Spider-quoi ?

« N’importe qui peut être derrière le masque, l’esprit de Spider-Man dépasse l’individu. Peu importent les pouvoirs, ce qui compte c’est la personne que vous êtes. »
Peter Ramsey
Un juste au corps en lycra moulant, du rouge, du bleu, de grands yeux de biche tout blancs cernés de noir, il n’en faut pas plus pour faire un Spider-Man, quelle que soit son origine, quel que soit le bonhomme dans le costume. Dans l’univers développé il y a maintenant soixante ans par Stan Lee, l’homme-araignée est sans doute le personnage qui aura acquis la plus haute côte de popularité, et un nombre d’identités incalculable. Afin de conquérir un public toujours plus jeune, le monte-en-l’air est désormais susceptible d’enfiler n’importe quel déguisement, de changer de couleur, de sexe, d’époque et même d’espèce selon la fantaisie des auteurs. Enfant de la toile, il se trouvera naturellement projeté « into the Spider-verse » sous la palette graphique d’un trio radioactif composé de Peter Ramsey, Bob Persichetti et Rodney Rothman, trois réalisateurs qui collent aux baskets de « Spider-Man : New Generation ».
Lorsque la maison Sony en a acquis les droits d’adaptation ciné à la fin du siècle dernier, les caïds de la boîte se sont certainement frottés les mains à la perspective de retombées faramineuses. Tout a plutôt bien débuté avec le succès d’une trilogie mémorable réalisée par Sam Raimi, puis la toile a commencé à se déchirer avec le réveil des héros historiques de la Maison des Idées, une troupe de Vengeurs venus réclamer leurs droits sur tout le panthéon inventé par Stan Lee et ses sbires. Tandis que le héros désormais installé dans la peau de Tom Holland fait son « Homecoming » chez la concurrence, les boss de chez Sony ont bien l’intention de répliquer en proposant une version animée du tisseur dont ils conservent encore quelques toiles. Ils laissent alors le champ libre à trois réalisateurs ayant chacun une araignée collée au plafond, ficelés par un Phil Lord (fan de Lego et de boulettes géantes) chargé de tisser des liens vers le grand réservoir du Spiderverse. Et c’est peu dire qu’ils ne vont pas se priver d’y piocher tout ce qu’ils trouvent.
Comme le disait déjà Bill Jemas (ancien patron très controversé de la Marvel Comics) en lançant la collection de comics Ultimate à l’aube des années 2000, « notre démarche consiste à tirer un trait sur l’histoire traditionnelle pour la remplacer par une autre ». Ici, l’objectif est bien de garder la main sur des fans de plus en plus attirés par le gouffre du MCU en leur proposant une alternative de forme originale et de conception soignée. Et pour ce faire, le scénario est prêt à donner dans le n’importe quoi le plus complet, voire à métisser large. Que le blanc-bec Peter Parker aille se faire voir chez les Avengers, on refile ici le costume à un Spider-Man à capuche, brave gamin issu des minorités dénommé Mile Morales.
Ce pur produit du croisement des cultures latino et afro-amércaine est né sous la plume de Brian Michael Bendis dans la série Ultimate afin de mettre en phase le personnage avec la diversité ethnique de New-York. Plutôt une bonne idée, la notion d’héritage et de « grandes responsabilités » s’accordant parfaitement à l’histoire de ce gamin du ghetto qui n’a pas choisi son destin et se retrouve suspendu au-dessus des lois. Le film a d’ailleurs la bonne idée de l’intégrer dans le désaccord entre le père, membre du NYPD qui souhaite la meilleure éducation pour son fils, et Miles le colleur d’autocollants et grapheur clandestin plus attiré par le versant bad boy underground personnifié par son oncle Aaron. L’irruption d’une araignée transgénique venue d’une autre dimension bouleversera la donne tout en ouvrant large les portes de tous les possibles.
Un Spidey perdu, six de retrouvés ! Voilà que le Caïd Wilson Fisk (petite tête vissée sur un corps énorme, sorte de mix graphique du moche et méchant Gru et un Mr Indestructible de mauvaise humeur) qui a investi dans une grosse machine à laver à modifier le temps afin de réparer l’injustice d’une mort douloureuse (voir sur le même sujet, un formidable épisode de la série animée « What if… ? » impliquant le « Docteur Strange »), se retrouve aux prises avec tout un tas de variants venus d’ailleurs. Comment ne pas rester interdit et circonspect à l’apparition d’un Spider-Ham au groin masqué, tout droit sorti d’une délirante ferme de super-animaux, et même d’une héroïne accroc aux sucreries flanquée de son mecha venu des bulles arrosées au soda d’un shōjo manga. Je passe sur le retour bedonnant d’un Parker bis et dépressif, tout comme sur la Spider-Gwen de blanc vêtue et son pendant Spider-Man Noir échappé d’un film de gangsters des années 30. Dans le camp adverse, une Octopussette à lunettes, tentacule agile mais répartie molle, n’a pas mieux à offrir. De quoi mettre la tête à l’envers à quiconque voudrait trouver un brin de cohérence dans un univers biberonné au Comic Con.
Ce qui maintient en l’air le film, c’est son visuel à l’avenant : dynamique, inventif, bondissant sur une bande-son hip-hop, osant tous les effets graphiques possibles : tout comme dans la vieille série Batman, des onomatopées viennent « poper » sur l’écran, les split-screens reprennent du service, les couleurs se font parfois baveuses, les pensées du personnage s’inscrivent dans les cartouches transformant l’écran en page de BD dont le design épouse très largement les lignes profilées du dessinateur Mark Bagley et de sa consœur Sara Pichelli (à qui on doit les exploits sur papier de ce fameux Spider-Miles Morales). Un étalage de virtuosité qui vaudra à « Spider-Man : into the Spider-verse » une moisson de récompenses (à commencer par un Oscar et un Golden Globe), et un succès critique et public qui engendreront naturellement une suite. Il est aussi le premier film super-héroïque à oser ouvrir la boîte de pandore des multivers dans lequel le MCU ne tardera pas à s’engouffrer à son tour. L’invasion des araignées ne faisait que commencer, avis à tous les arachnophiles.

Belle citation introductive… et le le dis a
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Je le dis avec le masque sur le nez
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C’est une des bonnes idées défendues dans le film, où le Spider-Man devient une franchise déclinée à toutes les sauces, un véritable business que le scénario s’amuse à tourner en dérision (une forme de sarcasme qui se rapproche de l’esprit « Deadpool » mais sans le côté désagrablement vulgaire).
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J’aime beaucoup l’univers MCU, je viens d’ailleurs de visionner tous les films, sur plusieurs mois dans l’ordre… Mais je n’ai toujours pas regardé ce film d’animation !
Il ne s’intégrait pas dans mon challenge.
Du coup je le note, pour enfin me pencher dessus 😉
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Comme tu l’as sans doute compris, il est hors MCU puisqu’il est développé par la maison Sony, en association avec Marvel Comics. A voir pour l’anecdote en effet, et pour ce qu’il préfigure de la nouvelle orientation proposée par Kevin Feige, actuel grand moghol de la Marvel.
Beau Challenge en tout cas. cela inclut-il les séries annexes ?
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Oui, effectivement il est hors MCU, pour moi j’avoue que c’est parfois floue, car ça reste l’univers Marvel. Je n’ai pas inclus les séries, mais j’ai très envie de me refaire le challenge en les regardant… Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai tout vu, alors ce ne sera que la énième !
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En effet, c’est presque de l’addiction à ce niveau !
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Oui…
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A la longue, ça développe peut-être des super-pouvoirs. 😉
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Ce serait le pied 😝
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Bravo Prince, comme d’habitude c’est fluide et ça donne envie de le voir ou de le revoir dans mon cas tant je n’attendais rien du film quand il est sorti et fut agréablement surpris par toute la créativité qui en a découler. Apparemment Marvel a bien compris que l’avenir se trouve dans le multivers, c’est pourquoi le prochain spider-man live qui sort ce mois-ci va s’y engouffrer a l’instar de sa version animé. De quoi imaginer pourquoi pas une rencontre impromptu entre Mile et Peter « Tom Holland » Parker. Une jolie migraine en perspective. Sinon est-ce que tu savais que le personnage du Spider-Man noir était doublé en VO par notre Nicolas Cage adoré ? Et que le spider-Cochon semble être une allusion direct a la blague d’Homer dans les Simpson le Film ?
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Merci pour ton commentaire.
J’avais noté la présence de Nic Cage derrière la silhouette années 30 du Spider-Man Noir. Un rêve de jeunesse pour notre cher Coppola, fan de Marvel depuis toujours et qui n’avait récolté jusqu’ici que du rôle très ingrat du Motard Fantôme dans une adaptation pour le moins dispensable.
Quant au Peter Porker aka Spider-Cochon (qui peut effectivement marcher au plafond), je t’avoue que ce n’est pas ce qui m’a le plus emballé dans ce long-métrage d’animation. Comme tu l’as lu, je suis davantage séduit par la réalisation que par le contenu.
Par contre, je suis comme l’araignée tapie dans sa toile, prêt à me saisir du prochain film qui s’annonce phénoménal (en espérant qu’il tienne ses promesses).
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C’est très loin d’être mon univers de prédilection. J’ai lu et lis (moins) des comics. Les films actuels adaptés plus ou moins librement de ces derniers ne m’intéressent nullement. Et pourtant, ce Spider-Man m’a comblé. Un graphisme époustouflant, une animation au top, un vrai scénario et des personnages tout sauf creux contrairement à leurs versions live. Une vraie bonne surprise qui me fait attendre de pied ferme sa suite !
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Comme toi, j’en lis (beaucoup) moins également et j’avoue être passé totalement à coté des univers convoqués dans ce Spider-Man. J’y retrouve un peu de ce que j’avais lu lors du lancement de la (très bonne) série Ultimate Spider-Man développée par Brian Michael Bendis au tout début des années 2000, série que j’ai fini par laisser tomber avant l’arrivée de Mile Morales.
Je ne suis pas sûr d’avoir saisi toute la profondeur de ces personnages, et j’en reste à ceux développés tout au long des films du MCU.
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Mon contact avec les comics remonte pour ma part aux éditions LUG et SAGEDITION. J’ai retrouvé cet esprit dans le film d’animation. Vraiment, j’ai adoré !
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La suite l’an prochain a priori.
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Classé 71ème dans la liste qui vient de paraître des meilleurs scenarios du XXIeme siècle par la screenwriter’s guild. 😉
Pas mal.
https://www.wga.org/writers-room/101-best-lists/101-best-screenplays-of-the-21st-century-so-far/list
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Et oui quel film ! Quelle surprise ! Pour moi le meilleur Spider-Man du 7ème Art à ce jour 🙂
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Je constate l’enthousiasme pour ce film d’animation. J’avoue ne pas être autant emballé, et reste entoilé aux versions live.
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Sacrée expérience que la découverte en salle (et en 3D relief) de ce film d’animation ! Les couleurs et les formes explosent dans tous les sens. Perte de repères avec la collision d’univers parallèles, pour mieux retomber sur ses pieds.
Quand on sature et s’éloigne du genre super-héroïque, il peut arriver de belles surprises comme les « Gardiens de la Galaxie » ou ce ‘Spider-Man : new generation’. Mais la logique industrielle reprend vite toutes ces idées originales pour en produire en quantité déraisonnable, presser le citron jusqu’à la dernière goutte tant qu’il y a de l’argent à prendre.
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Il a dû me manquer une dimension en voyant ce film sur petit écran, bien que je lui reconnaisse une virtuosité graphique assez bluffante. Je reste néanmoins assez rétif à ce genre de dévoiement, tout comme à ces « gardiens galactiques » qui ne m’amusent que peu.
Je dois être le client idéal pour la cuisine industrielle. 😉
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Fais comme moi, un écran maison de 3m ça compense un peu 😉
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Réussite totale graphiquement mais fatigant pour la super énergie du machin et la musique non stop.
Le petit Tom Holland en vrai fait beaucoup pour le renouveau du personnage. Il est irrésistible le gamin.
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Pour la réussite, tu parles du film avec Holland ou du dessin-animé ?
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J’adore ton article Prince, arachnophobe je suis mais Spiderman compatible je vais l’être 😉 Je n’attendais pas grand chose de cette sortie mais là tu attises ma curiosité. « Un côté Deadpool mais sans la vulgarité.. » ça me tente bien 😉 Merci beaucoup pour tes avis toujours éclairés, pleins d’esprit. Je te souhaite une belle semaine 😊
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Merci Frédéric,
Attention, pas de confusion : j’évoque ici non le nouveau film Marvel « Spider-Man : No way home », mais bien le film d’animation sorti en 2018. Pour ce qui est du nouveau Spidey, je le prendrai au piège de ma toile d’ici peu.
Belle fin de semaine à toi aussi.
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Hâte de lire ta chronique sur celui-ci ! Belle journée à toi 😊
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Plutôt que de m’ennuyer avec le film actuellement en salles dont les images vues ici et là confirment aussi bien mes craintes que mon désintérêt pour le MCU, je préfère attendre la suite de ce film brillant. Après des apparitions ratées dans le mcu et un reboot d’une inutilité totale, Spider-man revenait avec un bon film, me faisant oublier même le dernier Sam Raimi, certes ne manquant pas de moments de bravoure mais terriblement mal écrit. Le film est superbe, plein de possibilités et tous les personnages ont leur place dans le récit et leurs spécificités. On n’est pas dans le fan service. On est face à des personnages qui font partie du récit. Un vrai Spider-man 4 en quelques sortes, d’autant qu’à mon sens même si Tobey Maguire et Kirsten Dunst (ainsi que Damien Witecka et Marie Eugénie Maréchal en vf) ne reprennent pas leurs rôles, les Parker et Mary Jane du monde de Miles sont ceux de Raimi. Vivement la fin d’année !
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J’ai été nettement moins emballé que toi. J’ai du mal à suivre l’engouement collectif pour ce film d’animation. Je suis donc moins impatient de voir la suite.
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Pour moi c’est un film sincère et bien écrit. Ce que n’est pas le machin qui est sorti cet hiver de ce que j’ai vu. Plus je vois d’extraits sur twitter, plus cela me fatigue. Là j’ai eu du plaisir à chaque fois que je l’ai vu. Pour moi c’est le vrai numéro 4 de la franchise de Raimi avec la mort symbolique du héros et sa succession. Et la bande-annonce de sa suite annonce un film totalement dingo.
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