Laurent CANTET (1961-2024)

Cantet parti…

« J’ai l’impression que l’école m’a formé à l’esprit critique et à un regard sur le monde que je dois à tous les instituteurs et à tous les professeurs que j’ai pu avoir. »

Laurent Cantet in Le Monde, 14 novembre 2020.

Huit films (neuf si on compte un premier téléfilm), c’est bien peu pour une filmo. De « Ressources Humaines » à « Arthur Rambo », sans oublier de passer « Entre les murs », la carrière cinématographique de Laurent Cantet s’étale sur vingt-cinq ans, bien trop vite parvenue à sa conclusion.

Personne n’a oublié sa Palme d’Or. « Entre les murs » fit à l’époque l’effet d’une craie qui grince sur le tableau noir de l’école, un regard acéré sur le rapport élève/professeur, un décalage brutal et remuant qui réveilla l’auditoire et enthousiasma le jury cannois. En tant que fils d’instits, ce sujet soulevé par la plume de François Bégaudeau ne pouvait que l’interpeller. Laurent Cantet n’était alors qu’un inconnu aux yeux du grand public, malgré un César pour son premier film et la révélation d’un nouveau venu dans le paysage : Jalil Lespert. Pourtant, déjà, il avait su très bien cerner les rapports conflictuels. Dans « Ressources Humaines » d’abord, mettant en porte-à-faux un col blanc dans l’entreprise où travaille son père en col bleu. Et puis le traumatisant « L’Emploi du Temps », point de vue personnel sur l’affaire Romand, cadré autour du miroir social déformant et du drame qu’il peut engendrer. Et puis « Vers le Sud », un peu moins réussi, mais tout aussi passionnant sur une autre forme de rapport de classes sur fond de tourisme sexuel. Après la Palme, ce furent « Foxfire » tourné en anglais d’après Joyce Carol Oates, puis « Retour à Ithaque » en espagnol, avant un retour en France dans « L’Atelier ». « En quelque sorte, c’est lui qui m’a fait revenir au cinéma » disait dans un interview croisé pour Marianne son vieux complice de l’IDHEC, Robin Campillo. Cantet l’avait d’abord engagé comme monteur, puis comme co-scénariste sur plusieurs de ses films. En pleine préparation d’un nouveau long métrage (« l’Apprenti » prévu pour 2025), Laurent Cantet était un cinéaste du travail au travail, le regard toujours affûté sur des sujets piquants (comme dans le fascinant « Arthur Rambo »). Et certainement l’un des plus brillants de sa génération qui bien trop tôt s’en est allé.

14 réflexions sur “Laurent CANTET (1961-2024)

    • Ce premier film m’avait aussi beaucoup marqué, notamment ce conflit de loyauté du jeune cadre, tiraillé entre l’entreprise et le père. « L’emploi du temps » m’avait aussi beaucoup secoué, remuant la douloureuse question du déclassement, du chômage dérivant sur le drame. Bonne soirée Marie-Anne.

      Aimé par 2 personnes

    • Triste en effet,
      Je viens de revoir « Entre les murs », un film qui questionne moins l’école qu’un système créant de la distance entre sachants et apprenants, sorte de transposition du thème de « Ressources humaines » dans le milieu scolaire. Un constat assez terrible qui, malheureusement, près de quinze après, semble plus pertinent que jamais.

      Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire