Dernière nuit à Milan

Pour la peau d’un flic

« On voulait faire un film pour le public. »

Pierfrancesco Favino

Présenté en avant-première à l’ouverture du festival Reims Polar 2023, désormais installé dans toutes les bonnes salles hexagonales, « Dernière Nuit à Milan » d’Andrea di Stefano est un parfait exemple de ce que le film policier est capable de montrer. Pierfrancesco Favino, l’acteur du « Traître », de « Suburra », de « Romanzo Criminale » et plus récemment de « Nostalgia » plonge dans les affres de la criminalité au crépuscule d’une carrière de flic, dernier virage périlleux avant la quille.

Plongée dans le tissu urbain illuminé de la capitale lombarde sur un générique déjà haletant signé Santi Pulvirenti. La ville semble s’étendre à perte de vue, son duomo trônant majestueusement en son centre, cadre vertigineux pour une ultima notte du capitaine Franco Amore en passe de prendre sa retraite. La fête animée par sa moitié Viviana (Linda Caridi) qui bat son plein dans son appartement du cœur de ville va vite être interrompue par un dernier coup dur, une de ces « emmerdes habituelles » qui le concerne au premier chef. Andrea di Stefano avoue s’être très largement inspiré de faits réels pour composer son scénario qui mêle corruption des fonctionnaires à un état des lieux dramatique des forces de l’ordre. Un bref flash-back lui permet de revenir sur les dix jours précédant la nuit funeste et enclencher l’engrenage des évènements qui vont conduire un flic modèle au fond du tunnel.

Car, comme son nom l’indique, Amore semble avoir eu une carrière exemplaire, connu par ses pairs comme celui qui a toujours filé droit, qui n’a jamais usé de son arme en trente-cinq ans de service. Un flic exemplaire donc, que n’hésite pas à suivre son jeune collègue Dino (Francesco di Leva en père de famille en quête de billets rapidement acquis pour arrondir ses fins de mois), y compris lorsqu’il lui offre un plan très borderline sur un plateau. Une clique de Chinois au business pas très clair, une paire de cousins mafieux pas que sur les bords, et quelques pierres qui brillent au clair des lampadaires, il n’en faudra pas plus pour changer cette veille de mise en retrait en bourbier tâché de sang frais.

Di Stefano tourne en pellicule, s’offre les ors d’une ville qui ne dort jamais et rivalise de virtuosité dans ses plans-séquences avec l’art consommé de Scorsese, maîtrise la circulation sur les échangeurs urbains à la façon d’un Michael Mann transalpin. Les moments de tension sont de hautes tenue (notamment ce guet-apens vu depuis l’intérieur d’une voiture), servis par des acteurs en immersion dans leur rôle, au premier rang desquels Pierfrancesco Favino se montre le plus brillant. Vieux chien fatigué, il fait peu à peu montre d’une détermination qui force le respect dans sa volonté à vouloir échapper à la fatalité du piège dans lequel il s’est laissé prendre. La « Dernière Nuit à Milan », condensé d’une carrière, ouvre le feu avec force et intensité, et s’achève exténué aux premières lueurs du jour. Dans cette série noire qui rappelle les meilleurs polars d’antan, on n’est pas prêt d’oublier que les flics ne dorment pas la nuit.

29 réflexions sur “Dernière nuit à Milan

  1. Bel article pour un film qui a tout pour m’attirer, l’Italie du Nord, la nuit, l’évocation Scorsese et Mann, PFF l’acteur du Traître et de Nostalgia, le Duomo et Milano, ville du milieu, le dernière grande cité européenne que j’ai visitée.

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  2. I’m always astonished/annoyed at how easily commercial Italian films seem to slip into French cinemas yet if they do appear in the UK it will be in an arthouse or, worse, straight to streaming. In the good old days of VHS and DVD there was a ready market for this kind of film. But streaming, I think, makes it much harder to tap so easily into such markets. If it ever turns up on these shores I will re-read your interesting critique.

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  3. Je comprends un peu mieux la traduction du titre… je me demandais comment Ultima notte di amore pouvait se traduire par Dernière nuit à Milan ??? Mais puisque Pierfrancesco (non mais tu imagines des gens appeler leur enfant Pierre Francois ?) s’appelle Amore, ça s’explique. Mais ça spoile un peu l’issue non ? Ne dis rien, Milan est ma prochaine destination car le triangle d’or de Bougival est bien loin de m’avoir concaincue.

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    • Eh oui, je de mot. Je trouve ce titre italien très beau. En même temps, tu parles d’une nuit d’amour ! Y a plus agréable au moment de prendre sa retraite.
      Immobilier très cher à Milan, mais tu y trouveras assurément une très belle vue sur le Duomo.

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    • Le plan séquence incroyable (qui rappelle un peu « scènes de crime » de Schoendoerffer en plus grandiose) augurait en effet d’un excellent polar, confirmé très rapidement dans l’efficacité du scénario. Mais « Dernière Nuit à Milan » n’est pas qu’un exercice de style, c’est aussi un portrait de flic italien, confronté au monde du crime tandis qu’il est lui-même aux prises avec un environnement toxique et une situation sociale pas très reluisante au seuil de la retraite.
      Je n’ai pas l’impression qu’il bénéficie de beaucoup d’écrans. Espérons qu’il attire néanmoins quelques curieux.

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  5. C’est drôle, cela commence comme « The Pledge » (Sean Penn) avec Jack Nicholson qui va prendre sa retraite et reprend du service pour élucider un meurtre d’enfant dans le quart monde américain… Merci, j’essaierai de le voir cet été !

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    • C’est tout de même très différent de « The Pledge ». Malgré Un flash-back, l’histoire se concentre sur une nuit, et les événements s’enchaînent. C’est un polar autant qu’un thriller.
      Je te le conseille.

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  6. Bonjour Princecranoir, rien que l’ouverture, c’est grandiose. Cette ville filmée à perte de vue, c’est vertigineux. Une histoire angoissante. On se sent pris dans même piège que Franco. L’épouse m’a un peu crispée. Elle n’a pas trop d’état d’âme, elle veut que Franco s’en sorte et tant pis pour le reste. Merci pour ton billet. Bon après-midi.

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    • Merci à toi Dasola.
      Si mes souvenirs sont bons, l’épouse est liée au milieu mafieu par son frère, elle n’a pas tellement d’états d’âme en effet. Cette ouverture est vraiment impressionnante. Et le film m’a laissé une très belle impression d’ensemble. Et cette fin en suspension…

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  7. This movie was a huge surprise for me and in general for a lot of people in theatres. Italian cinema is having a very hard time both in term of quality and box office and this one arrived in the right time. It reminds me of some thriller italian movie of the ’70s, with Favino doing a grest job with his character and a beautiful atmosphere that is really close to the noir. I really appreciated it.

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