Il était un frère

« Vivre avec des enfants donne beaucoup d’inspiration : avant c’était des livres, des films, des conversations qui me poussaient vers la création. Aujourd’hui, le temps que je passe avec mes enfants, à jouer avec eux, à leur apprendre des choses, à les gronder même, eh bien, tout cela m’apporte quelque chose d’unique en termes d’inspiration. »
Mamoru Hosoda dans Mad Movies n°302, décembre 2016.
Depuis qu’il a fondé sa propre maison de production, les affaires prospèrent et la filmographie s’agrandit pour Mamoru Hosoda. Après « Ame et Yuki, les enfants loups », après « le Garçon et la Bête », voici qu’arrive directement de la maternité, « Miraï, ma petite sœur », dernière-née du studio Chizu (en attendant l’arrivée de sa « Belle » par chez nous). Toujours une histoire de famille, une source d’inspiration inépuisable pour cet amoureux d’Ozu et de Takahata.
Mamoru Hosoda est un infatigable rêveur, on le voit à cette fascination pour la forme des nuages. C’est une sorte de plan signature, on en trouve dans tous ses films, sur fond de ciel d’azur. Sans doute que, de là-haut, il a une plus belle vue d’ensemble sur la vie, et sur ville étale sous nos yeux. Ici Yokohama, terminus du train, avec sa baie, son port, son vieil hippodrome en ruine qui domine la cité sur les hauteurs, vestige d’un temps que les moins de cent ans ne peuvent avoir connu. Le passage des époques, la succession des générations sont deux autres obsessions de ce maître de l’animation qui entama sa carrière d’auteur indépendant par une étourdissante « traversée du temps ». Hosoda aime les dialogues diachroniques, les rencontres improbables dans les coursives du temps. Elles se font généralement à la faveur d’une pause, un arrêt en gare qui ouvre sur d’autres quais, d’autres temporalités insoupçonnées. Hosoda est aussi un formidable contemplateur, il observe la nature comme personne, en fait le berceau de ses histoires.
Tous ces éléments se trouvent concentrés dans « Miraï, ma petite sœur », film-monde mais un monde miniature, comme le sont les jouets et l’étrange maison de cet enfant de quatre ans appelé Kun. C’est une Bauhaus pareille à celle du coréen « Parasite », blottie entre deux pavillons traditionnels dans un quartier résidentiel situé dans le pourtour de ville. Hosoda a pris grand soin de la concevoir en suivant les conseils avisés de Makoto Tanijiri, designer de renom qui a imaginé cette bâtisse sans cloison étagée sur plusieurs niveaux. Le père de Kun est architecte, on peut imaginer qu’il est à l’origine de cet espace ouvert à la circulation. Kun est aussi passionné par les trains, véhicules propices à l’évasion, il en connaît tous les modèles, toutes les lignes, bien qu’il ne soit jamais allé tellement plus loin que son école voisine. Dans ce foyer tranquille que nous présente au générique Hosoda en quelques clichés, va débarquer la concurrente, l’intruse qui fait tâche sur la photo de famille. Pourtant, Miraï c’est l’avenir, littéralement. Les deux parents se mettront en quatre pour satisfaire le bébé, quitte à envoyer valdinguer les schémas traditionnels : le père choisit de rester au foyer tandis que la mère reprend vite une activité professionnelle. Voilà qui ne manque pas de faire causer dans le quartier.
Quand Mirai passe le seuil dans les bras de sa mère, il neige. C’est une première pour Kun, il y en aura d’autres, assurément plus douloureuses (première fois sur un vélo sans roulettes par exemple). C’est aussi la première expérience d’une vie à quatre, un amour exclusif qu’il va falloir partager, situation nouvelle que le petit garçon caractériel aura bien du mal à accepter. « Miraï » raconte l’histoire de cette acceptation, un cheminement vers la raison, progressant marche après marche dans le périlleux escalier de la vie. Dans ses fonds superbement aquarellés, Hosoda ménage des paliers, qui sont autant de portes menant vers d’autres espaces de (prise de) conscience. Dans le cas présent, c’est un jardin, petit carré de verdure coincé entre la chambre de l’enfant et la salle de séjour, au milieu duquel trône un chêne magnifique, sorte de vénérable des lieux. « C’est un arbre qui surplombe les hommes et qui vit plus longtemps que les humains » expliquait le réalisateur lors de son passage en France. Il en fait une sorte d’archiviste de la mémoire familiale lors d’une des virées oniriques de Kun dans l’imagier généalogique.
Chamboulé dans ses habitudes, privé de l’attention exclusive de ses parents, le petit garçon explose, exprime sa colère, avant de s’échapper dans le monde d’à côté aux allures de jungle luxuriante, de prairies sous-marines. Un refuge parallèle pas si éloigné des mondes de Miyazaki, jusqu’à ce rêve où « le vent se lève » et dans lequel Kun rencontre l’arrière-grand-père qu’il n’a pas connu, qui fabriquait avant-guerre des moteurs pour l’aviation japonaise. L’arrivée de Miraï dans la maison est propice à d’étonnants voyages, prétexte à de singulières rencontres, à déambuler dans un ailleurs qui pourrait avoisiner le royaume de Ren, l’orphelin du « Garçon et la Bête ». Ici ses démons se changent en visages familiers, venus du futur ou du passé, tout droit sortis de l’album de famille sur quatre générations. Ils racontent des histoires qui le font réfléchir, qui le font fléchir, puis grandir et avancer. Certes, elles peuvent parfois tourner au cauchemar, changer sa mère en affreuse sorcière, transformer son petit univers en gare gigantesque où les enfants se perdent, passent au guichet des objets perdus (angoissant automate dessiné par le duo Tupera Tupera, fameux auteurs d’albums de jeunesse) avant de se retrouver au bout d’une voie où se dessine le terrifiant pays des « tout seuls » (« j’ai pensé à Pinocchio. Quand j’étais gamin, la scène où les méchants enfants sont transformés en ânes m’épouvantait plus que certains films de terreur. » confiait Hosoda dans les colonnes de Positif).
« Mirai no Mirai » est un éblouissant reflet de famille, un film qui se sert du passé pour mieux regarder vers l’avenir, qui interroge la place de chacun. « J’ai compris que les êtres humains ne peuvent pas vivre sans amour » confessait enfin Hosoda. Comme si Truffaut lui soufflait à l’oreille.

Perhaps François Truffaut uses language that children can understand because of his own chaotic childhood. And obviously Mamoru Hosoda doesn’t gravitate towards the nature of the child when he becomes the Digimon father. Because some will always be children. Since you chose animated movies…
I love those who don’t break their bond with the child inside. I love innocence and grace. I like to write more because of you.
Thanks for your pen. 😉
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Obviously, Hosoda never broke his bond with childhood. It proves it once again in a bright way. Of course he made a Digimon movie (but not invented them), and it’s a link towards another animated world (see « Summer wars », and probably the next « Belle »). This one is more connected with our world, traveling through time but meeting real persons. That’s the main difference.
Thanks for your post. 😀
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When I watch it, I’ll leave another little comment, promise.
Good luck with your pen! 😉
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Thank you 🖋️
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👍
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Je l’ai enregistré cette semaine sur Arté, mais pas encore regardé 😉
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Tu vas te régaler.
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Quelle émotion en lisant ta critique sur ce film d’animation que j’ai hâte de découvrir..
Bravo et merci 👏🤩🌟⭐🌟⭐🌟
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Oh merci 😊
Il faut en profiter, il est en ce moment disponible sur le replay d’Arte.
Passe une belle journée 🌞🙏
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Je vais regarder.. Merci
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Bonjour Princecranoir et merci pour ce partage. Comme toujours, ta présentation fouillée, truffée de références et ta plume qui traduit si bien la sensibilité que tu y mets sont convaincantes au point que j’ai toujours envie de découvrir le film que tu proposes. Je suis heureuse de lire aussi que je vais pouvoir le découvrir en replay Bravo pour ce travail considérable !
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Bonsoir Nadia,
Il m’est très agréable de lire de tels compliments dans les commentaires. Je suis ravi d’avoir ainsi suscité l’envie de découvrir tous ces films, et celui-ci en particulier car il fait montre d’une sensibilité universellement partagée, touchant à nos souvenirs d’enfant comme à notre vécu de parent.
Merci encore pour ton passage et ton mot sympathique.
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C’est mérité. 🙂 Bonne nuit et au plaisir de te lire à nouveau.
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Ce film a l’air très poétique, onirique, et j’espère pouvoir le voir un jour ou l’autre. Les dessins animés et films japonais ont une esthétique très gracieuse. Merci Prince Ecran Noir !
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Merci à toi.
Il est peut être encore disponible sur le site d’Arte. Si tu as l’occasion n’hésite pas.
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Bonjour Princecranoir, j’ai pu voir le film d’animation Miraï et je te remercie encore pour cette recommandation. J’ai adoré ! C’est émouvant, j’ai revécu certaines choses à travers l’expérience de Kun. Très instructif aussi bien pour les parents que pour les enfants et ce parti pris de montrer comment le petit garçon réajuste sa vision du monde en passant par l’onirisme est très poétique. L’animation est sublime. Belle journée à toi ! 🙂
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Bonjour Nadia,
Je suis très heureux que le film t’ait autant plu.
J’aime beaucoup ton expression « réajuster sa vision du monde », car c’est exactement ce que font pratiquement tous les personnages centraux des films de Hosoda. Ils tordent la réalité en la passant au filtre de leur imaginaire (voire des mondes virtuels comme dans « Summer Wars » et visiblement son nouveau film « Belle » ) pour mieux l’accepter, l’apprivoiser.
Dans le prolongement de « Miraï », je te conseille un autre tres beau film de famille qu’il a réalisé avant celui-ci : Ame et Yuki, les enfants loups. Mais peut-être l’as tu déjà vu ?
Belle journée à toi également.
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Oui, c’est exactement ça, tordre la réalité et la passer au filtre de l’imaginaire. C’était tellement juste et tellement touchant ! Les parents qui sont dépassés, l’enfant déboussolé qui tente désespérément d’attirer l’attention sur lui, on connait tous un peu 😉 mais avec cette touche supplémentaire de magie, on ne peut que davantage être séduit.
Merci du conseil pour Ame et Yuki, je n’ai pas vu d’autre réalisation de Hosoda, mais je vais tenter de le voir. Merci encore et c’est parti pour d’autres découvertes ! 😉
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Hosoda livre dans « Mirai » sa propre expérience de père face à ce fils aîné qui doit gérer la frustration de ne plus être centre de l’attention. Il aborde aussi, avec humour et justesse, le statut parental dans une société que l’on imagine encore très ancrée dans les schémas patriarcaux. Ici il montre l’exemple (plus urbain que rural j’imagine) d’un père qui choisit de rester à la maison pour s’occuper du foyer et des enfants pendant que la maman reprend le chemin du travail. Cet angle sociétal est tout aussi passionnant je trouve.
Dans Ame et yuki, il s’agit de l’histoire d’une mère seule qui doit élever ses deux jeunes enfants. Tu devrais apprécier tout autant.
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Oui, je partage ton avis, et c’est ce qui m’a plus. C’est traité intelligemment, le réalisateur aborde des thématiques contemporaines modernes comme le congé parental . La peur de ne pas être à la hauteur, la difficulté à trouver ses marques, l’apprentissage de la parentalité, les tâtonnements, la découverte de certaines croyances et rites… On entre dans le point de vue de chacun des personnages, même du chien, c’est dire ! 😉 Je trouve le regard que porte Miraï sur l’intrusion du nouveau né dans son univers très touchant et tellement juste ! Et la façon dont il opère sa décentration, très originale ! Merci également pour l’autre référence, je vais tenter de le regarder. Bonne soirée ! 🙂
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Merci Nadia, et je te souhaite une autre belle découverte.
Bonne soirée à toi.
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Merci à toi. Belle journée et et bon week-end !
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I love Hosoda as a director. One of his works that I am most attached to is certainly Wolf Children. Every time I see him again and watch the finale I burst into tears. A very human film and the same goes for Mirai. This film also has a very nice and interesting educational purpose and also has animations with attention to the smallest details. A really very sweet and interesting story that really impressed me.
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I do agree absolutely. The attention of the details is one of the highest values of his work. Hosoda has also a very special link with time in the storytelling, he goes back and forth, different worlds and existential plans collides. That’s so imaginative.
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