place en position mineure. »

Règlement matrimonial médiéval in Georges Duby, Le chevalier, la femme et le prêtre, 1981.

Ils sont peu, aujourd’hui, les grands cinéastes à oser s’aventurer dans les grandes heures de l’Histoire. S’il en est un qui, depuis son premier film, s’en est fait une spécialité, c’est bien Sir Ridley Scott. Cinéaste pointilleux, adepte des grandes fresques comme naguère l’était le pionnier De Mille, il n’a fait l’impasse sur aucune période, tournant sa caméra vers le passé autant que vers l’avenir. Après avoir conté le temps de croyants du « Kingdom of Heaven », puis narré la légende du brigand de Locksley dans « Robin Hood », le voici de retour au temps où la France revêtait « son blanc manteau de cathédrales », à la faveur d’un « Dernier Duel » qui opposa deux preux sous l’œil du roi, et d’une gente dame qui réclamait que l’on lave son honneur faute de pouvoir elle-même le défendre à armes égales. Lire la suite

BENEDETTA

La chair et le sein

« J’ai toujours été très intéressé par les comportements sexuels. Qui ne l’est pas ? »

Paul Verhoeven

Il en aura mis du temps. Tourné voilà maintenant près de trois ans, « Benedetta », le tant attendu film de Paul Verhoeven, monte enfin les marches du Palais des Festivals avec son cortège de souffrance, de violence, d’exaltation et de polémique en puissance. Ce véritable chemin de croix parcouru par le film et son réalisateur n’ont fait depuis qu’attiser les attentes, exciter les espérances d’un landerneau critique chauffé à blanc par une simple affiche. Alors, Verhoeven, touché par la grâce de Dieu ou lubrique manipulateur ? Lire la suite

Les DUELLISTES

Guerre et épées

« Que dites-vous ?… C’est inutile ?… Je le sais !
Mais on ne se bat pas dans l’espoir du succès !
Non ! Non, c’est bien plus beau lorsque c’est inutile ! »

Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, acte V, scène 6, 1897.

Jeux de mains, jeux de vilains… dit-on. En effet, l’aristocrate au pugilat préfère de très loin l’élégance de l’épée lorsqu’il s’agit de laver un affront. Cela vaudra quelques beaux paragraphes de littérature, et de savoureuses séquences filmées lors desquelles ces messieurs ferraillent à qui mieux mieux. Ridley Scott n’avait semble-t-il aucun compte à régler lorsqu’il s’est emparé du « Duel » de Joseph Conrad pour en faire ses « Duellistes ». Le fait est qu’il transforme ce coup d’essai en véritable coup de maître, par son sens éblouissant de la lumière et de la mise en costume. Lire la suite