Balle de match
« Aujourd’hui te voici comme un langui Guy, te voici emballé dans ce suaire où tu parais plus grand couché qu’accroupi et ma voix émue mue de te savoir si mou. »
Pierre Desproges in « Ma plus belle histoire d’humour », Antenne 2, janvier 1986
Il n’aura pas mis très longtemps à suivre son vieux pote Dabadie. Jeu, set et match, Guy Bedos inscrit son nom au palmarès des trépassés, il a rejoint le bal des casse-pieds, sans doute pistonné par ses prédécesseurs. Il retrouvera Jean-Loup, c’est sûr, mais aussi Lanoux, Rochefort et Yves Robert… et les autres. Il n’a pas toujours fait l’unanimité ce réalisateur, mais maintenant que De Funès a le droit à la cinémathèque, on ne s’étonne plus que ses films soient considérés comme des classiques, mieux encore, des œuvres cultes. A la fin des glorieuses 70, le réalisateur de « la guerre des boutons » se forge une nouvelle réputation en signant cette drôle de comédie de mœurs au ton badin : « un éléphant ça trompe énormément ». Jean-loup Dabadie, fidèle du réalisateur, compose pour l’occasion des lignes de dialogues érigées en citations que les fans se plaisent à ressortir à la volée, dans les soirées plus ou moins arrosées. Mais qu’est-ce qui se cache derrière ce calembour éléphantesque ?
Yves Robert donne à son quatuor d’interprètes l’occasion de trompéter une diatribe dans l’air du temps à l’adresse du machisme ordinaire. Bedos, Lanoux, Rochefort et Brasseur, réunis sur un cours de tennis à l’ouverture du film, offrent le spectacle de quatre mâles symptomatiques de l’espèce, apparemment coulés dans le moule, et dont le scénario va s’attacher à distinguer les particularités. « Jean-Loup s’est inspiré des parties que nous disputions tous les jeudis avec Alain Sarde, Gilles Jacob et Bertrand Poirot-Delpech. » se souvenait Pierre Bouteiller dans les colonnes du Monde. « On jouait pas mal et on déconnait beaucoup, j’ai retrouvé dans le film un peu de l’ambiance de notre petit clan, dont Jean-Loup était l’amuseur en chef. »
Bouly/Lanoux, le dragueur au service canon, est le premier à se prendre un revers conjugal : sa femme se tire avec meubles et marmaille en laissant le mot de rigueur sur le plan de travail de la cuisine. En un plan fixe Yves Robert associe habilement et immédiatement le groupe de copains à ce moment de détresse très superficiellement partagé (ils avouent volontiers en aparté que ledit Bouly ne récolte que ce qu’il a semé), les quatre amis saisis dans la profondeur de champ de cette étroite cuisine d’appartement : Lanoux effondré au premier plan (après avoir libéré sa colère dans une rage destructrice), Rochefort et Brasseur stoïques dans l’embrasure de la porte, et enfin Bedos au téléphone avec sa mère dans la pièce contiguë. L’objectif dirigé selon la volonté du metteur en scène trace ainsi une ligne droite (d’aucuns diront un raccourci) entre le mari adultérin maladif et le célibataire maternellement phagocyté, et ce dans une intention double : offrir un hiatus cocasse entre deux situations d’inégale gravité morale, et de révéler une première fracture identitaire dans le groupe. Cette scène se clôt joliment sur la rêverie d’Etienne / Rochefort, la caméra perdue dans son regard bleuté bercé par le doux thème composé par Vladimir Cosma pour piano et cris de mouettes.
Jusqu’à la chute finale tant attendue, le film sera ce pachyderme humoristique allégé par la ritournelle mélancolique, et qui fera toujours l’admiration des fans nostalgiques, du cinéma « qui distrait sans avachir » pour reprendre les termes du critique Frantz Gévaudan, un film qui « délasse sans abrutir » ajoutait même l’exigeant Jean-Louis Bory. De la destruction d’un restaurant à l’aveugle par Brasseur jusqu’aux mésaventures équestres de Rochefort en quête de son idéal féminin, la suite de gags a conservé sa prime fraîcheur, servi dans le jus de son époque. Quelques bémols toutefois auront tendance à déprécier l’animal : si le numéro de harcèlement stoïque de Christophe Bourseiller est toujours aussi efficace, sa conclusion inaboutie laisse toutefois le ricanement coincé au fond de la gorge. Quant à la scène d’hystérie séfarade entre Bedos et Marthe Villalonga, elle pourrait en exaspérer plus d’un par son outrance démonstrative, mais la générosité qui s’en dégage emporte tout sur son passage.
Ils nous auront fait rire, et on ne les a pas vus vieillir tous ces acteurs piégés dans la pellicule. Mais ce qui ne vieillit pas en revanche, et s’embellit même au cours du temps, c’est le portrait de cette femme en rouge inaccessible composé par Anny Duperey, toujours plus sublime à chaque vision. Un éclat de beauté qui se double d’un éclat de rire.
« Guy Bedos n’est plus. La France perd le meilleur de ses fils et la rampe le meilleur de ses feux. Que dire du désarroi qui nous broie et de la douleur qui nous noue sinon quand nos cœurs l’un et l’autre cohabitent, pour reprendre le cri d’amour du crapaud. »
Inoubliable…. MERCI
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Et on ne l’oubliera jamais.
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Encore un pan de notre patrimoine qui se débine.
RIP.
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Et ils se suivent à un rythme effrayant.
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Belle chronique comme tjs avec bcp de sensibilité. Merci
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Merci à toi. Je n’ai pas eu le temps de revoir le film, de faire mes adieux à Guy devant une de ses toiles. Mais j’avais ce texte dans mes valises, et les mots de Desproges qui l’accompagnent.
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Un brillant hommage à Guy Bedos, qui le méritait bien!
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Une pensée pour Michel Drucker qui perd un autre de ses grands copains.
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Drucker !
Ca y est, il pleut 😦
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😂
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Pfffff. Drucker est copain avec tout le monde. Je ne peux plus le supporter.
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Pour le coup, Dabadie et Bedos, c’était vraiment sa bande.
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Que de souvenirs, j’adore…
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C’est une véritable madeleine ce film. J’espère qu’il sera rediffusé pour l’occasion.
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J’ai le dvd 🙂
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Je devrais aussi. Grosse erreur de ma part.
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Rien à dire, un classique du cinéma français, un film inoxydable, aussi drôle que juste, servi par des interprètes inoubliables. J’en ai également parlé ainsi que sa suite plus mélancolique. RIP Bouli.
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RIP Simon surtout, le pauvre Bouly la précédé de qq années. Reste Claude Brasseur.
Inoxydable, c’est vrai. Sans doute dû à l’écriture de Dabadie qui, comme chez Sautet, sait parfaitement brosser ces portraits attachants.
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Oui, et tu l’as bien dit dans ton article.
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Musique ou cinéma, j’ai du mal à suivre avec toutes ces disparitions qui s’enchaînent depuis le début de l’année.
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Comme si une deuxième lame mortifère venait effacer toute page de références qui ne nous semblaient pourtant pas si lointaines.
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Quand ça ne veut pas… Dabadie puis Bedos maintenant. Deux excellents films d’Yves Robert sur lequel ils ont collaboré et sur lequel je reviendrai dans Made in France. L’ironie du sort veut que cette fois ce soit Marthe Villalonga qui va enterrer son fils…
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Mais c’est vrai, je n’y avais pas songé. En fait ils n’avaient que 3 ans de différence ! L’une jouait la mère, l’autre le fils sans que cela ne choque outre mesure.
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Ce qui est assez incroyable quand on y pense. Villalonga a souvent joué des rôles plus âgés qu’elle. La preuve avec Coluche avec lequel elle n’avait que 12 ans d’écart et qui était son fils également dans Inspecteur la bavure.
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Eh oui, elle fut aussi Madame Clément, veuve d’un héros du 36, mère d’un stagiaire aux trousses de Roger Morzini !
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Oui la douleur nous noue. Hier je suis tombée par hasard sur le docu consacré à Bedos. Je l’ai trouvé TRÈS touchant. Les nombreuses évocations de sa mère raciste, antisémite, pétainiste qui l’a battu toute son enfance et méprisé à l’âge adulte sont terribles et en ont fait un père étouffant et d’une grande tendresse pour ses enfants. J’ai trouvé ça très beau.
Le film ? Jamais 4 machos immatures n’auront été plus touchants. J’adore ce film et « pachyderme humoristique » me semble un peu sévère. Ils nous font tellement rire tous les 4 (Brasseur doit être bien malheureux) qu’on ne peut que les remercier.
La scène entre Bedos et Marthe Villalonga (qui joue sa mère alors quelle n’a que 3 ans de plus) est une de mes préférées : « tu me sommes, moi, à ta mère ? », que c’est drôle, que c’est bon !
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Quatre gamins finalement, d’où la chanson qui sert de titre et qui renvoie à l’immaturité de ces grands garçons. Simon est symptomatique de celui qui se fait bouffer par sa mère, et la prestation de Bedos et Marthe Villalonga restent mémorable et haute en couleur.
Je n’ai pas vu le doc sur Bedos mais les articles dans la presse évoquent en effet cette enfance sous la coupe d’une mère pétainiste. Une belle force de résilience que ce Guy Bedos.
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Ah dommage car il se confiait à la Mireille… On le voit retourner en Algérie avec un petit Nicolas de 8 ans qui ne comprend pas le principe de l’enterrement. On voit cette mère bête et froide qu’il aimait malgré tout. Et les larmes de Sophie lors de leur « dernière »…
Bref c’était vraiment bien.
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Je retrouverai ça en replay sans doute.
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Ça vaut le coup.
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Bonjour princecranoir, merci pour cet hommage à ce cinéma français comme on ne sait plus en faire et cet hommage détourné à Guy Bedos. Bon dimanche.
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Bonjour Dasola,
C’est vrai qu’on voit de moins en moins de comédies de la sorte dans notre paysage cinématographie, autour de personnages sensibles, légers et qui échappent à la caricature.
Guy Bedos avait toute sa place dans la bande.
Merci de votre passage et passez une très belle journée.
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Je l’ai vu une seule fois mais j’en garde un grand souvenir de ce film. Guy Bedos était un drôle de bonhomme, j’appréciais l’artiste, son côté donneur de leçon et sectaire beaucoup moi ^^ Mais dans ce film il est juste génial ! 😉
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Une personnalité clivante que Guy Bedos, parfois irritant, pas toujours correct politiquement, assez droit dans ses idées. Et puis quand on a été l’ami de Desproges au point de lui inspirer un éloge funèbre, on ne peut qu’être ou avoir été une belle personne.
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Son dernier film en 2012 « Et si on vivait tous ensemble » est un ode merveilleux à la vieillesse et du regard qu’en ont les autres…
« Simon » restera un personnage que l’on n’oubliera pas (seul, lui, a pu l’oublier ces dernières années…)
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Je n’ai pas vu ce film, mais ce que tu en dis donne envie.
Inoubliable Simon en effet. Une amie travaillant au théâtre à Paris a eu la chance de le côtoyer professionnellement. Un type adorable que ce Monsieur Bedos.
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Bonjour Princecranoir,
En visionnant l’extrait du film, je me suis souvenu l’avoir déjà vu.
J’aime beaucoup les films français et celui-ci en fait partie…
4 grands acteurs réunis sous le couvert de personnages tellement réalistes, farfelus et si bien orchestrés. J’avoue avoir un petit faible pour Jean Rochefort ( sourire )
Ton article ; un brillant hommage …comme toujours.
Merci et bonne soirée
Amitiés
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Merci beaucoup Manouchka, ton commentaire va droit au cœur de ma plume.
Le film est devenu un incontournable de la comédie de mœurs à la française, servi comme tu l’as souligné, par quatre acteurs formidables (sans oublier les deux superbes actrices que sont Anny Duperey et Danièle Delorme qui était la femme d’Yves Robert a l’époque).
Je constate que tu es sensible au charme de cet homme en robe de chambre sur la corniche. 😉
Belle soirée à toi.
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Oui…bien sûr…n’oublions pas ces superbes actrices que j’aime beaucoup aussi pour les avoir vues dans d’autres films plus récents et qui ont gardé leur beauté et talent.
Merci …Belle soirée également.
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Bel hommage pour un très beau film, une comédie « populaire » avec tout ce que ce mot comporte de noble (un sens qu’il a un peu perdu de nos jours).
Un quattuor d’acteurs formidable, un scénario à la fois ciselé mais qui parvient à restituer l’air du temps sans que cela fasse « daté ». C’est génial.
Merci pour ce post
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« populaire » dans le sens noble du terme, c’est ça. C’est aussi ce qui avait séduit en son temps le très exigeant critique Jean-Louis Bory, pourfendeur des films avec De Funès, et qui s’était laissé attendrir par ces portraits de grands gamins empêtrés dans leurs déboires sentimentaux.
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C’est vrai que une comédie populaire française qui obtient l’onction de quelqu’un comme Jean-Louis Bory, cela doit voler un peu plus haut que la simple comédie potache 🙂
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L’un des fleurons de la comédie française. Un classique. 😀
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