Go far
Au jour et (presque) à l’heure dite, le coup de feu a retenti : le 4ème Festival Reims Polar s’ouvre enfin, la ville retrouve « sa part d’ombre » et revêt « un voile de mystère » selon les mots choisis par Arnaud Robinet, maire de la ville.
Les jurys (Sélection officielle, « Sang-Neuf », Police, Critique) sont installés au grand complet face l’écran géant de la salle 1 de l’Opéraims. Regards et objectifs se braquent immédiatement vers eux à l’appel de leur nom lors d’une présentation sous applaudissements. Après un propos liminaire de l’édile principal de la ville qui octroie à la Cité des Sacres, pour une durée de cinq jours, le statut de capitale internationale du polar, Bruno Barde, le directeur du festival, enchaîne face au public les bons mots dont il est connaisseur, le tout dans un va-et-vient bien rôdé avec son complice traducteur David Rouault. Il a sélectionné cette année cinquante films issus d’une vingtaine de pays différents qui, jusqu’à l’annonce du palmarès samedi prochain, sauront assurément ravir les festivaliers et faire palpiter le cœur des amoureux du suspense.
Pour succéder aux nuits milanaises de l’an dernier et célébrer comme il se doit cette ouverture, le festival a invité le réalisateur Shane Atkinson à présenter en avant-première et hors-compétition son premier film, primé l’an dernier au Festival du Film américain de Deauville : « LaRoy ». Titre énigmatique pour une destination bien loin de chez nous, sous un soleil noir et moqueur d’une intolérable cruauté. Mais, « c’est où LaRoy ? » s’interroge un type étrange et inquiétant que l’on dérange au téléphone en pleine besogne mortuaire. Les plus physionomistes auront reconnu le Dylan Baker, ex-professeur manchot au destin reptilien, mentor de Peter Parker dans les « Spider-Man 2 et 3 » entoilés par Sam Raimi. Au volant de sa Mercedes beige du siècle passé, il s’est reconverti dans une autre branche, le professionnalisme toujours chevillé au corps. Les Fogertys crachent leurs mélodies sur les fréquences oubliées de l’autoradio, il faut de la country pour le vieil homme.
Ça tombe bien, au Texas, rien ne semble avoir vraiment changé depuis des lustres : toujours le même paysage aride et poussiéreux, des bâtiments crasseux à moitié délabrés, des pick-ups hors d’âge sillonnant des routes qui semblent ne mener nulle part. Ambiance western garantie dans ce recoin d’Amérique qui rappelle les paysages de « The Last Picture Show » mais qui ne figure même pas sur la carte. « J’adore les histoires de meurtre qui se passent dans des petits patelins, car un rien peut prendre des proportions énormes » confesse le réalisateur, également auteur du scénario. « LaRoy » a tout des territoires perdus de l’Amérique, bled figé dans un passé qui n’a plus cours. L’étoile du drapeau de l’Etat a bien pâli car, dans ce pays, on semble s’accrocher à des rêves auxquels plus personne ne croit.
S’il est toutefois un dieu qui ne se démonétise pas là-bas, c’est le dollar. Et Ray en manque cruellement pour satisfaire les envies de sa chère et tendre, ex-reine de beauté locale, unique titre de gloire qui ait jamais illuminé sa vie. John Magaro n’a décidément pas beaucoup de chance quand il fait des affaires au cinéma. On se souvient de son éphémère business laitier qui tourne en eau de boudin dans « First Cow », on le retrouve manager d’une quincaillerie familiale qui vivote, mais dont il arbore fièrement le logo sur son polo vert. Pas vraiment heureux le brave Ray, surtout depuis que Skip, détective fraîchement installé lui a collé sous le nez des photos de son épouse à la porte d’un motel réputé pour ses rendez-vous coquins et ses ébats infidèles.
A l’ombre de son chapeau de cow-boy à larges bord et sapé comme un grotesque milord de l’élevage du bétail, Steve Zahn s’amuse (et nous réjouit) de ce personnage de privé hâbleur qui est la risée de la police locale. On tient là, un parfait tandem de losers, chefs de file d’une galerie de têtes de Coen que Shane Atkinson ne va pas tarder à nous présenter dans le détail. Une enveloppe bien garnie de petites coupures suffira à faire obliquer la tragédie adultère dans une comédie sombre dont les racines remontent clairement jusqu’à « Fargo », film et série. Pas besoin d’être grand clerc pour deviner à quel point le jeune cinéaste est fan des frangins du Midwest et fondu au Film Noir.
Un contrat qui passe en de mauvaises mains, une suite de quiproquos qui nous baladent d’une figure locale à l’autre (le vendeur de voitures, l’avocat, l’armurier, le gars de la fourrière), sans oublier l’effaceur professionnel qui met un point d’honneur à « finir ce qu’il entreprend » et le frangin frimeur qui vient de se payer un bateau flambant neuf. Cette touche de cocasserie dans un tel cadre d’aridité rappelle immanquablement ce dont sont si friands les frères Coen. C’est la cerise écarlate sur un mille-feuille d’intrigues savoureux, une cuisson en slow burn très bien exécutée mais qui ne parvient véritablement à se départir d’un arrière-goût d’imitation. A l’image de la blonde et vulgaire Stacy-Lynn, on aurait voulu voir dans « LaRoy » un peu plus d’infidélités, voire d’irrespect à l’égard du modèle affiché.
Chantages foireux, meurtres maladroits, tromperies : le tout reste néanmoins terriblement « Juicy » (comme il est inscrit dans le dos du blouson de l’ex-Miss Beau County 2008), surtout quand l’affaire tourne au vinaigre et que le tueur sort les outils (depuis « Old Boy » et « A Beautiful Day », tout usage détourné du marteau garde un côté crispant). « Il faut saisir les moments de bonheur quand ils se présentent », cette leçon de vie professée par une mamie bien dotée et qui cache bien son jeu est assurément une invite à profiter de « La Roy » pour ce qu’il est : une comédie noire sang pour sang jouissive.
Marteau ? Bonheur ?
« Si j’avais un marteau
je cognerais le jour
je cognerais la nuit
j’y mettrais tout mon coeur… » (air connu)
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Je peux t’assurer qu’il y met du cœur justement 😂
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Bonjour Princecranoir. J’aime bien « il faut de la country pour le vieil homme » ! Apparemment, tu as trouvé ce polar trop proche des frères Coen… c’est vrai qu’ils ont inspiré un peu trop de cinéastes. Je te souhaite une bonne continuation à Reims 🙂
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Merci beaucoup Marie-Anne,
Il me semble que Shane Atkinson ne peut renier cette filiation tant elle transpire à chaque étape du son scénario. « LaRoy » reste néanmoins un film très bien mené et, surtout, particulièrement drôle.
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pourquoi ya mon nom en gros ???
Si tu pouvais l’enlever…
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Aucune idée.
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C’est fait. Mais j’ai dû employer une méthode radicale. À la coréenne. 😁🔨🪚🪛
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La vache, ça plaisante pas !
Donc mon indispensable commentaire a été enterré. C’est moche. Je devais dire que ce film est jouissif. Mais attends de faire un tour à Yuma, je l’ai trouvé jubilatoire (avec du Coen’brothers inside too).
Ps. : je sais pourquoi il y avait mon nom. Il apparaît dans l’enregistrement automatique de mes coordonnées. Mais ça par contre, je ne sais pourquoi… Il faut que je le supprime à chaque fois. #Vis ma vie de blogueuse 😂
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« Têtes de Coen »… Fallait l’oser celle-là ! 😀
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À LaRoy, on ose tout. C’est même à cela qu’on les reconnaît. 😉
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Bien vu. x)
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Et tout le monde pourra en juger car le film sort mercredi prochain ! 😀
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J’ai vu en effet. Ça besogne un peu trop. Je préfère encore la perversité de Harry, le tueur qui vous veut du bien.
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Un polar coénien qui devient rapidement imprévisible, jouissif et inventif. On passe facilement du rire à l’effroi dans cette ville qui tombe en ruine. J’y reviendrai plus longuement sur LaRoy, un magnifique mise en bouche de festival qu’il me tarde de redécouvrir dans un axe un peu plus favorable sur la bas-côté 😁
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Très juste, c’est vrai que notre placement dans la salle nous aura un tantinet gâché le plaisir !
Shane Atkinson va peut-être s’imposer comme un des nouveaux visages du cinéma indépendant américain. Il lui manque peut-être encore un peu plus d’audace pour être à la hauteur de ses modèles. Mais l’animal est prometteur !
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