DUNE, 2ème partie

Le retour du Jihad

« Que l’illuminé se fasse des disciples aussi nombreux que le sable de la mer ; le sable est du sable.
Sois pour moi la perle, ô toi, mon judicieux ami ! »

Johann Wolfgang von Goethe, Epigrammes vénitiens, 1790.

Et de deux. Le roulement percussif de Hans Zimmer pétarade, le rideau s’ouvre sur un désert enveloppant. Il aura fallu beaucoup de patience pour passer de « Dune, 1ère partie » à « Dune, 2ème partie ». Cette nouvelle épopée toujours conduite par Denis Villeneuve, retrouve Paul là où elle l’avait abandonné presque trois ans plus tôt. Ceux qui n’avaient pas saisi l’épice du film précédent n’en trouveront sans doute guère davantage à leur goût dans cette seconde partie. Les autres, initiés ou convertis, pourront en revanche se régaler de cette chronique d’un mythe, en suivant l’éveil d’un leader qui vire à l’avènement d’un tyran, et tenter de percer le cœur de ver de Paul Muad’Dib, les desseins intérieurs de Celui Qui Nous Conduira Au Paradis. Lire la suite

No COUNTRY for OLD MEN

Le bout de la route

« Quels que soient les succès que nous ayons remportés dans cette catégorie, cela montre surtout à quel point nous sommes sélectifs : nous n’avons adapté que Homère et Cormac McCarthy. »

Joel Coen recevant l’Oscar de la meilleure adaptation, Kodak Theater, 24 février 2008.

Quand on évoque la ville de Providence aux Etats-Unis, on pense immanquablement à son écrivain tourmenté Howard Philip Lovecraft, auteur que l’on a longtemps imaginé reclus dans l’univers de ses fantasmes indicibles et ténébreux. On le sait moins, mais il y eut un autre grand romancier natif de la même cité du Rhode Island, connu lui-aussi pour sa discrétion et sa parole rare. Cormac McCarthy est né à Providence en 1933, mais c’est sur ses terres d’inspiration qu’il a rendu son dernier souffle le 13 juin dernier. Ecrivain des confins, c’est naturellement au bout de la piste qui mène à Santa Fe qu’il conclura son œuvre par deux derniers romans parus l’an passé, « le Passager » et « Stella Maris ». Du Nouveau-Mexique au Texas, la route finit « where the pavement turns to sand », comme chantait Neil Young dans son sublime « Thrasher », du côté d’El Paso où règne la « légitime violence » (Tommy Lee Jones le sait bien). Là-bas, la terre se fait aride, zone frontière si pénible à franchir mais parfaitement dessinée pour l’auteur de la « trilogie des confins ». « No Country for Old Men » écrivait Yeats dans un de ses poèmes, formule que McCarthy reprit à son compte pour titrer un de ses plus célèbres romans, qui doit également beaucoup à l’adaptation cinématographique magistrale qu’en proposèrent les frères Coen. Lire la suite

DUNE, 1ère partie

Rêve de sable

« Si l’on accepte le cinéma comme une passerelle entre le monde des songes et la réalité, et que ce rêve éveillé que propose l’adaptation de « Dune » s’inspire du roman et des trajectoires que nous avons collectivement empruntées, comme Frank Herbert, je ne peux qu’anticiper avec crainte les violences qu’inspirera une nature finalement acculée au pied du mur. De toute évidence, si nous ne modifions pas notre trajectoire, comme Paul Atréides, il nous faudra apprendre à nager dans des eaux étranges. »

Denis Villeneuve, préface de « Dune » de Frank Herbert, Robert Laffont, 2021.

« Tell me of your homeworld, Usul »

Chani in « Dune » de David Lynch, 1984.

Sous le sable ondulant du désert, nul ne sait la teneur du péril qui nous guette. Observant les effets des sables conquérants de l’Oregon, l’écrivain Frank Herbert avait préféré diriger sa plume vers un ciel rempli d’étoiles. De son regard perçant, il a entrevu un futur, celui d’une humanité déchirée par des enjeux de pouvoir, des ambitions galopantes, mais aussi l’espoir d’un réveil salvateur sur une planète asséchée de toutes parts. Le jeune Denis Villeneuve s’est saisi de ce rêve inscrit dans une Bible orange, il s’en est fait le film dans sa tête. Après des décennies de campagnes hallucinogènes, de conquêtes avortées, de voyages immobiles, de calendriers contrariés, le soleil se lève enfin sur Arrakis, l’ombre immense de « Dune » enfin nous submerge. Lire la suite