The RAID : Redemption

Verticales limites

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« On appelle cinéma Motion Picture. Ce n’est pas rien, il faut que ça bouge. »

Raoul Walsh.

Un film d’action est par essence nerveux, enlevé, violent s’il le faut. Surtout, il doit filer vers un but précis, à la vitesse d’une balle sortant du canon. Mais un bon film d’action doit-il se limiter ces instructions minimales ? Peut-on admettre l’impasse totale de caractérisation des personnages ? Négliger la toile de fond sur laquelle ils se débattent ? Bref, les films d’action doivent-ils toujours aller plus vite ? Cette question taraude chaque étage de « The Raid », film qui fait de l’élégie de la bagarre une nécessité de survie.

Ce film tourné en Indonésie par un Gallois tombé amoureux de la culture du pays a au moins le mérite de raviver la flamme vacillante d’un cinéma de genre local tombé en désuétude depuis pas mal d’années. Il y parvient en reprenant les ingrédients qui firent son succès dans les années 80, à savoir « du gore et des guns » (si on en croit le spécialiste en films « Mad » Julien Sévéon). Cet assaut policier d’un immeuble-donjon contrôlé par un parrain de la pègre est un terrain tout trouvé pour faire se succéder les morceaux de bravoure, quitte à enfoncer les garde-fous du réalisme (« personne ne peut se prendre autant de coups et en ressortir vivant » admet le réalisateur). Car il s’agit là moins de montrer les techniques d’assaut de la police indonésienne, encore moins de prendre le pouls d’une société que l’on devine rongée par le crime et la corruption, que de profiter de chaque scène (voire de chaque plan) pour faire parler les armes à feu, faire gicler tripes et sang, avant de vous faire cracher toutes vos dents dans des castagnes ultra-spectaculaires.

Lorsqu’Evans cite parmi ses influences principales l’indispensable « Die Hard » de McTiernan, on le croit sur parole, car il demeure aujourd’hui le socle commun de tous les récits piégés dans une tour infernale. On est pourtant loin des bons mots de l’ami McClane, de la parfaite conjonction de l’action, de l’humour et du suspense. Evans ajoute à la longue liste de ses modèles un certain « Assaut » mémorable. Si l’énoncé de ce titre renvoie immédiatement à ce magistral actioner torpide concocté par un John Carpenter encore jeune, le Gallois se réfère quant à lui davantage à son remake boiteux réalisé par notre frenchie Jean-François Richet. L’édifice référentiel qui sert de base à « the Raid » commence alors à sérieusement s’effriter. Il s’effondre littéralement quand vient s’ajouter à la liste la sinistre bessonnerie « Banlieue 13 » dont la bêtise scénarique n’a d’égal que la médiocrité de sa mise en scène.

Sans descendre à un tel niveau de nullité, « The Raid » trouve néanmoins difficilement de quoi épaissir son dispositif. Dès potron-minet, on se lève avec Rama, un des gars des troupes d’élite de la police indonésienne. Après, avoir cogné dans un sac de cuir et embrassé son enceinte dulcinée, le voilà transbahuté dans un fourgon qui le conduit avec ses collègues vers un objectif assez flou. L’idée, plutôt bonne, qui consiste à nous faire basculer assez rapidement du film de siège au film de piège, se trouve hélas ternie par la nécessité de le faire à grands renforts d’effets balourds et de bande-son très appuyée. On entre alors de plain-pied dans l’univers très codifié de la cinématique vidéoludique, celle qui emprunte des formes visuelles de blockbusters.

Chaque plan et chaque séquence sont ici gouvernés par le seul souci d’efficacité, préférant faire la part belle à l’utilisation d’armes à feu de calibres divers, aux combats au corps à corps et aux armes blanches au découpage parfaitement aiguisé. Sur ce point, Gareth Evans assume son parti-pris, se faisant depuis ses débuts de documentariste, le chantre d’un art martial appelé le pencak-silat. Son champion s’appelle Iko Uwais, joue dans tous ses films pourvu qu’il puisse y faire la démonstration de son extraordinaire maîtrise du combat. Tout espèce d’intrigue, de nœud dramatique est alors éclipsé par l’impérieuse nécessité de faire progresser ce personnage dans les différents niveaux de l’immeuble, de le placer face à des ennemis toujours plus vicieux et redoutables, comme le ferait quelque héros du plus basique des beat’em up. Le metteur en scène fait alors sienne la philosophie de l’impressionnant Mad Dog qui pense que tuer son adversaire d’une balle c’est un peu comme « payer la note du restaurant sans avoir dégusté. »

Evans est hélas bien loin d’atteindre la maestria chorégraphique d’un Johnny To qui ne se contentait pas de faire de son « breaking news » une pure figure de style. Car l’ode à la baston trouve se limites dès lors qu’elle se réduit sa plus simple expression. Même dans les films de Bruce Lee, ou encore dans le sympathique « Ong Bak » (qui faisait déjà l’apologie d’une technique de combat thaï assez proche de celle-ci), on pouvait s’appuyer sur un embryon de scénario (bon ou mauvais, peu importe) qui aidait maintenir à flot un certain intérêt pour les personnages. Le sérieux imposé par Evans à cette guerilla de cage d’escalier ne contribue pas spécialement à nous faire passer les grosses couleuvres qui lui servent de prétexte. Boudé par une intelligentsia critique qui n’y reconnaît qu’un spectacle régressif à la violence gratuite, « The Raid » est toutefois acclamé par la communauté des geeks excités par tout ce qui n’a pour but que d’aller plus vite, plus fort, tout en faisant plus mal.

Si l’objectif est de s’en tenir à l’essence pure du film d’action véloce et brutal, ce stade primordial du divertissement est effectivement atteint avec brio. Le spectacle est bel et bien explosif (il le sera tout autant dans « Bérandal », sa suite percussive), mais on pourra toujours regretter que la charge soit si creuse.

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12 réflexions sur “The RAID : Redemption

  1. Je garde un excellent souvenir estival de la sortie en salle de la suite, ‘The Raid 2’. A revoir prochainement, mais dans mon souvenir, l’histoire était un peu plus développée et les personnages hauts en couleur.
    Au fait, que devient ce réalisateur ?

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    • Pas plus fan de « The Raid 2 » (qui a droit aussi à sa chronique dans la boue, lien à suivre au bas de l’article 😉), dont je ne nie pourtant nullement l’efficacité. Pour les fans de Iko Uwais et amateurs de Pencak-Silat.
      Evans a sorti un film d’horreur l’an dernier. Pas vu passer.

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  2. Une réussite de première. Alors oui le scénario est simple, mais pas simpliste. Evans utilise son concept jusqu’au bout et signe le meilleur film d’action de la précédente décennie. Du défonçage de poire par excellence et bien filmé. Rien à voir avec les surcuts des ricains comme on peut le voir chez le pitoyable Peter Berg par exemple.

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